Les contours de l'attaque qui a coûté la vie à six Français, ainsi qu'à leur chauffeur et leur guide nigériens, dimanche au Niger, commencent à se dessiner. L'ONG Acted a confirmé que les six victimes françaises étaient des humanitaires qu'elle employait à Niamey.
Emmanuel Macron a assuré que « tous les moyens sont et seront mis en œuvre pour élucider les circonstances de cet attentat meurtrier dans les prochaines heures ». On fait le point.
L'attaque
Les faits se sont produits vers 11h30 heure locale (12h30 à Paris) dans la zone de Kouré, au Sud-Ouest du Niger. Le groupe de locaux participait à une excursion touristique dans une zone réputée pour abriter les derniers troupeaux de girafes d'Afrique de l'Ouest. Ils devaient participer à une séance d'observation et de photos, puis revenir.
Le groupe roulait dans un véhicule appartenant à l'organisation Acted et muni d'une plage d'immatriculation verte. Des hommes armés sont arrivés à moto, un mode de circulation prisé dans la zone, vraisemblablement dans un guet-apens.
« Il y a huit morts : deux Nigériens dont un guide (touristique) et un chauffeur, les six autres sont des Français », a indiqué à l'AFP le gouverneur de Tillabéri, Tidjani Ibrahim Katiella, en milieu d'après-midi. « La plupart des victimes ont été abattues par balles et une femme qui a réussi à s'enfuir a été rattrapée et égorgée. Sur place, on a trouvé un chargeur vidé de ses cartouches », a précisé une source au sein des services de renseignement.
Les victimes
En fin de journée, l'Elysée a confirmé la mort de Français. Les six victimes françaises, quatre femmes et deux hommes, étaient toutes employées par Acted. Cinq d'entre elles venaient d'arriver à Niamey et avaient tout juste terminé leur quatorzaine de confinement.
Le guide nigérien décédé, Aldoukadri Abdou Gamatché, est le président de l'Association des guides de girafes de Kouré. Âgé de 50 ans, il « était le président de l'association depuis 1998 », confiait dimanche son adjoint, Tawey. Quant au chauffeur, Boubacar Garba Soulay, également âgé de 50 ans, il était père de quatre enfants et sa femme est enceinte. C'est lui qui aurait tenté de prendre la fuite et aurait été abattu en premier.
Leurs corps ont été ramenés à Niamey et ils sont actuellement à la morgue de l'hôpital général de la capitale, tandis que la police scientifique a commencé à enquêter et a procédé à des prélèvements sur le terrain.
Les assaillants
Le groupe d'assaillants était composé de quatre hommes. Aucun groupe n'a revendiqué l'attaque à cette heure-ci mais les organisations djihadistes et les groupuscules terroristes sont nombreux dans cette région du Sahel, notamment l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM). Celui-ci « a fait savoir dimanche soir qu'il n'était pas impliqué dans cette attaque », rapporte RFI.
Des observateurs y voient la main de l'Etat Islamique dans la région, dirigé par Abdoul Hakim. L'organisation s'est en effet lancée depuis quelques semaines dans une dérive sanguinaire, notamment l'assassinat, filmé, d'un élu au Nord Mali à qui Hakim reprochait sa coopération avec les Français de la force Barkhane, ainsi que l'attaque de civils sur un marché au Burkina Faso. Le message des terroristes, qui vraisemblablement guettaient l'arrivée dimanche matin d'Occidentaux dans la réserve de Kouré, pourrait être de mettre la capitale du Niger sous pression.
Ce lundi, le parquet antiterroriste a annoncé ouvrir une enquête pour assassinats. Et les dirigeants d'Acted ont indiqué, lors d'une conférence de presse, que l'organisation allait déposer plainte à Paris.
Le contexte
Cette région très touristique et boisée n'était pas connue pour être dangereuse. Il s'agit de la première attaque y ayant visé des Occidentaux depuis une vingtaine d'années. « Kouré est à 60 km de Niamey, une heure de route. On va tous a Kouré en sortie le week-end parce que c'est très facile d'accès […] Tout le monde y va, même les ambassadeurs, les diplomates, les professeurs, tout le monde ! Ce n'est pas du tout considéré comme dangereux comme zone. Il y a des ONG de protection des girafes qui travaillent là-bas », a expliqué à l'AFP un humanitaire occidental à Niamey.
Le député Jacques Maire, qui préside le groupe d'amitié France Niger à l'Assemblée nationale, s'y est d'ailleurs rendu en 2018 et en 2019 avec plusieurs collègues. « C'est, aujourd'hui, pratiquement la seule réserve touristique accessible au Niger. On était assisté par un ou deux gardes, mais on n'avait pas de convoi militaire », indique-t-il au Parisien. Dans la capitale Niamey, en revanche, leurs véhicules étaient escortés par « deux pick-up avec des mitrailleuses ».
Le groupe de Français d'Acted et leurs deux accompagnateurs avaient prévu de respecter les consignes de sécurité en vigueur dans cette région, à savoir y aller le matin et revenir à Niamey avant 14h.
Reste que cette zone est particulièrement instable. La région de Kouré est classée en orange sur le site du ministère des Affaires étrangères, ce qui signifie qu'il est déconseillé de s'y rendre « sauf raison impérative ». Une bonne partie du pays est, elle, classée en rouge, comprendre qu'il faut l'éviter quel que soit le motif.
En janvier 2011, deux jeunes Français, Antoine De Léocour et Vincent Delory, avaient été enlevés en plein centre de la capitale nigérienne Niamey puis, le lendemain, tués en territoire malien au cours d'une intervention militaire franco-nigérienne destinée à les secourir.
La riposte
Peu après l'attaque, l'armée nigérienne, appuyée par des militaires français de l'opération Barkhane et des forces américaines, a mené une opération de « ratissage » afin de retrouver les auteurs de l'attaque. D'après plusieurs journalistes africains, l'un des assaillants serait décédé dans cette intervention militaire.
Les réactions
Dans un communiqué publié dimanche soir à l'issue d'un entretien avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, Emmanuel a fait part de se « détermination à poursuivre la lutte en commun contre les groupes terroristes au Sahel (qui) demeure intacte », précisant qu'un Conseil de défense aurait lieu mardi.
Le président du Niger, a, lui, condamné une « attaque terroriste lâche et barbare » et « adressé (ses) condoléances aux familles des victimes nigériennes et françaises » ainsi qu'Emmanuel Macron. Celui du Mali frontalier, Ibrahim Boubacar Kéita, a « condamné énergiquement cet acte barbare […] récurrent dans notre espace sahélien où continuent de sévir l'extrémisme violent et l'économie criminelle malgré la guerre sans merci livrée par les armées nationales, la force conjointe du G5 Sahel et la force (française) Barkhane ».
« Nos pays resteront unis dans la lutte contre le terrorisme au Sahel » a aussi assuré sur Twitter le député Jacques Maire.