Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 26 octobre 2020

Le compte Twitter du meurtrier de Samuel Paty signalé à plusieurs reprises

 

Une faille inédite du renseignement ? Selon les informations de France Info, le compte Twitter du meurtrier de Samuel Paty avait été signalé aux services antiterroristes le 10 octobre, soit six jours avant l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Abdoullakh Anzorov avait alors partagé sur Twitter un message identifié comme étant litigieux et transmis par la suite à Pharos, la plateforme du ministère de l'Intérieur qui permet aux internautes de signaler des contenus haineux publiés sur les réseaux sociaux.

Les enquêteurs cherchent actuellement à identifier ce mystérieux message, rendu inaccessible après la désactivation de l'un des comptes utilisés par le terroriste. Une demande a été adressée à Twitter pour que le réseau social déterre ce fameux message. Comme le souligne France Info, les enquêteurs ont découvert qu'Abdoullakh Anzorov possédait plusieurs comptes sur différentes plateformes en ligne, se cachant notamment sous le pseudo Tchétchène_270.

« Des comptes comme cela, il y en a des milliers, pour ne pas dire plus »

Des messages radicaux partagés par le Tchétchène ont été plusieurs fois signalés par des internautes. France Info a appris de sources concordantes qu'un premier signalement avait été opéré le 12 juillet dernier via la plateforme Pharos. Ces propos extrémistes ciblaient alors le régime chinois et les polémiques sur la situation en Afghanistan. L'Unité de coordination de la lutte antiterroriste avait été saisie, avant que le dossier n'arrive dans les mains de la DGSI, le service de renseignement intérieur. D'après une source proche du dossier contactée par France Info, « les propos litigieux portaient sur la situation internationale et ne visaient nullement la France ». « Le titulaire du compte ne figurait pas dans le fichier des personnes radicalisées. Il n'était pas connu pour fréquenter des cercles islamistes radicaux. Raison pour laquelle ses tweets n'ont pas été jugés prioritaires », défend cette source.

Comme le soulignent nos confrères de Checknews, une procédure Pharos n'entraîne pas immédiatement une enquête judiciaire. En 2019, la plateforme a reçu en moyenne 4 395 signalements par semaine, dont plus de la moitié étaient liés à des escroqueries. Auditionné jeudi 22 octobre au Sénat, Gérald Darmanin a indiqué qu'il y a eu 175 000 signalements depuis janvier sur Pharos. Le ministre de l'Intérieur a défendu ses services : « Il y a eu des signalements à Pharos faits de manière anonyme sur le compte du terroriste, mais il n'y a pas eu sur ces comptes, à ce moment-là, de choses contraires à la loi. » « Des comptes comme cela, il y en a des milliers, pour ne pas dire plus », soutient-il.

Des propos parfois uniquement signalés sur Twitter

Plusieurs zones d'ombre demeurent tout de même sur le traitement et l'analyse des comptes du jeune Tchétchène. France Info fait notamment état d'un deuxième signalement à Pharos fin juillet, avec la même gestion que celui du 12 juillet. La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) a, par ailleurs, indiqué avoir signalé le 27 juillet un message antisémite du compte Tchétchène_270, mais seulement à Twitter, qui l'a supprimé dans la foulée. Le 17 octobre, le site d'information Mediapart avait enfin relaté le partage sur le même compte du photomontage d'une tête coupée. Une publication rapidement retirée, qui n'aurait pas non plus été transmise à Pharos.

La radicalisation d'Abdoullakh Anzorov se serait opérée rapidement à partir de septembre. Selon les derniers éléments de l'enquête, d'après des sources de l'Agence France-Presse et du Parisien, le jeune Tchétchène était en contact avec un djihadiste russophone en Syrie. Ce dernier, dont l'identité n'a pas encore été établie, serait basé à Idleb, considérée comme le dernier grand bastion djihadiste et rebelle dans le nord-ouest du pays du Moyen-Orient.

Un jeune homme arrêté pour apologie du terrorisme sur Twitter

Suite à l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, où le professeur Samuel Paty a été assassiné par un islamiste tchétchène, la cyberpatrouille du Loir-et-Cher était sur ses gardes. Sur Twitter, un compte a rapidement attiré l'attention des services de renseignement, en tenant des propos faisant l'apologie de l'acte terroriste.

Après des investigations, relativement rapides selon la gendarmerie, un jeune homme de 22 ans a été arrêté à son domicile de Blois ce vendredi 23 octobre au matin, et placé en garde à vue. L'individu, d'origine tchétchène et né en Russie, était déjà connu de la justice pour des faits similaires. Il avait été condamné en 2017 à des mesures éducatives (car mineur au moment des faits) pour avoir fait l'apologie des attentats de janvier 2015, selon le parquet de Blois.

A son domicile, les forces de l'ordre ont découvert "de nombreuses armes, cartouches et couteaux", précise un communiqué du parquet. En garde à vue, le jeune homme a contesté les faits d'apologie d'actes terroristes, et a affirmé ne pas se souvenir d'avoir "liké" sur Twitter la photographie du professeur décapité. Selon le parquet, il a nié toute radicalisation, et a parlé "d'incompréhension" sur le sens de ses écrits.

Une peine encourue de 7 ans de prison

La perquisition a également mené à la saisie du matériel informatique du jeune homme, dont l'examen a permis de mettre en lumière des échanges et écrits pouvant caractériser des actes d'apologie du terrorisme. Ce matériel doit être étudié plus amplement par les enquêteurs, afin de mettre au jour de potentiels liens "avec d'autres personnes susceptibles d'intéresser l'enquête", ajoute le parquet.

Le jeune homme a été mis en examen ce dimanche 25 octobre à l'issue de 48 heures de garde à vue, et déféré devant le parquet de Blois. Celui-ci a ouvert "une information judiciaire du chef d'apologie d'actes terroristes aggravée par la circonstance que ces faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne". La peine encourue est de 7 ans d'emprisonnement.

lepoint.fr