vendredi 21 février 2020
Berne a refusé l'offre américaine de rapatrier ses djihadistes de Syrie
Les USA ont proposé à plusieurs reprises à la Suisse de rapatrier ses trois djihadistes détenus en Syrie, a révélé le journal Le Temps jeudi. Mais Berne campe sur sa politique de non-rapatriement des combattants de Daech.
Cette proposition remonte à l'été 2018, raconte Le Temps dans son édition de jeudi. Le Département fédéral des Affaires étrangères reçoit une lettre de la part des Etats-Unis, avec une proposition: rapatrier les djihadistes suisses et leur famille jusque sur la piste d'un aéroport suisse... Le prix? 500'000 dollars.
L'offre a été transmise au Groupe sécurité, un organe de coordination de la Confédération censé élaborer la politique de rapatriement des djihadistes. Elle a été refusée notamment en raison du prix demandé par les Américains, indéfendable auprès de la population en cas de fuite dans la presse, indique Le Temps.
Priorité à la sécurité du pays
A l'époque, le Conseil fédéral n'avait pas encore précisé sa politique sur le sujet. Il le fera quelques mois plus tard, en mars 2019, officialisant sa politique en matière de «voyageurs du djihad» de nationalité suisse. La priorité est toujours donnée à la sécurité du pays, et les actes terroristes doivent être «poursuivis dans l’Etat dans lequel ils ont été commis, avec des procédures respectant les normes internationales».
Dans les faits, le quotidien romand rappelle que Berne n'interdit pas le retour de ses djihadistes, mais n'intervient pas non plus de façon active pour rapatrier ses ressortissants. Le DFAE explique de son côté que la Suisse examine les moyens de rapatrier les enfants et a décliné l'offre américaine «car elle implique des familles entières et pose des questions juridiques et financières».
Offre toujours d'actualité
L'offre américaine éviterait un éventuel retour en catimini des trois Helvètes, dont deux au moins occupaient des postes importants au sein de l'EI et disposent probablement d'informations précieuses sur les autres djihadistes helvétiques, les sympathisants en Suisse et d'éventuelles cellules dormantes. Des membres des Services de renseignements (SRC) s'étaient récemment rendus en Syrie pour recueillir leurs témoignages directs.
Selon les informations du Temps, elle est toujours d'actualité et pourrait probablement être négociée. Ainsi, récemment, Washington a rapatrié gratuitement des djihadistes dans certains pays des Balkans.
La situation a changé depuis
Depuis l'offre de Washington, la situation en Syrie s'est péjorée. La crainte d'évasions des djihadistes est devenue préoccupante, au point que des voix estiment que le rapatriement des «voyageurs du djihad» suisses soupçonnés de liens avec l'EI et détenus par les Kurdes pourrait mieux garantir la sécurité de la population, objectif numéro un de la Confédération.
Carlo Sommaruga: «Il faut accepter l'offre américaine»
Il faut saisir l'offre américaine de rapatriement de djihadistes suisses, estime le conseiller national socialiste genevois Carlo Sommaruga. Il a toujours défendu, pour des raisons de sécurité, le retour de ces djihadistes et s'est d'ailleurs dit surpris de découvrir jeudi, via un article du journal Temps, l'offre de Washington soumise au Conseil fédéral en 2018 déjà et toujours sur la table.
Preuves en main des Américains
«Le rapatriement a été contesté par le fait de la difficulté de juger ces djihadistes en Suisse, notamment parce qu'il y aurait des éléments de preuve qu'on ne trouve que sur place. Or, beaucoup d'entre eux sont en fait aux mains des Américains, qui ont confisqué énormément de données appartenant à l'organisation Etat islamique», a détaillé Carlo Sommaruga dans La Matinale de la RTS vendredi.
«Il faudrait peut-être discuter avec les Etats-Unis pour qu'on puisse bénéficier d'éléments de preuve qui sont dans leur stock de données, qu'elles soient transmises aux autorités de poursuite pénale. Cela permettrait non seulement des condamnations pour appartenance à Daech, mais aussi pour des crimes concrets, que ce soit des crimes contre l'humanité, des viols ou des assassinats», a poursuivi le député.