A l'heure de la formation du gouvernement taliban, Islamabad compte bien conserver son rôle de grand maître du jeu afghan. Et s'appuie sur son puissant service de renseignement pour façonner l'appareil sécuritaire en devenir de Kaboul.
Arrivé dans la capitale afghane le 4 septembre, le patron du puissant Inter-Services Intelligence (ISI) pakistanais (IO du 27/01/21), Faiz Hameed - accompagné de hauts cadres représentant les huit sections du service - n'a pas manqué de chapeauter la formation du gouvernement des Talibans, dont les réunions fondatrices se sont tenues du 3 au 5 septembre. Il a esquissé en parallèle un plan pour la mise en place d'un service de renseignement et d'une nouvelle armée, sujet dont il a pu s'entretenir le 9 septembre avec William Burns, le patron de la CIA.
Ainsi, l'ISI (IO du 27/08/21) mise sur la création d'un service de sécurité et de renseignement professionnalisé, doté de moyens techniques modernes, et dirigé par son affidé originaire de la province de Ghazni, Abdul Haqq Wathiq. Ce dernier, qui devrait être assisté par Taj Mir Jawad, un maître-espion de la région de Jalalabad, a été formé dans une madrassa coranique de Peshawar avant d'être interpellé par les Etats-Unis et de passer douze ans dans les geôles de Guantanamo.
Dans le même temps, Islamabad prévoit d'assister le nouveau pouvoir taliban dans la mise en place de son armée, dont l'architecture a déjà été soumise au nouvel exécutif par Faiz Hameed. Celle-ci - calquée sur la doctrine militaire pakistanaise axée sur la protection des frontières, l'intégrité territoriale et le contre-terrorisme - doit permettre le recrutement de soldats de toutes les ethnies afin d'assurer le maillage du territoire.
Alors que la formation et l'entraînement devront être assurés par Islamabad, cette armée en devenir pourra dans le même temps compter sur le butin laissé par les Américains, composé notamment de plus de 70 véhicules blindés et de 73 aéronefs. En outre, Faiz Hameed propose un modèle centré sur la promotion des forces spéciales, comme l'actuelle unité Badri 313 - la plus aguerrie des unités combattantes talibanes.
Non content d'esquisser son projet sécuritaire, l'ISI a également su peser sur la formation de ce gouvernement taliban version 2021 qui a, en définitive, valorisé la branche la plus conservatrice de son mouvement. Et ce au détriment, notamment, du très en vue Abdul Ghani Baradar, président de la commission politique et chef des négociateurs à Doha (IO du 03/09/21), qui, bien que pressenti pour diriger l'exécutif, se voit finalement relégué au rang de vice-premier ministre.