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lundi 14 décembre 2020

Arrestation de 11 personnes soupçonnées d'espionner pour le compte de l'Iran

 

Les autorités turques ont arrêté onze personnes soupçonnées d'espionnage et d'enlèvement d'un dissident pour le compte de l'Iran, a annoncé lundi la police turque sur fond de brusque montée de tensions entre Ankara et Téhéran.

Le MIT, le service de renseignement turc, a arrêté ces onze Turcs lors de plusieurs opérations récentes pour leur implication présumée dans la disparition de Habib Chaab, un dissident iranien qui vivait en Suède et qui s'était rendu en octobre à Istanbul après avoir été appâté par une femme iranienne. "Lors de l'enquête menée en coopération avec le MIT (...) il a été établi que des personnes impliquées dans la disparition d'un dissident iranien menaient aussi des activités d'espionnage contre notre pays", a indiqué la police turque dans un communiqué.

Habib Chaab était le leader en Suède d'un groupe séparatiste arabe iranien, l'ASMLA (le Mouvement arabe de lutte pour la libération d'Ahvaz). Les suspects auraient enlevé M. Chaab à Istanbul avant de l'emmener à Van, à la frontière iranienne, et de le faire remettre aux autorités de Téhéran, selon la police turque. Les mêmes personnes -- dont cinq ont été arrêtées à Istanbul, cinq autres à Van et un à Ankara -- sont aussi accusées d'être impliquées dans des assassinats en lien avec un trafiquant notoire de drogue iranien, Naji Sharifi Zindashti.

Naji Sharifi Zindashti avait été condamné en Turquie pour trafic de drogue en 2007 et détenu en 2018 pour son implication présumée dans des assassinats. Il avait été libéré six mois plus tard. La révélation de ces arrestations survient alors que les relations, d'habitude amicales, entre la Turquie et l'Iran, sont traversées par une brusque montée de tensions. La Turquie a dénoncé samedi ce qu'elle a qualifié de "langage offensant" de Téhéran à l'égard du président turc Recep Tayyip Erdogan. L'Iran lui reprochait d'avoir récité un poème laissant entendre que les provinces du nord-ouest de l'Iran font partie de l'Azerbaïdjan.

Lors d'une visite jeudi en Azerbaïdjan, le dirigeant turc avait récité un poème qui, selon Téhéran, pourrait attiser le séparatisme au sein de la minorité azérie d'Iran. L'Iran abrite une importante communauté azérie, principalement dans le nord-ouest, dans les provinces voisines de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, avec le fleuve Aras comme frontière. Vendredi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a condamné M. Erdogan pour ce poème "mal récité", et l'ambassadeur de Turquie à Téhéran a été convoqué au sujet des "remarques interventionnistes et inacceptables" de M. Erdogan.

L'opposant iranien Rouhollah Zam a été exécuté

Le «contre-révolutionnaire» Rouhollah Zam a été pendu samedi en Iran, a annoncé la télévision d’Etat. La Cour suprême avait confirmé sa condamnation à mort en raison de la «gravité (de ses) crimes» contre la République islamique.

Le porte-parole de l’Autorité judiciaire, Gholamhossein Esmaïli, avait indiqué mardi que cette institution avait statué «il y a plus d’un mois» sur le cas de Zam et confirmé «le verdict (rendu en juin par le) tribunal révolutionnaire» de Téhéran.

L’Union européenne a condamné «dans les termes les plus forts» l’exécution de l’opposant iranien, rappelant son opposition à la peine de mort «quelles que soient les circonstances».

Diana Eltahawy, vice-directrice pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International, s’est dite «choquée et horrifiée» par l’exécution. Qualifiant Zam de «journaliste et dissident», Amnesty avait jugé que la confirmation de sa peine marquait «une escalade choquante dans le recours de l’Iran à la peine de mort comme arme de répression».

L’ONG avait aussi demandé à l’Union européenne d’intervenir rapidement auprès du guide suprême iranien «pour qu’il annule ce verdict cruel».

L’organisation Reporters sans frontières, qui avait accusé l’Iran d’avoir enlevé Zam alors qu’il se trouvait en Irak pour le juger au pays, a dit samedi être «choquée que (les autorités iraniennes) aient mis à exécution leur sentence».

Le ministère français des Affaires étrangères a condamné samedi une «atteinte grave à la liberté d’expression et à la liberté de la presse», dénonçant un «acte barbare et inacceptable, contraire aux engagements internationaux» de l’Iran. Zam avait vécu en exil plusieurs années en France avant d’être arrêté par les Gardiens de la révolution, l’armée idéologique d’Iran.

Procès ouvert en février 

Son arrestation avait été annoncée en octobre 2019, mais l’Iran n’a pas précisé le lieu ni la date des faits, accusant l’opposant quadragénaire d’être «dirigé par le renseignement français et soutenu» par les services secrets des Etats-Unis et d’Israël.

Zam, qui disposait du statut de réfugié en France, a dirigé une chaîne (Amadnews) sur la plateforme de messagerie cryptée Telegram, et a été reconnu coupable d’avoir joué un rôle actif dans la contestation de l’hiver 2017-2018.

Au moins 25 personnes ont été tuées dans ces troubles ayant touché plusieurs dizaines de villes iraniennes entre le 28 décembre 2017 et le 3 janvier 2018. Téhéran avait qualifié de «sédition» ce mouvement de protestation contre la vie chère ayant rapidement pris un tour politique.

Telegram avait fermé Amadnews -qui comptait près de 1,4 million d’abonnés- en reprochant à ce canal d’avoir incité à la «violence». Le procès de Zam s’était ouvert en février. Selon l’acte d’accusation, l’opposant avait comparu pour «corruption sur terre», un des chefs d’accusations les plus graves en Iran, passible de la peine capitale.

Il était poursuivi également pour «des délits contre la sécurité intérieure et extérieure du pays», «espionnage au profit du service de renseignement français», et insulte au «caractère sacré de l’islam». L’Autorité judiciaire avait indiqué en juin qu’il avait été jugé coupable de l’ensemble des chefs d’accusation retenus contre lui.

251 exécutions en 2019 

Dans une «interview» diffusée par la télévision d’Etat, Zam était apparu déclarant avoir cru aux idées réformatrices jusqu’à son emprisonnement pendant près de trois mois lors du grand mouvement de contestation contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009, mais niait avoir incité à la violence.

Amnesty International appelle régulièrement les autorités iraniennes à cesser la diffusion d'«aveux télévisés» de suspects jugeant que ces méthodes «violent les droits de la défense».

En septembre, l’exécution d’un jeune lutteur iranien, Navid Afkari, pour le meurtre d’un fonctionnaire lors de manifestations antigouvernementales en 2018 avait suscité un tollé à l’étranger et sur les réseaux sociaux.

De nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer ce qu’elles avaient qualifié d’empressement des autorités à exécuter un verdict, prononcé, selon les soutiens d’Afkari, sur la base d’aveux extorqués sous la torture. Avec au moins 251 exécutions en 2019, l’Iran est, après la Chine, le pays qui a le plus recours à la peine capitale, selon le dernier rapport mondial sur la peine de mort d’Amnesty International.

letemps.ch