vendredi 15 mai 2020
Après deux attentats meurtriers, les autorités afghanes vont reprendre leur offensive contre les talibans
Après avoir déclaré que les talibans et le groupe État Islamique étaient responsables pour les deux attaques, le président Ghani a ordonné mardi aux forces afghanes de «reprendre leurs opérations contre l'ennemi». Ces dernières s'étaient engagées, depuis plusieurs semaines, à se contenter de se défendre face aux attaques talibanes, afin d'encourager l'ouverture de négociations de paix.
« J’ordonne aux forces de sécurité de mettre fin à leur posture de défense active, de retourner à leur posture offensive, et de reprendre leurs opérations contre l’ennemi. » Lors d’une allocution télévisée dans la soirée du mardi 12 mai, le président afghan, Ashraf Ghani, a annoncé la reprise de l’offensive des forces gouvernementales contre les talibans.
Plus tôt dans la journée, deux attaques ont tué des dizaines de civils : l’une contre un hôpital à Kaboul, l’autre ayant visé des funérailles dans l’est du pays. On déplore au moins trente-sept morts.
« Les terroristes ont tué treize personnes innocentes, dont deux nouveau-nés », dans l’attaque de l’hôpital par trois hommes armés, a déclaré un porte-parole du ministère de l’intérieur. « Le bilan inclut aussi des mères et des infirmières. » Plus de cent autres personnes, dont trois étrangers, ont également été secourues.
De nouveaux détails ont aussi émergé mercredi au sujet de l'attaque sanglante de mardi contre une maternité de Kaboul, qui a tué au moins 24 personnes, dont des nouveau-nés, mères et infirmières, quelques heures avant la mort de 32 autres personnes lors d'un attentat suicide durant des funérailles dans l'est du pays.
Accouchement pendant l'attaque
Selon l'ONG Médecins sans frontières (MSF), qui soutient l'unité de soins maternels de l'hôpital pris pour cible dans l'ouest de Kaboul, une femme a accouché pendant l'attaque qui a duré des heures.
«Profitant de la vulnérabilité totale de femmes enceintes, de jeunes mères et de nouveau-nés pris en charge au sein de l'hôpital de Dasht-e-Barchi à Kaboul, un nombre inconnu d'assaillants ont attaqué pendant plusieurs heures la maternité gérée par MSF à coups de tirs et d'engins explosifs», a raconté MSF dans un communiqué. «Il semble presque certain qu'au moins l'un de nos soignants se trouve parmi les victimes, toujours en cours d'identification», a ajouté l'ONG.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a condamné les attaques. «Cibler délibérément des nourrissons, enfants, mères et soignants de cette manière est particulièrement abominable», a affirmé le Conseil dans un communiqué, soulignant que «tout acte de terrorisme est criminel et injustifiable».
Des « milliers de personnes » aux funérailles
Des membres des forces afghanes ont été vus évacuant des nouveau-nés près de l’hôpital public qui abrite une unité de soins maternels soutenue par des travailleurs étrangers de l’organisation non gouvernementale (ONG) Médecins sans frontières, qui a confirmé l’attaque. Le bâtiment se trouve à Dasht-e-Barchi, un quartier de l’ouest de Kaboul habité par les Hazara, peuple formant partie de la minorité chiite, plusieurs fois pris pour cible par la branche afghane du groupe Etat islamique (EI) ces dernières années.
Quelques heures plus tard, au moins vingt-quatre personnes ont été tuées et soixante-huit blessées par un kamikaze qui s’est fait exploser pendant les funérailles d’un commandant de police dans la province de Nangarhar, selon les autorités locales. Amir Mohammad, blessé par l’explosion, a raconté que « des milliers de personnes assistaient à la cérémonie ».
Ces attaques interviennent un jour après l’explosion successive de quatre mines dans le nord de la capitale, qui a fait quatre blessés parmi les civils, dont un enfant, selon la police. L’explosion de ces mines a été revendiquée par l’EI.
« Coopérer » pour ramener la paix
Les Etats-Unis ont condamné « dans les termes les plus forts » les attaques « épouvantables » survenues mardi, tout en appelant le gouvernement afghan et les talibans à « coopérer » pour ramener la paix.
« Tant qu’il n’y aura pas une réduction de la violence durable et des progrès suffisants vers un règlement politique négocié, l’Afghanistan restera vulnérable au terrorisme », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dans un communiqué.
Il a toutefois relevé que les talibans avaient « nié toute responsabilité et condamné les deux attaques ». Le groupe Etat islamique a revendiqué celle de la province de Nangarhar, sans mentionner celle de la capitale.
Les Etats-Unis ont signé le 29 février un accord historique avec les talibans après plus de dix-huit années de guerre. L’accord a ouvert la voie au début du retrait progressif des forces américaines du pays, qui doit s’échelonner jusqu’en juillet 2021.
L’Afghanistan, lui, est confronté à de nombreux défis, dont l’intensification de l’offensive des insurgés talibans contre les forces gouvernementales et la propagation du coronavirus.