Le roi émérite Juan Carlos a volontairement versé plus de quatre millions d’euros au Trésor espagnol pour éviter des poursuites pénales pour évasion fiscale.
Avec le règlement de cette dette, il admet avoir reçu des prestations non monétaires – comme des vols en avion – à hauteur de millions d’euros de la part de la Fondation Zagatka, qui appartient à son cousin Álvaro de Orleans. Mais ce remboursement ne met pas fin à l’affaire: les enquêteurs espagnols et suisses soupçonnent que la Fondation Zagatka a été utilisée pour dissimuler des commissions présumément illégales à Juan Carlos.
Jusqu’en 2015, la Fondation Zagatka disposait d’un compte dans une grande banque suisse; puis l’argent a été transféré dans une banque privée genevoise. Par ailleurs, deux des administrateurs de la Fondation Zagatka sont suisses. Ce sont autant de raisons pour lesquelles les autorités suisses et espagnoles coopèrent dans cette enquête.
À la demande de SWI swissinfo.ch, l’Office fédéral de la justice a confirmé avoir reçu une demande d’entraide complémentaire de la part des autorités espagnoles en septembre 2020.
Pas un «homme de paille»
La justice suisse enquête pour savoir si Álvaro de Orleans était l’homme de paille de Juan Carlos. Si ces soupçons étaient confirmés, Álvaro de Orleans devrait s’attendre à une procédure en Suisse pour blanchiment d’argent.
Le grand quotidien espagnol El Mundo a récemment publié une prise de position d’Álvaro de Orleans indiquant qu’il n’existait pas de poursuites pénales contre lui en Suisse, en Espagne ou dans tout autre pays. Le fait que le roi émérite ait légalisé plus de quatre millions d’euros «ne signifie nullement que la fondation ou ses actifs étaient sa propriété», a déclaré Álvaro de Orleans. Il a également nié être «l’homme de paille ou l’administrateur» de Juan Carlos et que Zagatka était «une société-écran ou était accusé de l’être».
Des millions en cadeau à une ex-amante
Ce faisant, cela ajoute un nouveau chapitre à l’histoire de Juan Carlos et des millions en Suisse. Les autorités espagnoles et suisses travaillent ensemble sur le cas de Juan Carlos depuis février 2020.
Selon El Mundo, deux hommes de paille présumés de Juan Carlos ont dû témoigner devant le Ministère public genevois en février 2021, probablement dans le cadre d’une autre affaire. Le parquet genevois veut clarifier l’origine des 65 millions d’euros que l’ancien monarque a donnés à son ex-amante Corinna Larsen. On soupçonne qu’il s’agit de commissions illégales provenant d’Arabie saoudite. Ces fonds s’étaient d’abord retrouvés sur un compte d’une banque privée à Genève, sans être taxés.
Selon le quotidien espagnol El País, ni la banque privée genevoise ni l’administrateur externe du compte n’ont demandé à Juan Carlos de mettre de l’ordre dans la question fiscale. Ni le service de conformité de la banque ni son service juridique n’auraient su que Juan Carlos était le client. Cependant, ce qui s’est passé a eu lieu en 2008, bien avant l’entrée en vigueur de l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires.
Contactée par swissinfo.ch, la banque concernée n’a voulu ni confirmer ni nier ses liens avec Juan Carlos en raison du secret bancaire et de la procédure en cours. Toutefois, elle «rejette fermement toute allégation de violation d’une loi ou d’un règlement».
Juan Carlos lui-même, d’ailleurs, s’est exilé à Abu Dhabi. Selon son avocat, il est à la disposition de la justice. En Espagne, il fait toujours l’objet d’une enquête dans d’autres affaires.
Belén Couceiro
Sibilla Bondolfi