Il symbolise cette alliance historique entre l’Europe et la Russie que la guerre en Ukraine a fait voler en éclats depuis bientôt un an. Charles de Gaulle, le chef de la France libre considéré comme le symbole d’une certaine indépendance française et européenne vis-à-vis des États-Unis, s’est rendu deux fois à Stalingrad, sur les lieux de l’une des plus terribles batailles de la Seconde Guerre mondiale, achevée il y a tout juste 80 ans, le 2 février 1943.
1944, de Gaulle à Stalingrad
Une première fois, de Gaulle se rend à Stalingrad en novembre 1944, lors de son voyage en URSS, six mois après le débarquement allié en Normandie. Paris a été libérée en août. De Gaulle a sans cesse dû s’imposer face à ses protecteurs américains et anglais, sans lesquels il n’aurait jamais pu défendre l’honneur de la France face au régime du Maréchal Pétain. Mais de Gaulle se souvient.
De 1942 à 1944, des pilotes français ont chassé les avions nazis du ciel soviétique: ils appartenaient à l’escadrille Normandie-Niémen. Le général retrouve ces aviateurs rompus au combat aux côtés des Soviétiques le 9 décembre 1944 à Moscou, après y avoir rencontré le maître du Kremlin, Joseph Staline. Il fait de cette force aérienne un «compagnon de la libération». Quelques jours plus tôt, le 30 novembre, sa délégation s’est rendue là où l’armée rouge a stoppé Hitler au prix de pertes humaines colossales: sur l’ex-champ de bataille de Stalingrad.
L’Europe et Stalingrad – débaptisée après le stalinisme, elle est aujourd’hui Volgograd, où Vladimir Poutine se rend ce 2 février pour le 80e anniversaire de la victoire contre les nazis: ce thème est à nouveau au centre de la seconde visite de Charles de Gaulle en juin 1966. Le président français est alors l’emblème d’un certain non-alignement sur les États-Unis, même s’il a soutenu Washington sans faille lors de la crise des missiles de Cuba face à l’URSS, en 1962. Quelques semaines avant cette deuxième escale sur l’ex-champ de bataille, de Gaulle a pris ses distances avec l’OTAN. Son pays reste dans l’Alliance Atlantique, mais sort du commandement intégré et exige la fermeture des bases américaines. Les Soviétiques lui font un triomphe.
En septembre de la même année, de Gaulle repart à l’assaut de la puissance impériale américaine dans son fameux discours de Phnom Penh (Cambodge). Il parle de la guerre au Vietnam, cette ex-colonie que la France a déserté après sa défaite de mai 1954 à Diên Biên Phu. Il défie Washington: «Si longue et dure que doive être l’épreuve, il est certain aux yeux de la France qu’elle n’aura pas de solution militaire. Dès lors, et à moins que le monde ne roule vers la catastrophe, seul un règlement politique pourrait rétablir la paix.» Faut-il faire une analogie avec la guerre en Ukraine? Certains le pensent, comme son petit-fils Pierre de Gaulle, qui sera ce 2 février 2023 à Volgograd.
L’histoire de Stalingrad par François de Kersaudy