Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 5 mai 2024

Ces espionnes chinoises qui draguent et épousent les marins de la force nucléaire française

 

Les Soviétiques leur avaient donné un nom d’oiseau: «Les hirondelles». Les services de renseignement chinois, selon un article récent du «Financial Times», préfèrent parler «d’abeilles». Dans les deux cas, les jeunes femmes visées ont le même profil. Il s’agit de volontaires, souvent recrutées dans les universités linguistiques, envoyées pour séduire des cibles préalablement identifiées, dans des pays occidentaux vulnérables.

Emmanuel Macron risque donc de parler de «miel» avec le président chinois Xi Jinping, attendu pour une visite d’État à Paris les 6 et 7 mai. Car selon plusieurs rapports des services de contre-espionnage français, les «abeilles» butinent un peu trop du côté de Brest, en Bretagne, là où sont basés les sous-marins nucléaires tricolores.

La Chine tisse sa toile

L’affaire n’est pas nouvelle. Il se trouve juste que la visite de Xi Jinping remet ce sujet à l’agenda. Avant d’accueillir son homologue chinois, à qui il avait rendu visite du 5 au 7 avril 2023, le chef de l’État français a demandé à ses espions de passer en revue les menaces en provenance de l’Empire du milieu.

Menaces économiques. Menaces militaires, à travers le soutien de la Chine à la Russie pour mener sa guerre en Ukraine. Menaces numériques, comme on l’a vu avec la découverte de réseaux de hackers, tels APT 31, dont plusieurs parlementaires français ont été victimes.

Mais une autre menace fait encore plus mal: celle du Guoanbu, le service d’espionnage chinois. Et celle de ses «abeilles» qu’en 2019 déjà, un rapport mettait en cause: «Brest… Son université, ses multiples écoles d’ingénieur, sa base navale et juste en face sur l’île Longue: ses sous-marins nucléaires, l’épine dorsale de la très coûteuse force de dissuasion française. Un territoire que la Chine semble avoir parfaitement identifié et où l’Empire du milieu travaille patiemment à tisser sa toile», estimait le journaliste Antoine Izambard dans son livre: «France-Chine, les liaisons dangereuses» (Ed. Stock).

Depuis 2019…

Quoi de neuf depuis 2019? La France a-t-elle pris les mesures adéquates et passé en revue l’ensemble des accords entre universités françaises et chinoises, décortiqué les demandes de visas déposées par de jeunes femmes désireuses de visiter la Bretagne?

Comme par hasard, une antenne de l’Institut Confucius, chargé de promouvoir la langue chinoise, a ouvert à Brest. Elle opère depuis 2010, accueillie par l’université de Bretagne occidentale. A-t-on cherché à actualiser les données d’un rapport confidentiel du Secrétariat général de la Défense nationale qui s’inquiétait alors «des approches répétées de militaires par des étudiantes chinoises de cette université»?

Le quotidien «Le Télégramme» s’en était ému: «Le même rapport cite Brest et des étudiantes de l’Université de Bretagne-Occidentale (UBO) et de l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA). Les étudiants chinois constituent en nombre le deuxième effectif de nationalité étrangère au sein de l’UBO. Dans ce petit jeu de séduction, les militaires ne sont pas les seuls visés. Il y a aussi des ingénieurs. C’est toute la communauté de la défense qui semble fortement sollicitée.»

Les hackers d’APT 31

L’un des parlementaires visés par les hackers chinois du groupe APT 31 est l’ancien sénateur André Gattolin, décoré mardi 30 avril de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron au palais de l’Élysée. Il s’inquiète devant Blick du manque de vigilance envers les agissements clandestins de la Chine: «Il faut comprendre que les Chinois connaissent les vulnérabilités françaises. Ils les exploitent. Pékin n’est pas un partenaire comme un autre. Mettre la main sur les technologies occidentales demeure pour la Chine une priorité.»

Doit-on sérieusement s’inquiéter des mariages mixtes lorsqu’ils concernent des sous-mariniers, détenteurs de nombreuses informations sur les vaisseaux amiraux de la dissuasion nucléaire? «Que La Chine envoie des espionnes pour séduire des cibles identifiées ne serait pas une surprise, poursuit l’ex-sénateur (Majorité présidentielle). Cela se passe aussi dans d’autres pays européens. La Suisse n’est sûrement pas à l’abri. Il faut passer au crible tous les échanges académiques et regarder de près les dossiers de chaque étudiante.»

Risques d’infiltrations

Les médias français, à la veille de Xi Jinping, ont remis un coup de projecteur sur ce risque d’infiltrations. Des nombreuses tables-rondes ont été organisées, avant l’arrivée du leader chinois, sur l’état des relations entre les deux pays. Mais attention: c’est souvent dans le détail que se loge le diable.

André Gattolin sait, par exemple, que les universités chinoises les plus pourvoyeuses de hackers se trouvent en Mandchourie. Or, ces informations sont souvent exploitées avec retard par les agences françaises chargées de déceler les infiltrations étrangères.

Il y a pourtant urgence: les espions chinois tentent depuis plusieurs années d’espionner les nouvelles technologies bretonnes dans le domaine militaire alors que la région possède également en son sein des pôles d’excellence océanographique et de cybersurveillance» assénait en 2022 l’hebdomadaire «Le Point».

C’est en effet dans cette région, terre de l’ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, que de nombreuses start-up technologiques liées au secteur de la Défense ont établi leurs quartiers. Brest ou Rennes, les deux métropoles, sont des cibles. Pardon: elles sont pleines de ce «miel» que les «abeilles» chinoises adorent butiner.

Richard Werly

blick.ch