Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 3 janvier 2021

Mali, le temps des bilans déchirants est arrivé

 

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghali, affilié au groupe terroriste Al-Qaida, a revendiqué, samedi 2 janvier, l’attaque qui a coûté la vie à trois soldats français lundi dernier au Mali. Le même jour, deux nouveaux soldats étaient tués toujours au Mali

Ces nouveaux décès de soldats portent à quarante sept le nombre de soldats français mors dans ce pays depuis 2013. D’après l’AFP, le GSIM (ou JNIM selon l’acronyme arabe) a revendiqué , samedi, la première attaque qui a eu lieu lundi en invoquant la poursuite de la présence militaire française dans la sous-région, la publication des caricatures de Mahomet ou encore la politique du gouvernement français vis-à-vis des musulmans de France. Un communiqué en effet a été publié sur une plate-forme de propagande terroriste et authentifié par le centre américain de surveillance des sites jihadistes.

Cherchez l’erreur

Le chef du GSIM, Iyad Ag Ghali, est aujourd’hui un des principaux chefs touaregs qui discute avec la junte militaire au pouvoir des perspectives d’un gouvernement d’union nationale, sans que la France, sauf en coulisses, ne réagisse à ces tractations qui représentent un sérieux désaveu, voir un affront, de l’actuel pouvoir malien.

Rappelons que le même pouvoir a négocié la libération de l’ancien Premier ministre et chef de l’opposition, Souleïma Cissé, hélas aujourd’hui décédé du Covid, contre la libération de deux cent djihadistes dont certains sont responsables d’autres actions meurtrières contre l’armée tricolore. Et cela malgré les mises en garde de la diplomatie française.

Des déclarations convenues

Pourquoi les soldats français peuvent rester dans un pays à la demande officiellement d’un gouvernement qui se dissocie totalement de la stratégie choisie par la France de combattre les groupes armés et d’abattre leurs chefs? Comment le pouvoir français qui s’est ensablé dans une impossible guerre contre le terrorisme depuis neuf ans au Sahel peut-il ne pas s’interroger d’avantage sur le bilan de cette intervention? Faut-il rappeler le cout de cette intervention qui mobilise 4500 soldats à un instant donné, mais au moins 30000 si on tient compte du turn-over des troupes françaises et de l’appui logistique nécessaire?

Les déclarations aussi vagues que répétitives d’Emmanuel Macron sur l’utilité de cette guerre contre le terrorisme ne sauraient servir de feuille de route. De nombreuses voix s’élèvent, au sein même de l’armée française ou de sa propre majorité, pour mettre fin à une mission qui a si évidemment échoué. Il s’agit, et vite, de tourner cette page qui nuit tant à l’image de la France en Afrique.

Jean Yves Le Drian plombé

Emmanuel Macron ne pourra pas mettre fin à cette guerre devenue absurde sans mettre en cause son ministre des Affaires Etrangères, Jean Yves Le Drian, qui fut dès le quinquennat de François Hollande, l’artisan de cette politique désastreuse comme ministre de la Défense.

La réputation de la « gauche du macronisme » que Le Drian prétend représenter ne sortira pas indemne du bilan de cette guerre sans fin !..

L’intouchable Iyad Ag Ghali

Rebelle touareg du nord Mali devenu djihadiste, Iyad Ag Ghali a le parcours d’un personnage de roman. Passé par l’armée de Kadhafi et proche des services de renseignements algériens (DRS), celui que l’on surnomme « le lion du désert » est désormais inscrit sur la liste des terroristes recherchés par les Etats-Unis. Ses réseaux tentaculaires le placent pourtant hors de toute atteinte et le rendent incontournable dans la crise malienne. Replié dans le sud algérien depuis l’offensive des militaires français, cet expert des jeux à mille bandes pourrait bien être rappelé dans le jeu des négociations, notamment par la France. 

Tout le monde sait aujourd’hui où se trouve Iyad Ag Ghali, le charismatique leader du mouvement islamiste Ansar Dine officiellement désigné comme terroriste par le département d’Etat américain. Réfugié dans le sud algérien, notamment vers la ville de Tinzawaten où il possèderait une maison, l’homme navigue régulièrement à travers les dunes jusqu’à la ville d’Abeybara dont il est originaire au Mali. Tout le monde sait où il est, oui, mais rien ne se passe. Et pour cause, malgré la fuite d’Iyad après l’opération Serval, celui que l’on surnomme « le lion du désert » n’a rien perdu de son influence. Ses puissants réseaux qui vont de Kidal aux redoutables services de renseignement algérien (DRS) en passant par le pouvoir de Bamako en font, plus que jamais, un homme sous protection, incontournable pour résoudre la crise malienne.

De Kadhafi au DRS

Né vers 1955 dans une famille noble d’éleveurs de la tribu des Ifoghas au nord-est du Mali, Iyad Ag Ghali a un parcours digne de l’Odyssée. Agé d’à peine vingt ans dans les années 1980, il prend la route de la Libye comme de nombreux touaregs qui fuient le chômage et les terribles sécheresses qui dévastent la région. Là-bas, le futur chef rebelle enchaîne les jobs à la sauvette, jardinier, gardien de voitures, avant d’intégrer, comme des milliers d’autres touaregs, la légion islamique de Kadhafi. « A l’époque, s’enrôler dans l’armée libyenne représentait une possibilité de se former au combat dans l’optique d’une future rébellion »  explique Pierre Boilley, directeur du Centre d’étude des mondes africains qui a connu Iyad Ag Ghali. Au Liban, où on l’envoie combattre les milices chrétiennes, puis sur le terrain tchadien, Iyad s’initie donc à l’art de la guerre.

C’est en combattant aguerri qu’il revient au pays lorsque Kadhafi démantèle la légion en 1987. Il troque alors son uniforme militaire pour celui de la rébellion touareg dont il va devenir une icône. A la tête du Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (MPLA), il lance sa première action d’envergure le 28 juin 1990 : un assaut contre la gendarmerie de la ville de Ménaka. Plusieurs policiers maliens meurent pendant l’attaque. Un fait d’arme qui lui vaut d’être reconnu comme un combattant redoutable. Au point de s’attirer l’oeil de l’Algérie, puissance régionale incontournable qui considère le nord Mali comme sa zone d’influence et craint de voir s’exporter les vélléités autonomistes sur son territoire. Après avoir longtemps réprimé les touaregs aux côtés de l’armée malienne, Alger s’engage en effet, dans une stratégie d’infiltration de ces mouvements. Stratégie dont Iyad sera la pierre angulaire.

Lorsque la diplomatie algérienne impose sa médiation dans le conflit malien et organise des négociations à Tamanrasset en 1991, les hommes du DRS choisissent de miser sur le jeune et ambitieux leader. Interlocuteur du gouvernement malien lors de ces pourparlers, Iyad accepte de signer l’accord de paix de Tamanrasset alors qu’aucun des objectifs de la rébellion n’est atteint. Un acte qui lui vaudra d’être considéré par beaucoup de maliens comme l’homme qui a ramené la paix au nord Mali, et par beaucoup de rebelles comme un traître passé sous la coupe de l’Etat. Le camps touareg se divise. Iyad, qui d’une pierre deux coups a acquis le soutien d’Alger et la confiance des autorités maliennes, fonde le Mouvement national de l’Azawad (MNA), un mouvement composé majoritairement de touaregs modérés.

Un entrepreneur politique

Progressivement, il plonge dans le fondamentalisme religieux. Déjà acquis au discours antioccidental cultivé dans les camps d’entrainement libyens, il se radicalise. Difficile d’expliquer ce virage. Si certains doutent de la sincérité de sa foi, beaucoup évoquent un épisode décisif. Entre 1997 et 1998, des missionnaires salafistes pakistanais affiliés au courant Jamaat al-Tabligh qui prône un islam rigoriste débarquent à Kidal. Pendant de longues heures, Iyad discute avec eux et devient leur disciple. A leur contact, il change. « Il ne s’habillait plus qu’en blanc, ne buvait plus d’alcool » explique le chercheur Pierre Boiley. « Il dormait même dans les mosquées » affirme un homme politique malien. Son épouse, Anna Walet Bicha, valeureuse combattante aux côtés de la rébellion des années 1990, se voile de noir. Selon un ancien officier des services de renseignement à Bamako, Iyad effectue même une courte retraite au Peshawar. Tout en adhérant aux thèses fondamentalistes dont il se réclame officiellement à partir de 2003, le fin stratège peaufine son image d’islamiste « light » en prenant soin d’affirmer son rejet des attaques suicides et du terrorisme.

Ce positionnement, associée aux bonnes relations qu’il entretient avec Alger font de lui l’intermédiaire privilégié de Bamako pour la libération des otages capturés par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ancêtre d’AQMI manipulé par les services algériens. En 2003, il parvient à faire libérer quatorze touristes européens enlevés en Algérie par la katiba d’Abderrezak el Para, un personnage controversé soupçonné d’être lié au DRS. Le business des otages devient une activité régulière très lucrative pour Iyad qui touche d’importantes commissions à chaque négociation.

Une aubaine pour l’Algérie qui voit son protégé devenir une figure politique incontournable au Mali et qui compte bien s’en servir. Dans cette logique, plusieurs sources font une lecture particulièrement médusante des agissements d’Iyad lors de la rébellion touareg de 2006. Aux avant-postes de la guérilla, le chef touareg fonde, cette année-là, un nouveau mouvement, l’Alliance démocratique pour le changement (ADC) soutenu par l’Algérie. En encourageant ainsi un nouveau soulèvement au nord Mali, Alger fait pièce à son rival libyen qui tente à l’époque d’ouvrir un consulat à Kidal. La rébellion, conduite contre les bases militaires de Kidal, Ménaka et Tessalit ne dure que 24h. Alger accuse alors Kadhafi d’être à l’origine des révoltes et obtient rapidement le départ des libyens. Mais selon Jeremy Keenan, anthropologue britannique spécialiste des touaregs, le plan va plus loin. Iyad et le DRS auraient conclu un accord secret prévoyant que les rebelles lancent ensuite des attaques contre le GSPC. C’est chose faite en juillet et octobre 2006, moyennant rémunération pour Iyad et ses hommes. Ces opérations permettent alors de réactiver la problématique djihadiste au Mali et de justifier l’intervention américaine dans la région dans le cadre de la GWOT (Global War on Terror), avec Alger comme partenaire privilégié, explique Keenan. Pur fantasme ou fragments de vérité ? Reste que c’est de nouveau sous le parrainage de l’Algérie que se tiennent les négociations avec le gouvernement malien. Comme en 2003, Iyad ressort son costume de faiseur de paix pour faire aboutir les accords d’Alger, en juillet 2006.

Fin stratège, Iyad Ag Ghali doit en partie sa longévité à sa capacité à jouer sur de nombreux tableaux. En 2007, il se rend en personne auprès l’ambassadeur américain Terence McCulley et réclame l’assistance des Etats-Unis lors d’opérations spéciales contre Aqmi. A l‘époque, l’homme prône déjà l’imposition de la charia mais affirme à l’ambassadeur que les populations du nord Mali ne sont pas très réceptives à l’extrémisme. Le jeu est subtil. « C’est un véritable entrepreneur politique. Il peut changer d’alliance du jour au lendemain selon les rapports de force » explique un diplomate français.

Des désirs contrariés

Admiré et redouté à la fois, Iyad fascine et se rend indispensable. Même le président ATT sait, à l’époque, à quel point il peut lui être utile. « ATT avait une ligne directe avec Iyad qui était un relai extrêmement précieux pour lui au nord Mali » affirme le même diplomate. Pourtant, son influence croissante est source d’inquiétudes et Iyad se voit nommé consul à Djeddah en novembre 2007. « Grave erreur » confie un ancien officier du renseignement malien. « Nous avions sous-estimé son degré de radicalisation à l’époque ». Les contacts qu’il noue sur place avec des groupes salafistes lui valent de se faire expulser du territoire en 2010.

De retour au Mali avec son nouveau carnet d’adresse, il gravite autour de personnalités liées à Aqmi et fait son retour sur le marché des otages qui lui rapporte gros. Son nom apparaît notamment à plusieurs reprises en 2013 lors de la libération des otages d’Areva capturés à Arlit au Niger. L’enlèvement implique en effet non seulement le chef d’Aqmi Abou Zeid, mais également Abdelkrim le Targui, leader touareg de la katiba Al-Ansar et cousin d’Ag Ghali. A la mort d’Abou Zeid en 2011, Abdelkrim le Targui et Iyad qui est alors recherché se chargeront des otages cachés… en Algérie. Pour de nombreuses sources, ces derniers auraient avant tout servi de monnaie d’échange contre l’impunité d’Iyad et de ses hommes jusqu’à aujourd’hui.

A la fin de l’année 2011, la colère gronde à nouveau au nord du Mali. La chute de Kadhafi entraine le retour au bercail de nombreux touaregs maliens ayant combattu pour l’armée du « Guide ». Lorsqu’une autre grande figure de la rébellion, Ibrahim Ag Bahanga, tente de fédérer ces combattants avec d’autres rebelles locaux pour former le MNLA, Iyad revendique le leadership. Sans succès. Les membres de la nouvelle rébellion se méfient de cet homme tortueux jugé trop proche d’Aqmi, de l’Algérie, et dont les manœuvres dans les années 1990 ont provoqué l’éclatement du camps rebelle.

Qu’à cela ne tienne, le 15 décembre 2011, il créé son propre mouvement, Ansar Dine, autour d’un noyau de fidèles et de certains membres d’Aqmi. A la même époque, Iyad essuie un deuxième revers. Lorsqu’il aspire à la chefferie traditionnelle des Ifoghas, le patriarche Intallah Ag Attaher lui préfère son fils, Alghabass Ag Intallah. A la tête d’Ansar-Dine, Iyad reprend pourtant vite du galon grâce à ses nombreux soutiens. En plus de l’appui logistique et financier que lui prodigue l’Algérie, les membres de la katiba d’Aqmi, Al-Ansar, dirigée par son cousin Abdelkrim le Targui lui apportent leur soutien. Très vite, la puissance militaire d’Ansar Dine dans les combats surpasse celle du Mnla. Des alliances de circonstance se forment.

Hors d’atteinte

Progressivement, l’Etat malien se délite sous la violence des combats au nord, la montée en puissance des groupes djihadistes et le coup d’Etat militaire de mars 2012 qui renverse l’ancien président ATT. Mais dans ce chaos, plusieurs informations indiquent qu’Iyad Ag Ghali, dont la percée est vite considérée comme un danger par les responsables français, était peut-être la cheville ouvrière d’un plan sophistiqué censé ramener le calme.

En janvier 2013, les renseignements américains indiquent que plusieurs colonnes de pick-ups se mettent en marche vers la ville de Konna sur la route de Bamako et vers l’aéroport de Mopti-Sévaré. Parmi les combattants, des hommes d’Ansar Dine avec Iyad à leur tête, allié d’Aqmi, du Mujao et du MNLA. Pour le ministère de la Défense français, le moment est venu d’intervenir. Il faut à tout prix empêcher la progression des « terroristes » vers la capitale. Mais sur place, un autre scénario, pensé à Bamako, cherche à mettre fin au conflit malien. Durant les dix mois qu’a duré l’occupation du nord Mali, Iyad Ag Ghali est resté en contact permanent avec les plus hautes autorités religieuses maliennes, lesquelles sont au mieux avec le bérets verts du capitaine Sanogo, l’homme qui a débarqué ATT. Ensemble, ils avaient imaginé une sorte de coup d’Etat en douceur qui a connu un début d’exécution. Le 9 janvier 2013, avant-veille de l’intervention française, les partisans du cheikh Hamaloua défilaient dans Bamako en faveur des militaires putschistes. Il ne restait plus au capitaine Sanogo et à ses alliés qu’à prendre le pouvoir, en profitant de la panique créée par le début de la marche des Touaregs sur Bamako et à négocier avec Iyad Ag Ghali, leur fidèle contact au Nord, qui avait pris soin de se prononcer contre la partition du pays. N’était-ce pas là, un gage de sa bonne volonté ?

Un diplomate français enfonce le clou : « rien n’indique qu’Ansar Dine et ses alliés allaient descendre vers Bamako. Ils n’étaient en formation pour aller si loin ». Pour preuve : lorsque les combattants d’Ansar Dine commencent à se diriger vers le sud, le 8 janvier 2013, les services français interceptent des communications entre Iyad et le DRS. Ces derniers conseillent au chef touareg de faire preuve de prudence et de ne pas se précipiter sur Bamako. Longtemps un pion aux mains d’Alger, Iyad était-il en train d’échapper à ses parrains de toujours ? Un ancien de ses proches raconte qu’à la même période, le chef touareg a diffusé un communiqué rédigé dans un français parfait – avec l’aide de qui ? — et signé de sa main, dans lequel il critique vivement la politique algérienne.

L’homme a cependant toujours ses entrées chez le grand voisin du nord où il s’approvisionne régulièrement. Sa femme, Anna Walet Bicha et plusieurs de ses lieutenants résideraient en permanence dans la ville de Tinzawaten, une base arrière importante d’où il se réorganise. Alors que les négociations avec le gouvernement malien sont dans l’impasse et que les tensions inter tribales ne cessent de s’accentuer sur le terrain, le réseau et l’aura d’Iyad Ag Ghali constituent de précieux atouts. D’autant qu’il n’épouse pas les revendications séparatistes touarègues que le gouvernement malien rejette en bloc. La liberté dont il dispose dans ses déplacements au nord Mali interrogent en tout cas la position de Paris dont les militaires sont toujours sur place. La France, qui lance sa nouvelle opération de lutte contre le terrorisme dans le Sahel, Barkhane, et dont l’alliance avec le Mnla au Mali n’a donné que peu de résultats souhaite-t-elle remettre Iyad Ag Ghali dans le jeu ? « C’est en tout cas un homme qu’il vaut mieux ne pas avoir contre soi » pointe Pierre Boilley.

Des pourparlers engagés avec les djihadistes

Le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, a annoncé, lundi en marge du sommet de l’OUA, que les autorités maliennes tentaient de dialoguer avec les chefs jihadistes. Ce que n’a jamais cessé de faire en coulisses ce politicien roué et sans colonne vertébrale.

« J’ai le devoir et la mission, a affirmé un IBK décomplexé, de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, nous parvenions à un apaisement. Le nombre de morts dans le Sahel devient exponentiel. Je crois qu’il est temps que certaines voies soient explorées- (…) Nous ne sommes pas des gens butés, bloqués ou obtus. »

Ce 10 février, dans une interview à nos confrères de RFI et France 24 à Addis-Abeba, en marge du 33e sommet de l’Union africaine, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a jeté un pavé dans la mare. Un pavé? Pa si sur. Au fond, et pour la première fois, le président malien a reconnu ce que beaucoup savent depuis des mois, voire des années: l’existence de contacts entre Bamako et les chefs djihadistes, notamment Iyad Ag Ghali

Une fausse surprise

L’annonce que le président malien cherche à dialoguer avec les chefs djihadistes qui en 2013 prévoyaient de descendre dur Bamako et d’installer une république islamiste, sera présentée comme un tournant. Ainsi on ne manquera pas, notamment au sein du pouvoir français, de s’étonner que Bamako assume une telle piste de discussion pour tenter d’éradiquer la crise sécuritaire.  Or depuis toujours – les autorités françaises le savent parfaitement-, le président malien entretient des relations troubles avec les chefs djihadistes du Nord Mali, et notamment avec Iyad Ag Ghali.

Ces relations troubles entre IBK et Ag Ghali existaient avant même l’opération Serval de 2013, lorsque l’homme politique malien était soutenu, au terme d’une alliance constante, par l’Imam Dicko, alors président du Haut Conseil Islamique et interlocuteur permanent et fidèle d’Iyad Ag Ghali. Quelques semaines avant l’intervention française, les émissaires de Dicko rencontraient régulièrement le chef djihaiste.

Rebelle touareg du nord Mali devenu djihadiste, Iyad Ag Ghali a le parcours d’un personnage de roman. Passé par l’armée de Kadhafi et proche des services de renseignements algériens (DRS), celui que l’on surnomme « le lion du désert » est désormais inscrit sur la liste des terroristes recherchés par les Etats-Unis. Ses réseaux tentaculaires le placent pourtant hors de toute atteinte et le rendent incontournable dans la crise malienne. Replié dans le sud algérien depuis l’offensive des militaires français, cet expert des jeux à mille bandes apparait désormais comme indispensable dans le jeu des négociations. 

La duplicité de Le Drian

Le pouvoir français, qui depuis son intervention militaire au Mali, met en avant son rôle salvateur dans la guerre contre le terrorisme, a toujours été parfaitement au courant du double langage du pouvoir malien, et s’en est fort bien accommodé. Après tout, la France a porté un IBK au pouvoir en 2013, en dépit de sa proximité avec l’Imam Dicko, et l’a soutenu encore, cinq ans plus tard, lors d’une réélection contestée.

Il faudra bien que Jean Yves Le Drian, qui comme ministre de la Défense de Hollande puis des Affaires Etrangères de Macron, a disposé des pleins pouvoirs en Afrique, se justifie de ces petits arrangements avec les réalités politiques maliennes.

mondafrique.com