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jeudi 6 avril 2023

L’agresseur d’Yvan Colonna n’était « pas une source du renseignement pénitentiaire »


La commission parlementaire que préside le député corse Jean-Félix Acquaviva, cherche à comprendre. Comment un détenu aussi dangereux de Frank Elong Abé, parti combattre aux côtés des Talibans en Afghanistan et condamné pour terrorisme, a-t-il pu avoir un statut ordinaire à la maison centrale d’Arles et y obtenir un emploi au milieu des autres détenus ? C’est lui qui, le 2 mars 2022, a agressé mortellement Yvan Colonna qui y purgeait sa peine pour le meurtre du préfet Claude Erignac.

Après plusieurs auditions de responsables de l’administration pénitentiaire, du procureur national antiterroriste ou encore d’anciens ministres de la Justice, les députés se demandent si Franck Elong Abé n’a pas été utilisé comme indicateur par les services du renseignement pénitentiaire. Ce qui pourrait expliquer son intégration parmi les autres détenus.

« Le Renseignement pénitentiaire n’a pas tué Yvan Colonna »

Le 23 mars, à huis clos, les membres de la commission d’enquête ont donc entendu deux membres du renseignement pénitentiaire du sud-est de la France. Leur audition vient d’être publiée sur le site de l’Assemblée nationale.  Frank Elong Abé n’est pas une source et ne l’a jamais été , a affirmé d’entrée le chef de la cellule interrégionale du renseignement pénitentiaire de Marseille. Et ce même responsable d’ajouter un peu plus tard, de manière un peu plus surprenante, alors que l’audition était sur le point de se terminer :  Ces dernières semaines, on a lu dans les médias des propos qui ont un impact négatif sur le service du renseignement pénitentiaire. Il me semble important de le dire clairement à la commission : le renseignement pénitentiaire n’a pas tué ou fait tuer Yvan Colonna. 

Jean-Félix Acquaviva reprend alors la parole et croit bon de préciser  qu’aucun membre de cette commission n’a dit que le service national du renseignement pénitentiaire avait tué Yvan Colonna. Ce n’est pas en ces termes que la question a été posée .

Ce qui intéresse fortement les députés c’est en effet de de comprendre comment Franck Elong Abé a pu être affecté au service de nettoyage alors que son parcours en détention est émaillé d’une trentaine d’incidents avant son arrivée à la maison centrale d’Arles, dont la séquestration d’une infirmière.

A Arles, quatre incidents supplémentaires ont par ailleurs eu lieu. Plusieurs CPU (commission pluridisciplinaire unique) s’étaient en outre prononcées en faveur de son placement dans un quartier d’évaluation de la radicalisation (QER). Ce qui n’a pas été ordonné. Et au sein d’autres services de renseignement, en termes de dangerosité, ce détenu était considéré comme se situant  dans le haut du spectre .

Des menaces qui n’apparaissent pas…

Le chef de la cellule interrégionale du renseignement pénitentiaire rappelle toutefois qu’à la maison centrale d’Arles, l’Administration pénitentiaire avait  constaté une amélioration très sensible de son comportement .

Les décisions de le sortir de l’isolement et de l’intégrer à une formation sur les espaces verts puis au service de nettoyage  ont été prises en ayant parfaitement conscience du fait qu’il présentait une dangerosité et qu’il fallait rester vigilant vis-à-vis de son évolution […] J’insiste lourdement, sa sortie approchait et il s’agissait de le préparer. Il fallait absolument le resociabiliser. » Selon ce responsable, ce serait donc la sortie programmée de Franck Elong Abé (en décembre 2023) qui expliquerait son affectation à un emploi au sein de la prison.

Un autre point interroge toutefois le député Jean-Félix Acquaviva. Les détenus particulièrement surveillés – ce qui était le cas de ce condamné de 37 ans – font l’objet d’observations régulières, quasi quotidiennes, qui figurent dans un logiciel appelé Genesis. Or, concernant Franck Elong Abé aucune observation n’y figure entre le 29 janvier et le jour où il a mortellement agressé Yvan Colonna, le 2 mars. Quelques indications ont bien été mentionnées dans un onglet à part. Mais surtout, n’apparaissent nulle part les propos entendus par une surveillante, la veille du drame, entre trois détenus dont Franck Elong Abé :  Je vais le tuer !  Ni le fait que le comportement de ce dernier avait changé depuis peu : il aurait notamment vidé sa cellule le 1er mars.

Je ne vous cache pas que je me pose des questions, nous confie ce lundi Jean-Félix Acquaviva. Lui et d’autres députés se demandent si des indications ont été effacées du logiciel Genesis et si la direction de la prison d’Arles a tardé à prendre en compte cette menace  Je vais le tuer  ?

La surveillante qui a entendu ces propos, doit être auditionnée à huis clos, ce mardi 4 avril 2023, par la commission d’enquête parlementaire.

ouest-france.fr