Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 9 septembre 2021

Massoud, le héros oublié du 11-Septembre

 

Ahmed Chah Massoud lâché par les américains en 2000,
qui ne lui font pas confiance, leur politique internationale vise à soutenir les autorités du Pakistan, qui eux-mêmes soutiennent les talibans. Les puissances étrangères (sauf la France) lui retirent petit à petit leur soutien logistique ou matériel, mais Massoud parvient néanmoins à repousser les offensives talibanes sur son fief du Panchir.


On a tendance à l’oublier, mais les attentats contre les Etats-Unis n’ont pas débuté le 11 septembre 2001. D’un point de vue géopolitique en tout cas. Ils ont débuté indirectement deux jours plus tôt (un fait que beaucoup ignore, quelques jours avant l'assassinat de Massoud; le chef d'antenne de la DGSE en Afghanistan était assassiné), à l’autre bout de la Terre, en Afghanistan. 

Après la prise de pouvoir des talibans en 1996, il retourne à la résistance contre le régime islamiste et ses alliés d'Al-Qaïda, qui le traquent. Le chef d'al-Qaïda, Oussama ben Laden, ordonnera lui-même la mission-suicide qui le tuera.

Le 9 septembre exactement, dans la province de Takhar, lorsque deux terroristes (dont la femme de l'un d'entre eux habitait Guin en Suisse) du réseau Al-Qaïda, se prétendant journalistes, assassinent Ahmad Shah Massoud, héros de la résistance afghane aux talibans. L’objectif des partisans d’Oussama ben Laden est alors de priver Washington d’un relais militaire avant la prévisible réplique américaine aux attentats.

Héritage

Dix ans après sa mort, que reste-t-il de celui qu’on appelait le «Lion du Panshir»? «Rien en terme d’héritage», répond sans détours Aymeric Chauprade, écrivain et géopoliticien français. Et en effet, l’Afghanistan d’aujourd’hui n’est pas uni. C’est un pays de chefs de guerre et de trafic d’opium. Les talibans sont de nouveau là. Ce qui est loin de ce dont rêvait Massoud pour son pays.

Un constat que fait également Pierre Centlivres, ethnologue neuchâtelois et spécialiste de l’Afghanistan: «Le pays a d’autres chats à fouetter et le commandant Massoud n’est plus présent dans le débat politique actuel», dit-il. 

Le 9 septembre 2011, aucun hommage n’a été rendu à Massoud dans les régions pachtounes de l’Afghanistan, là où sont recrutés les talibans. Ni dans les populations chiites du centre, pour lesquelles Massoud n’a jamais eu beaucoup de considération. «La vérité est que Massoud gênait beaucoup de monde, même hors de son pays: les Pakistanais, qui soutiennent les Pachtounes, et les Américains, qui estimaient qu’il était trop indépendant et donc moins contrôlable», analyse Aymeric Chauprade.

Le rêve romantique des Européens

Seul dans le Panshir, sa région natale, le culte de Massoud reste bien vivant. Son portrait s’affiche partout, y compris dans les bâtiments administratifs. Et un mausolée a été érigé sur un promontoire au milieu de sommets arides, où les pèlerins viennent se recueillir.

Vingt ans plus tard, les talibans viennent de reprendre le pouvoir, à la faveur du retrait des Américains et d'une offensive éclair qui a provoqué l'effondrement du gouvernement pro-occidental, sans combat ou presque à Kaboul et dans les autres grandes villes.

Dans la foulée, ils ont rapidement envoyé des combattants pour encercler la province du Panchir, ultime bastion de la résistance, emmenée cette fois par le fils du commandant Massoud, Ahmad, qui avait 12 ans au moment de sa mort, avant d'y pénétrer et de la déclarer conquise lundi dernier.

Parmi leurs victimes tuées lors des combats figure Fahim Dashti, le journaliste qui avait survécu à l'attentat contre le commandant Massoud vingt ans plus tôt.

Tout aussi lumineuse est sa renommée en Europe. «Le commandant Massoud a marqué les étrangers qui sont entrés en contact avec lui, et en particulier les Français», poursuit Pierre Centlivres. Lorsqu’il était le chef de l’Alliance du Nord, Massoud rencontrait beaucoup de reporters et de médecins étrangers, qui tous parleront de lui par la suite comme d’un personnage hors du commun, doté d’un grand charisme et d’une grande intelligence. «Les méchantes langues disent que ce sont les Français qui ont fait sa réputation… Je ne le crois pas. Il était connu au-delà des frontières. Mais il est vrai que Massoud est nettement moins populaire aux Etats-Unis», affirme l’ethnologue.

Alors, le commandant Massoud doit-il sa légende en grande partie aux Européens? Sans doute, car ses airs de «Che Guevara afghan» séduisaient les médias. La réalité géopolitique à l’autre bout du monde était tout autre. Jamais un Tadjik, l’ethnie minoritaire, n’aurait pu être élu président afghan. Massoud, c’est finalement l’Afghanistan que les Européens ont rêvé.

TF121