C’est une affaire dont la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] se serait bien passée. Selon une information du Parisien, confirmée par Le Figaro et l’AFP, deux militaires de son Service action [SA], affectés au Centre parachutiste d’entraînement spécialisé [CPES] de Cercottes [Loiret], ont été arrêtés dans la nuit du 23 au 24 juillet, alors qu’ils circulaient à bord d’un véhicule volé à Créteil [Val de Marne].
Mais ce n’est pas pour avoir dérobé une voiture qu’ils ont été interpellés. En effet, les deux hommes, âgés de 25 et 28 ans, ont été mis en examen et écroués pour « tentative d’homicide volontaire en bande organisée » ainsi que pour « recel en bande organisée de vol, transport, acquisition, détention d’armes de catégorie B » et « association de malfaiteurs en vue de la commission de ces crimes et délits punis de 10 ans d’emprisonnement. » Un troisième homme a été arrêté trois jours plus tard dans le cadre de cette affaire. Mais aucun détail sur son profil n’a été divulgué.
« C’est une tentative de règlement de comptes privée et ratée, sur une victime privée, par deux agents qui se sont lancés en solo », a confié une source proche du dossier au Parisien. Là encore, aucune précision sur leur cible n’a été divulguée, ce qui ne fait qu’épaissir le mystère…
D’autant plus que, au regard de leur entraînement et des savoir-faire qu’ils sont censés maîtriser, on peut se demander comment ces deux agents ont pu se faire prendre, presque comme des débutants.
La Section antiterroriste de la brigade criminelle de la préfecture de police a été chargée de l’enquête.
Le CPES est l’une des trois sites de la DGSE où sont formés et entraînés les membres du Service Action, les deux autres étant le Centre parachutiste d’instruction spécialisée [CPIS] de Perpignan et le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes [CPEOM] de Quélern. Celui de Cercottes s’occupe des agents clandestins et de l’infiltration de réseaux.
La DGSE se refuse à tout commentaire. Le ministère des Armées – dont elle relève – reste tout aussi muet. Mais sur les réseaux, les passions se déchaînent : s’agit-il de pieds nickelés rattrapés par leur amateurisme ? De professionnels lâchés par leur direction après un projet manqué ? Pour l’heure, toutes ces questions restent sans réponse.
Opération Mbaou
En 2018, deux anciens espions français avaient déjà été mis en cause dans une affaire à peine moins obscure : la tentative d’assassinat en France d’un opposant congolais, le général Ferdinand Mbaou, adversaire du président Sassou Nguesso à Brazzaville. Seul l’un des deux, Bruno Susini, est poursuivi aujourd’hui par la justice française. Son complice présumé, Daniel Forestier, 57 ans, ancien militaire et membre comme lui du service action de la DGSE, a été assassiné en mars 2019.
Son corps a été retrouvé criblé de balles sur un parking dans les Alpes françaises où il habitait. Après avoir quitté la DGSE, il avait publié à compte d’auteur plusieurs romans aux titres prémonitoires tels que "Barbouze de la République" ou "Requiem pour un Savoyard". M. Mbaou avait déjà été la cible, fin 2015, d’une tentative d’assassinat et il vit depuis avec une balle fichée dans le dos.
Au service de la Chine
Autre affaire qui a défrayé la chronique : deux ex-agents de la DGSE ont été condamnés à huit et douze ans de prison le 10 juillet pour trahison au profit de la Chine lors d’un procès à huis clos à Paris. Très peu d’informations ont filtré sur les faits reprochés. C’est une affaire de "pénétration par une puissance étrangère des renseignements français", a résumé l’avocate générale.
Les anciens agents ont été mis en examen et placés en détention provisoire en décembre 2017, alors qu’ils étaient déjà à la retraite.
Vingt ans plus tôt, Henri M. avait été nommé pour la DGSE à Pékin, puis rappelé en France dès début 1998, après avoir entamé une liaison avec l’interprète chinoise de l’ambassadeur. Il a pris sa retraite quelques années plus tard et est retourné en Chine en 2003, où il a épousé l’ex-interprète.
Pierre-Marie H. s’est lui fait arrêter à l’aéroport de Zurich, en Suisse, avec de l’argent liquide après avoir rencontré un contact chinois sur une île de l’océan Indien. Il n’a jamais été en poste à l’étranger.