Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 26 avril 2024

Les forces spéciales américaines ne sont plus les bienvenues au Tchad

 

Quand les forces françaises ont dû se retirer du Niger après que Niamey a dénoncé les accords de coopération militaire conclus avec Paris, elles ont pu s’appuyer sur la base « Sergent-chef Adji Kosseï », à N’Djamena [Tchad]. Qu’en sera-t-il pour les troupes américaines ?

En effet, malgré une attitude plutôt conciliante à l’égard de la junte désormais au pouvoir à Niamey, les États-Unis ont dû se résoudre à retirer leurs forces du Niger… et donc à faire une croix sur la base aérienne 201 d’Agadez, réhabilitée à grand frais pour y exploiter des drones MALE et autres moyens ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance]. Mais ils ne pourront sans doute pas compter sur le Tchad pour maintenir une présence militaire au Sahel.

Dans un courrier daté du 4 avril et signé par le général Amine Ahmed Idriss, le chef d’état-major de la force aérienne tchadienne, N’Djamena a demandé aux États-Unis de cesser « immédiatement » leurs activités militaires sur la base aérienne « Sergent chef Adji Kosseï », estimant que ceux-ci n’avaient pas fourni les documents justifiant la présence sur place de leurs forces. Et de menacer, en outre, de dénoncer l’accord sur le statut des troupes américaines au Tchad [SOFA].

Selon CNN, la Force opérationnelle d’opérations spéciales [SOTF] américaine est principalement visée. Celle-ci est effectivement présente sur la base de N’Djamena, considérée comme étant une plaque tournante importante pour les activités de contre-terrorisme et de renseignement dans la région.

Pourtant, en janvier, rien ne laissait présager une telle évolution. À la tête du commandement militaire américain pour l’Afrique [US AFRICOM], le général Michael Langley, avait rencontré le général Abakar Abdelkerim Daoud, le chef d’état-major des forces armées tchadiennes, pour évoquer les « défis sécuritaires régionaux et les efforts du Tchad pour lutter contre l’extrémisme violent au Sahel ».

L’US AFRICOM « reste déterminé à établir des partenariats durables avec le Tchad et d’autres pays africains du Sahel pour répondre aux préoccupations mutuelles en matière de sécurité et contribuer à promouvoir un avenir pacifique et prospère dans la région », avait commenté le général Langley, à l’issue de cette rencontre.

« L’instabilité au Sahel menace les intérêts américains, rendant la collaboration essentielle au partage de renseignements et au renforcement des capacités. De plus, l’engagement américain contribue à la stabilité régionale, essentielle à la croissance économique et aux efforts humanitaires. En favorisant les partenariats, les États-Unis visent à lutter contre le terrorisme et à promouvoir les efforts collectifs de sécurité au Sahel », avait par ailleurs soutenu l’US AFRICOM, via un communiqué.

Reste que, le 26 avril, le porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder a confirmé le départ de N’Djamena des forces spéciales américaines [soit 75 opérateurs]. Et d’ajouter qu’elles allaient ainsi se « repositionner » en dehors du Tchad, « dans le cadre d’un réexamen des modalités de la coopération sécuritaire » avec les autorités tchadiennes. Réexamen qui « reprendra après l’élection présidentielle du 6 mai », pour laquelle Mahamat Idriss Déby, actuellement président du « Conseil militaire de transition », est candidat.

Ce changement de ton des autorités tchadiennes à l’égard des États-Unis annonce-t-il un revirement d’alliance, alors que, récemment, M. Déby a dit vouloir renforcer la coopération militaire avec la Russie, qu’il a qualifiée de « pays frère » ? Ou est-ce un moyen pour N’Djamena de faire monter les enchères, sachant que le Tchad est le dernier allié des Occidentaux au Sahel ?

opex360.com