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mardi 18 avril 2023

Pentagone Leaks: le drone RQ-170 Sentinel aurait effectué plusieurs vols près de la Russie

 

Ces derniers jours, des documents classifiés présentés comme provenant du Pentagone inondent les réseaux sociaux et la presse, après avoir été téléchargés sur un serveur Discord quelques semaines plus tôt. Étant donné la nature des informations qu’ils recèlent, les autorités américaines ont d’abord cherché à relativiser la portée de cette fuite tout en assurant qu’elles retourneraient « chaque pierre » pour trouver son auteur.

La divulgation de tels documents représente « un risque très grave pour la sécurité nationale et peut potentiellement alimenter la désinformation », a fini par admettre un porte-parole du Pentagone, le 11 avril dernier. « Nous continuons d’enquêter sur la façon dont cela est arrivé, ainsi que sur l’ampleur du problème. Des mesures ont été prises pour analyser plus avant la manière dont ce type d’information a été distribuée et à qui », a-t-il ajouté.

Cela étant, après les Pentagon Papers, révélés à la presse par un analyste de la Rand Corporation, l’affaire « Manning » [du nom de ce soldat qui, en 2010, transmit des informations militaires classées « secret défense » à WikiLeaks] et de la publication d’un nombre considérable de télégrammes diplomatiques confidentiels, ce n’est pas la première fois que le gouvernement américain doit faire face à une fuite massive d’informations sensibles.

Et visiblement, outre-Atlantique, on a du mal à retenir les leçons du passé. De deux choses l’une : soit les procédures américaines relatives au « secret défense » manquent de rigueur, et cela peut altérer la confiance des alliés et partenaires des États-Unis, soit cette nouvelle fuite relève d’une opération de « déception ». Le Kremlin a dit croire en cette seconde hypothèse…

Quoi qu’il en soit, et même si certains pays qui y sont cités ont démenti les informations qui les concernaient, comme la Corée du Sud [où la CIA aurait obtenu des renseignements via des écoutes électromagnétiques, ndlr], ces documents confidentiels seraient authentiques. À l’exception, selon le New York Times, de ceux qui présentent la situation des forces russes en Ukraine sous un jour plus favorable… Quand et par qui ont-ils été modifiés? Et comment trier le bon grain de l’ivraie?

En tout cas, de nombreux documents considérés comme authentiques ont été relayés par la presse. Et l’on apprend ainsi que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, accusé par Washington d’être trop indulgent à l’égard du Kremlin, aurait été mis sur écoute par le renseignement américain [BBC, le 14/04], que l’Égypte envisageait de livrer des munitions à la Russie [Washington Post, le 10/04], que la Serbie aurait fourni des armes à l’Ukraine [Reuters, le 12/04], que la défense aérienne ukrainienne serait en péril, faute d’être renforcée rapidement [New York Times, le 09/04] et que le Pentagone a des doutes sur la capacité de Kiev à lancer une contre-offensive [Washington Post, 10/04].

Un autre document, cité par le New York Times [12/04] revient sur l’incident ayant impliqué un avion espion britannique RC-135 « Rivet Joint » et deux Su-27 « Flanker » russes au-dessus de la mer Noire, en septembre dernier.

Pour rappel, Londres avait expliqué qu’un missile avait été tiré « à proximité » de l’appareil de la Royal Air Force [RAF], en raison, d’après les explications fournies par Moscou, d’un « dysfonctionnement technique » d’un des Su-27. En réalité, le pilote russe aurait bien tenté d’abattre le RC-135 Rivet Joint… ce qu’il aurait fait si son missile n’avait pas fait long feu. En tout cas, depuis cet épisode, les avions espions britanniques sont escortés par des Eurofighter Typhoon… Ce qui nécessite d’engager d’importants moyens logistiques.

Cela étant, les documents du Pentagone donnent un aperçu des missions de renseignement effectués dans le cadre de l’Otan aux abords de la Russie, et plus particulièrement au-dessus de la mer Noire, entre le 29 septembre 2022 et le 26 février 2023, soit deux semaines avant l’affaire du drone MQ-9 Reaper de l’US Air Force [USAF] , entré en collision avec un Su-27 russe.

Si ces informations sont exactes, on constate que deux missions y ont été réalisées, sous commandement national, par des Mirage 2000D dotés de la nacelle ASTAC en décembre 2022 et en février 2023. Par ailleurs, les MQ-9 Reaper de l’USAF ont surtout été sollicités à partir de février dernier, avec un total de dix missions réalisées au cours de ce mois.

Mais la suprise vient du fait que le document évoque l’engagement du drone américain RQ-170 Sentinel, qui n’a plus fait parler de lui depuis bien longtemps… Cet appareil « furtif » a assuré 9 missions au total, donc 5 en novembre, 3 en janvier et 1 en février. Son successeur supposé, le RQ-180 Great White Bat [développé par Northrop Grumman] n’est pas cité… Mais on ignore s’il est vraiment opérationnel.

Pour rappel, surnommé la « bête de Kandahar » pour y avoir été photographié au débotté en 2007, le RQ-170 est un drone dédié aux missions ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] développé en secret par la division Skunk Works de Lockheed-Martin. Un exemplaire a été perdu en Iran, en décembre 2011, à cause d’une « défaillance technique », selon les explications données à l’époque par le Pentagone.

Les performances et les capacités du RQ-170 sont confidentielles. On suppose qu’il est subsonique et l’on sait seulement qu’il a une envergure de près 11,58 mètres pour une largeur de 4,5 mètres. Ce qui en fait un appareil imposant. L’USAF indique qu’il est mis en oeuvre par le 432nd Wing de la base de Creech, ainsi que par le 30th Reconnaissance Squadron, implanté au Tonopah Test Range [Nevada]. Entre 20 et 30 exemplaires seraient en service.

Ayant une autonomie supposée de 5 à 6 heures, les RQ-170 envoyés en mission dans la région de la mer Noire sont probablement basés dans un pays riverains ou, du moins, pas trop éloigné. Il peut s’agir de la Pologne, de la Grèce ou de la Roumanie. Enfin, le document ne précise pas le parcours suivi par ces appareils [contrairement à ceux empruntés par les Mirage 2000D, les RC-135 et les drones RQ-4 Global Hawk]. On peut supposer qu’ils se sont aventurés dans des secteurs « contestés », grâce à leur furtivité.

En attendant, ce 18 avril, la mer Noire a une nouvelle fois été une destination très prisée par les avions de renseignements, avec des vols de deux RC-135 Rivet Joint [l’un de la RAF, avec son escorte de Typhonn, l’autre de l’US Air Force], un Gulfstream G550 AEW italien et un EP-3E Aries II de l’US Navy.

À noter que le RC-135 « Constant Phoenix », spécialisé dans la détection de particules radioactives, a fait son retour en Europe, avec un vol à basse altitude [moins de 6000 pieds, ce qui est inhabituellement bas] au-dessus de la mer de Barents le 17 avril.

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