S’agit-il de mettre l'industrie allemande à genoux ?
On se rappelle le plan américain de Morgenthau concernant l’Allemagne en 1945 : la transformer en un État pastoral, basé uniquement sur l’agriculture.
Toutes les industries lourdes devaient être démantelées et détruites par la destruction et des inondations des mines de charbon et de fer.
Doit-on s’attendre en 2022 à une vague de sabotages, d’actions terroristes menées par des commandos contre l’Europe ? A des incendies étranges d’entrepôts de nourriture, d’usines, à des attaques contre les centres de production d’énergie ?
Lundi soir, la société suisse Nord stream AG a annoncé qu’une baisse de pression avait été détectée dans les deux gazoducs Nord stream 1 et Nord stream 2, qui relient la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique. Le seul de ces pipelines encore en service est Nord stream 1, les USA ayant réussi à faire pression pour que l’Allemagne renonce à Nord stream 2 pourtant flambant neuf et fonctionnel.
Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale auprès du président Biden, a assuré que les « États-Unis poursuivront leur travail pour sauvegarder la sécurité énergétique de l’Europe ».
Les trois grandes fuites dans les gazoducs sont visibles mardi à la surface avec des bouillonnements allant de 200 jusqu’à 1000 mètres de diamètre, a annoncé l’armée danoise, images à l’appui. « Le plus grand (bouillonnement) agite la surface sur un bon kilomètre de diamètre. Le plus petit fait un cercle d’environ 200 mètres » de diamètre, explique l’armée danoise dans un communiqué au sujet de ces fuites situées au large de l’île danoise de Bornholm.
Selon l’administration maritime suédoise, les gazoducs ont fui à trois endroits près de Bornholm, dans les zones économiques suédoise et danoise. Une distance de sécurité de cinq milles nautiques a été déclarée autour des sites de fuite et une hauteur de sécurité de 1000 mètres pour les avions.
Tard dans la soirée de lundi, le plus grand quotidien de Berlin, le Tagesspiegel, rapporte que l’on soupçonne un sabotage d’être à l’origine des fuites de gazoducs.
Selon une source gouvernementale anonyme, le gouvernement allemand ne peut « imaginer un scénario qui ne serait pas une attaque ciblée » et « tout porte à croire qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence ».
Les Pays Baltes sont passés du côté de l’Otan. «Aujourd’hui, la marine russe dispose de la plus grande flotte de sous-marins espions dans le monde. Ils sont basés en Arctique. Ils seraient capables de dégrader un pipeline dans la Baltique», assure HI Sutton. Mais juge l’hypothèse «improbable».
« Il était assez prévisible que certains mettent la Russie en cause. Prévisible, stupide et absurde », a répliqué Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Ces fuites sont « problématiques pour nous, car les deux tubes sont remplis de gaz [russe] prêt à être pompé, et ce gaz coûte très cher. Maintenant, ce gaz est en train de s’échapper », a-t-il fait valoir. Et d’ajouter : « On voit la réaction hystérique des Polonais [et] les énormes bénéfices réalisés par les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié, qui ont multiplié leurs approvisionnements sur le continent européen ».
La diplomatie russe est allée encore plus loin en accusant les États-Unis. Rappelant les propos tenus par Joe Biden [« Si la Russie envahit l’Ukraine, alors il n’y aura plus de Nord Stream 2 »], il a estimé que le président américain « devait répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace ». Et d’insister : « L’Europe doit connaître la vérité ».
Les USA veulent "détruire l'UE en tant qu'entité économique"
"Le gaz américain va devenir encore plus cher, et l'Europe devra toujours l'acheter": selon l'analyste du marché des matières premières Vladimir Demidov, telles seront les conséquences des explosions qui ont touché les gazoducs Nord Stream 1 et 2 les 26 et 27 septembre, en mer Baltique.
"Et voilà une drôle de diversification qui s'est produite en Europe: ils ont renoncé à leur principal fournisseur de "mauvais" gaz, la Russie, pour se tourner vers le gaz "gratuit" des États-Unis, qui est pourtant au moins deux fois plus cher. Il s'agit d'une opération ayant pour but de rafler le marché à la Russie".
Pourparlers entre Berlin et Moscou
Pour M.Demidov, les bénéficiaires de ces explosions, qu’il qualifie d’"un acte d'agression à l’échelle planétaire", sont ceux qui s’opposent à des négociations entre l'Allemagne et la Russie en matière d'énergie.
"L'Allemagne, à un moment donné, probablement suite à des explosions sociales, pourrait se tourner vers la Russie pour son approvisionnement en gaz. Naturellement, ces discussions pourraient finir par une levée partielle des sanctions à l’égard de la Russie", explique l'interlocuteur de l'agence.
Transformer la vérité en plaisanterie
Sans pointer directement les responsables, l’analyste a indiqué que les États-Unis s’efforçaient "vraiment de détruire complètement l'UE en tant qu'entité économique".
"Un pays ou un groupe de pays endommage l'infrastructure d'un autre État. Et ce n’est pas l'infrastructure interne que le pays utilise pour lui-même, mais l'infrastructure qui relie les États et fournit environ 30% du gaz européen. Et lorsque des personnes comme Sikorski font de telles déclarations, j'ai le sentiment qu'elles veulent transformer la vérité en plaisanterie", a résumé M.Demidov.
Un sabotage complexe
L’opération nécessite d’intervenir par 70 mètres de fond. «C’est du lourd. Abîmer deux gazoducs au fond de la mer est un événement important, donc un acteur étatique est probable», note Lion Hirth, professeur à la Hertie School de Berlin, écartant implicitement l’acte terroriste ou crapuleux.
Mais une armée compétente sait le faire. La zone est «parfaitement adaptée à des sous-marins de poche», explique un haut responsable militaire français, évoquant soit l’option de nageurs de combat envoyés pour poser des charges, soit celle de la mine mobile ou du drone sous-marin.
«Le drone part d’un sous-marin ou de tout autre bâtiment de surface qui peut rester à plusieurs miles nautiques du point visé. Il largue son drone-mine, qui navigue à une petite dizaine de nœuds, à proximité du fond». «La cible est fixe donc ce n’est pas très compliqué».
«La mer Baltique est confinée et peu profonde et chaque mouvement ou presque est traqué et observé par les États du littoral et leurs navires», relève Julian Pawlak, de l’université Helmut Schmidt de Hambourg. «Navires et sous-marins sont capables d’y déployer des plongeurs de combat en cachette» et autres véhicules sous-marins guidés à distance.
Mais rien n’est impossible pour une armée rompue à l’art des opérations clandestines. «Ça s’appelle une opération spéciale navale. Ce n’est pas facile mais ça se fait», résume la source militaire française. «Cela ressemble à quelque chose de bien coordonné et bien préparé». Il faudra peut-être du temps pour que la vérité émerge de façon crédible. Certains analystes observent à cet égard que le flou profite à beaucoup d’acteurs.
«Reste à savoir qui a la paternité de l’opération», ajoute cette source militaire. «D’autres pays ont intérêt à ce que le «pipe» ne puisse plus jamais fonctionner». De fait, les adversaires de Nord Stream 2 sont nombreux depuis des années, États-Unis en tête.
La Norvège appelle à la vigilance après la présence de drones inconnus près de ses sites gaziers et pétroliers
Le 27 septembre, l’autorité norvégienne de sécurité pétrolière [PSA] a ainsi publié une note pour demander aux compagnies énergétiques du pays d’être « plus vigilantes » à l’égard des drones susceptibles de voler près de leurs infrastructures, estimant que ces appareils peuvent présenter un risque d’accident ou d’attaque.
« Nous demandons instamment une vigilance accrue, un examen des mesures de préparation aux situations d’urgence et de réponse aux incidents, ainsi que le partage des informations », a ainsi fait savoir la PSA.
Évidemment, avec les suspicions de sabotage sur les gazoducs NordStream 1 et 2, cet avis de la PSA prend une nouvelle dimension… D’autant plus qu’Equinor est désormais le plus grand fournisseur de gaz en Europe et que, par conséquent, le secteur gazier norvégien est incontournable.
« Le gouvernement norvégien doit réaliser que l’objet stratégique de loin le plus important dans toute l’Europe est maintenant l’énergie ou les importations de gaz en provenance de Norvège », a expliqué Tor Ivar Stroemmen, maître de conférences à l’Académie royale navale norvégienne, à l’agence Reuters. « Si ces livraisons devaient être coupées ou interrompues ou réduites dans des proportions importantes, cela provoquerait une crise énergétique complète en Europe », a-t-il souligné.
La difficulté est que la Norvège compte plus de 90 champs pétroliers et gaziers répartis entre la mer de Barents, la mer de Norvège et la mer du Nord. Ceux-ci sont reliés à un réseau de conduites qui s’étend sur environ 9000 km. Ce qui est compliqué à surveiller et à protéger.
Via un communiqué également diffusé le 27 septembre, et en réponse à ces vols de drones non identifiés, le ministère norvégien du Pétrole et de l’Énergie a fait part d’une décision visant à « renforcer la préparation aux situations d’urgence en ce qui concerne les infrastructures, les installations à terre et en mer sur le plateau continental norvégien », à l’issue d’un dialogue étroit avec les entreprises concernées, la police et les forces armées.
Il n’est pas impossible que l’Otan soit appelée à la rescousse pour épauler les forces armées norvégiennes en cas de besoin [pour rappel, la Norvège n’est pas membre de l’UE, ndlr].
En attendant, le risque de sabotage des infrastructures critiques a été au menu de la rencontre entre le ministre danois de la Défense et Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan [et ex-Premier ministre norvégien].
Un détachement US dans les parages
Un détachement expéditionnaire de navires de l’US Navy, dirigé par le navire d’assaut amphibie universel USS Kearsarge, se trouvait 5 jours avant la destruction de Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique à proximité des sites de sabotages.
Il se trouvait à 30 km du site du sabotage présumé du gazoduc Nord Stream-1 et à 50 km des fils du gazoduc Nord Stream-2.
Selon le journal allemand, une telle attaque est tout sauf facile à réaliser et nécessite un acteur disposant de grandes ressources, comme un État. Les forces spéciales avec des plongeurs d’attaque ou des sous-marins sont mentionnées dans l’article.
BALTOPS 22: dernière mise au point avant l'exercice final ?
Pres. Biden: "If Russia invades...then there will be no longer a Nord Stream 2. We will bring an end to it."
— ABC News (@ABC) February 7, 2022
Reporter: "But how will you do that, exactly, since...the project is in Germany's control?"
Biden: "I promise you, we will be able to do that." https://t.co/uruQ4F4zM9 pic.twitter.com/4ksDaaU0YC
.@UnderSecStateP Victoria Nuland: “If Russia invades Ukraine, one way or another, Nord Stream 2 will not move forward.” pic.twitter.com/hEGBrx6HJj
— Department of State (@StateDept) January 27, 2022
.@StateDeptSpox: “Our German allies yesterday took resolute action to ensure that the Nord Stream 2 pipeline [...] is suspended indefinitely. [...] We have now taken complementary action using our own authorities to ensure Nord Stream 2 is off the table.” https://t.co/vtDC2HXtVl pic.twitter.com/sUQHV96O2g
— The Hill (@thehill) February 24, 2022
One winner has emerged as Europe reels from war in Ukraine and record-high natural-gas prices: the U.S. economy #WSJWhatsNow https://t.co/xPwXCJoLZ5 pic.twitter.com/9PtYTM9LwC
— The Wall Street Journal (@WSJ) September 22, 2022
Thank you, USA. pic.twitter.com/nALlYQ1Crb
— Radek Sikorski MEP (@radeksikorski) September 27, 2022
Pres. Biden: "If Russia invades...then there will be no longer a Nord Stream 2. We will bring an end to it."
— ABC News (@ABC) February 7, 2022
Reporter: "But how will you do that, exactly, since...the project is in Germany's control?"
Biden: "I promise you, we will be able to do that." https://t.co/uruQ4F4zM9 pic.twitter.com/4ksDaaU0YC