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jeudi 1 juin 2023

Le BND estime que la Russie peut poursuivre la guerre encore longtemps

 

Le déclenchement de l’offensive russe a pris par surprise de nombreux services de renseignement en Europe, y compris en France Ce dernier ayant affaibli son dispositif de renseignement en Russie pour se concentrer sur la menace terroriste, ne pouvait dès lors s’appuyer que sur le renseignement technologique pour se faire une opinion. Il est vrai que, pour beaucoup de spécialistes du sujet en amont du 24 février, si une offensive russe contre l’Ukraine était probablement vouée au succès, elle engendrerait des pertes à ce point importantes et une réaction internationale déterminée que très peu s’aventuraient à penser que Vladimir Poutine puisse commettre une telle erreur de jugement.

Ce ne fut pas le cas du Bundesnachrichtendienst, ou BND, le service de renseignement fédéral allemand. En effet, à l’occasion d’un événement organisé par l’Académie fédérale de politique de sécurité le 22 mai, son président Bruno Kahl, a donné des détails sur le rôle de son service autour de ce conflit. Ainsi, selon Mr Kahl, le service allemand avait annoncé l’imminence d’une offensive russe 2 semaines avant le début des opérations russes en Ukraine, sans pour autant s’aventurer à donner une date exacte.

Le BND estimait en effet, contrairement aux Britanniques et Américains, que la décision de l’offensive serait effectivement prise de manière individuelle et, pour ainsi dire, arbitraire, par le président Russe, rendant impossible de donner une date précise. Et de rappeler, à ce titre, que les anglo-saxons s’étaient trompés par 2 fois avant de donner la bonne date, quelques jours seulement avant le 24 février.

Pour obtenir ce résultat, selon Bruno Kahl, le BND a mis en place un important réseau de renseignement humain en Russie, lui conférant une compréhension efficace des évolutions en cours au sein du Kremlin comme des Armées et de la société du pays. De toute évidence, ce dispositif de captation de renseignements reste en place et efficace aujourd’hui, permettant au BND d’avoir une vision relativement claire des rapports de forces dans le pays, et donc de leur influence sur la conduite de la guerre.

Ainsi, pour le service allemand, rien n’indique, à ce jour, que la determination du Kremlin à poursuivre la guerre contre l’Ukraine soit altérée, ni que le pouvoir de Vladimir Poutine qui tient fermement les rênes du pays, soit en quelque manière menacé. Si un bouleversement au plus haut de l’Etat russe ne peut être exclu à ce jour, rien ne permet, pour le BND, de l’anticiper, même si des voix souvent disparates et isolées s’élèvent contre la poursuite de cette guerre.

Surtout, le service allemand estime aujourd’hui que la Russie est en mesure de poursuivre la guerre pour encore de nombreux mois, sans que cela ne vienne menacer la structure de l’état. En outre, rien n’indique que le Kremlin puisse effectivement rencontrer de sérieuses difficultés pour recruter pour ses forces armées, et poursuivre son effort de guerre, y compris industriel.

Et de conclure que les occidentaux, et plus particulièrement les européens, doivent se préparer à soutenir l’Ukraine pendant toute la durée de ce conflit qui peut s’étendre, faute de quoi la stratégie de Vladimir Poutine d’une guerre longue basée sur le pari d’une érosion du soutien occidental face à une Ukraine qui, sans cela, serait rapidement exsangue, pourrait bien se trouver couronner de succès.

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