lundi 3 février 2020
Un groupe jihadiste implanté dans le centre du Mali a fait allégeance à l’État islamique
Dirigé par Adnane Abou Walid Al-Sahraoui, l’État islamique au grand Sahara [EIGS] est né en 2015, d’une scission de l’organisation « Al-Mourabitoune », qui réunissait alors des combattants du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest [Mujao] et du groupe « Les signataires par le sang » de Mokthar Belmokhtar, dont tout laisse à penser qu’il n’est actuellement plus de ce monde.
Depuis, l’EIGS a concentré son action sur le Liptako-Gourma, c’est à dire la région des « trois frontières », aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger. En outre, il s’est rapproché de l’organisation « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » [ISWAP], issu des rangs du groupe jihadiste nigérian Boko Haram.
En effet, l’EIGS et l’ISWAP ont adopté un « discours unique » et partagent désormais les mêmes modes opératoires.
L’EIGS « utilise des tactiques qui sont d’ordinaire propres aux opérations menées par le groupe ‘Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique’ contre les forces militaires nigérianes. Il s’agit d’attaques perpétrées aussi bien contre de petits avant-postes que contre de grands camps militaires, l’objectif étant de s’emparer d’une quantité importante d’armes, de munitions, de véhicules et d’essence », explique en effet le dernier rapport du Comité de l’ONU relatif au suivi des sanctions visant la mouvance jihadiste.
Les attaques récemment menées par l’EIGS contre les camps militaire d’Indelimane [Mali], d’Inatès et de Chinégodar [Niger] en sont une illustration.
En outre, poursuit le rapport, l’EIGS et l’ISWAP ont « déjà des falicitateurs communs, ce qui laisse présager un renforcement du lien opérationnel entre les théâtres du Sahel et du bassin du lac Tchad ». Mais, a priori, l’EIGS disposerait encore d’une « indépendance opérationnelle » vis-à-vis de l’ex-faction de Boko Haram, laquelle ne cesse de monter en puissance à mesure des succès qu’elle obtient face aux forces nigérianes.
Ainsi, étant accumulé un « important butin de guerre sous forme d’équipements et autre fournitures », l’ISWAP compterait jusqu’à 5.000 combattants, dont, selon le rapport, un « nombre indéterminé de combattants terroristes étrangers, sans doute issus du Tchad, de Libye ou d’autres pays d’Afrique du Nord. » Voire d’Asie centrale, étant donné que « plusieurs États membres ont signalé que des ressortissants » de cette région « quittaient la Syrie pour rejoindre des pays d’Afrique, notamment l’Égypte, la Guinée-Bissau, la République centrafricaine et le Soudan », dans le but présumé de « s’y cacher » ou de « rallier les groupes affiliés à l’EI en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel. »
Cela étant, le rapport évoque également une « collaboration opérationnelle » entre l’EIGS et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM], né de l’alliance de plusieurs formations jihadistes liées à al-Qaïda. Cette organisation « qui commet des attentats terroristes, fomente des insurrections et continue de disposer d’asiles sûrs dans le nord du Mali, reste la principale menace terroriste internationale dans cette région », souligne-t-il.
« Les États Membres de la région signalent que des influences externes en provenance de la région du Golfe façonnent l’environnement dans lequel opère le GSIM : il s’agit de militants étrangers qui diffusent une idéologie radicale par le biais d’organisations à but non lucratif se substituant à l’autorité publique. Le GSIM poursuit son programme à long terme de transformation et de radicalisation de la société dans les zones où le groupe étend ses activités », explique encore le rapport du comité de suivi des Nations unies.
Si l’EIGS est surtout présent dans le Liptako-Gourma, le GSIM opére essentiellement dans le nord et le centre du Mali, plus précisément dans la région de Ségou, près de la frontière avec la Mauritanie. La semaine, cette organisation a revendiqué l’attaque d’un camp de la gendarmerie malienne à Sokolo [20 gendarmes tués]. Mais, a priori, l’État islamique s’est invité dans la zone où opèrent les sympathisants d’al-Qaïda.
Peu après l’attaque de Sokolo, les médias locaux ont rapporté que deux postes militaires installés dans les environs de la localité de Markala [cercle de Segou] avaient également subi les assauts de jihadistes. Ces derniers seraient repartis après avoir fait main basse sur les équipements et armes trouvés sur place.
Le 31 janvier, l’ISWAP a revendiqué, au nom de l’EIGS, ces deux attaques. Et de prétendre que deux véhicules, 8 motos, des armes et des munitions avaient été récupérés. Puis, le même jour, des jihadistes, affirmant être implanté à Nampala [dans cercle de Ségou] et se présentant comme « les soldats du califats au Mali » [Jund al khilafa Mali], a publiquement fait allégeance à Abu Ibrahim al-Hashemi al-Qurashi [alias Amir al-Salbi, ndlr], le successeur d’Abou Bakr al-Baghdadi, l’ex chef de l’֤État islamique.
Et cela pose plusieurs questions… Tout d’abord, on ignore s’il s’agit ou non d’une nouvelle formation ou bien d’un groupe issu qui aurait opté pour un changement d’allégeance, sachant que des tensions entre le le GSIM et l’EIGS ont été signalées récemment, le premier étant contraint de se justifier sur sa manière d’appliquer la charia [loi islamique, nldr].
Une autre possibilité est que, étant donné que la force française Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel doivent concentrer leur effort sur le Liptako-Gourma, l’État islamique cherche à ouvrir un second front dans le centre du Mali.