L'homme d'affaire maltais Yorgen Fenech, également propriétaire du Hilton d'Evian (F)
(Bild: Keystone/AP)
Un entrepreneur, inculpé pour complicité dans l'assassinat en 2017 de la journaliste d'investigation Daphne Caruana, a déclaré jeudi à un juge maltais avoir été tenu au courant de tous les détails de l'enquête par Keith Schembri, le chef de cabinet du Premier ministre, déjà entendu par la police puis relâché.
Yorgen Fenech, 38 ans, copropriétaire du groupe familial Tumas (hôtellerie, casinos, automobile, énergie) avait déjà désigné M. Schembri, ami personnel du Premier ministre Joseph Muscat, comme «le vrai commanditaire» du meurtre de la journaliste en 2017, lors d'un interrogatoire policier la semaine passée. M. Fenech est connu dans la région lémanique comme étant le propriétaire de l'hôtel Hilton d'Evian, note le Messager.
Inculpé dans le meurtre depuis samedi, il a affirmé que M. Schembri lui avait même transmis des notes détaillées sur ce qu'il fallait dire à la police au sujet de la journaliste, tuée dans l'explosion de sa voiture. «Je connais Schembri depuis que je suis petit et nous nous parlions environ deux fois par semaine», a-t-il dit à la justice maltaise. «Il me tenait continuellement informé des détails de l'enquête en temps réel».
L'homme d'affaires avait ainsi été informé des arrestations peu après les faits de Vincent Muscat et des frères Alfred et George Degiorgio, accusés d'avoir organisé et perpétré l'assassinat de la journaliste, qui enquêtait sur la corruption à Malte.
Mercredi, sept parlementaires européens, dépêchés en mission à Malte, se sont déclarés «inquiets pour l'intégrité de l'enquête», et ont jugé préférable la démission rapide du Premier ministre Joseph Muscat, soupçonné d'interférences et de vouloir protéger notamment M. Schembri.
«Allez-y, je veux tuer Daphne»
M. Muscat, chef de gouvernement travailliste au pouvoir depuis 2013, a annoncé dimanche dans un message diffusé par la télévision nationale qu'il allait démissionner d'ici au 12 janvier, mais devrait à priori rester en poste jusque là.
Ses détracteurs l'ont accusé d'avoir obligé le gouvernement à rejeter la semaine dernière une mesure de grâce pour Fenech, qui promettait en échange de dire «tout ce qu'il sait». L'homme d'affaires s'est finalement révélé prolixe jeudi auprès du juge.
Quant à Schembri, il est ressorti libre la semaine passée après des auditions policières, déclenchant la colère de la famille Caruana Galizia selon qui, «au moins deux témoins et de multiples indices impliquent Schembri dans l'assassinat». Lors de sa mise en cause, M. Schembri avait démissionné en même temps que deux ministres, dont les noms étaient apparus dans les enquêtes menées par Daphne Caruana Galizia lorsqu'elle avait creusé la partie maltaise des Panama Papers.
Un intermédiaire, Melvin Theuma, un chauffeur de taxi et usurier qui a pu obtenir l'immunité en échange de ses révélations, a confirmé mercredi devant la justice que Fenech était bien l'un des ou le commanditaire du meurtre. «Allez-y, je veux tuer Daphne», lui aurait dit l'entrepreneur, a assuré Theuma.
AFP