Depuis mercredi, un scandale éclabousse la très discrète Direction générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Son ex-patron Bernard Bajolet, à la tête des services de renseignements français entre avril 2013 et mai 2017, a été mis en examen en octobre selon les informations du journal « Le Monde », pour complicité de tentative d’extorsion envers un homme d’affaires et pour atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique.
Tentative de récupérer des fonds secrets
Bernard Bajolet et son ancien directeur de cabinet, le général Jean-Pierre Palasset, sont soupçonnés d’avoir orchestré des mesures d’intimidations en mars 2016 pour réclamer de l’argent au magnat de la finance Alain Duménil. L’ex-adjoint a en revanche été placé sous le statut plus intermédiaire de témoin assisté. Quel est le lien entre ces trois hommes ? Dans les années 2000, Alain Duménil, patron d’entreprises de luxe, est missionné par la DGSE pour redresser ses affaires.
Le service de renseignement est en effet héritier de fonds secrets, des dommages de guerre accordé par l’État à l’institution au cours du siècle passé, mais jusqu’alors investis dans des placements peu rentables, dans les vêtements, la joaillerie ou la cosmétique. Alain Duménil doit alors se charger de faire fructifier le trésor des services français.
« L’escroquerie » à plusieurs millions d’euros
Mais selon ces derniers, l’homme d’affaires va au contraire « escroquer » les services de l’État : « M. Duménil […] aurait, par des manœuvres financières déloyales, récupéré, pour son profit personnel, les avoirs des services. Lui dément » détaille « Le Monde » f, qui rapporte « 12,5 millions à 16,7 millions d’euros de préjudice », selon l’actuel patron de la DGSE Bernard Emié.
Celui qui a déjà été condamné en 2012 pour complicité de banqueroute serait à l’époque parvenu, lors d’un échange de titres entre l’entreprise détenue par la DGSE et des parts de sa holding, à devenir majoritaire de cette première, avant de transférer les parts de l’entreprise des services français dans des sociétés qu’il détenait également.
Après avoir entamé des procédures judiciaires, sans parvenir à obtenir le butin réclamé, les services français auraient tenté d’approcher autrement Alain Duménil. Le 16 mars 2016, alors qu’il s’apprête à s’envoler pour Genève depuis l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, celui-ci est arrêté par la police aux frontières et interrogé par deux officiers de la DGSE.
Photos de famille
L’entrepreneur relate que les agents lui auraient indiqué qu’il devait rembourser 15 millions d’euros à la France, en rentrant en contact avec un avocat pour fixer les modalités qui lui permettront d’éponger sa dette. Pour appuyer leur requête, ils lui auraient montré des photos de lui et de sa famille, prises en Angleterre et en Suisse, accompagnées selon lui de menaces. Bernard Bajolet dément toute intimidation, parlant plutôt « d’une invitation à reprendre contact via ses avocats ». L’affaire a été confiée à la juge Claire Thépaut.
Kenza Soares El Sayed