Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 3 novembre 2019

Vichy nid d’espions : les héros de l’ombre pendant la Seconde Guerre mondiale


Fausse carte d'identité de Marie-Madeleine Fourcade cheffe du réseau Alliance
Dirigé par le Général Raynal à Vichy © archives


Après l’installation du gouvernement de Pétain à Vichy, en 1940, des réseaux clandestins destinés à collecter des renseignements vont s’organiser...

Parmi tous les héros de l’ombre actifs au sein de ces structures clandestines, se détache une figure locale majeure : le général Camille Raynal, alias « Briard ».

Général Camille Raynal réseau Alliance à Vichy


Espionnage, contre-espionnage, agents doubles ou taupes. Tout un monde secret s’organise dans la course aux renseignements autour du gouvernement de Pétain, dont les services de contre-espionnage étaient efficace : deux mille espions arrêtés entre 1940 et 1942 ! Les enjeux sont colossaux et l’issue du conflit dépendra en grande partie de la qualité des informations.

Un des plus importants réseaux de renseignements militaires français, « Alliance » a été actif sur toute la France. Composé essentiellement de militaires et de fonctionnaires, il avait été créé à Vichy par le commandant Loustaunau-Lacau, à l’automne 1940.

Réseau alliance du général Camille Raynal à Vichy hôtel du Portugal bd des Etats-Unis siège de la Gestapo


La Gestapo, qui pourchassait inlassablement ses membres, l’avait rebaptisé « l’Arche de Noé », du fait qu’ils s’identifiaient par un nom d’animal.

Après l’arrestation de son premier chef local, l’avocat Jacques Labrit (1914 - 1942), le réseau va être repris en main par le général Camille Raynal, retraité de 72 ans, habitant à Cusset (né à Moulins en 1868).

Alias « Briard », il réussit, pendant deux années, à maintenir une exceptionnelle activité de renseignements. Il prend des risques considérables en recrutant et en cachant les agents pourchassés, et en transmettant les informations codées par l’intermédiaire des membres, ou à l’aide d’un poste émetteur qu’il cachait à son domicile.

Réseau alliance du général Camille Raynal à Vichy radio émetteur type de la Résistance


Les renseignements collectés étaient destinés à l’Intelligence Service (IS) britannique. Grâce à son second, Pierre Magnat (fusillé le 2 octobre 1943), alias « Pétoncle », qui travaillait au Secrétariat d’État de la Marine, de nombreux renseignements sur les noms et les mouvements des navires de l’Atlantique furent d’une importance capitale pour les Anglais.

Réseau alliance du général Camille Raynal à Vichy l'hôtel le Helder, 
siège du secrétariat d'Etat de la Marine à Vichy


Victime d’une trahison, le général Raynal, doyen d’Alliance, fut arrêté par la Gestapo à Vichy le 2 mars 1943. La veille, c’est son propre gendre et membre du réseau, Raymond Rondeleux, père de 5 enfants, qui a été arrêté à Béziers (mort en déportation le 6 mars 1944). 35 personnes œuvrant pour Alliance tombèrent.

7 membres furent exécutés, dont Paul Guillebaud, alias « Mouflon », abattu à la gare de Gannat, le 17 mars 1943.

Réseau alliance du général Camille Raynal à Vichy Raymond Rondeleux, gendre du général Camille Raynal, 
mort en déportation


Le général Raynal fut condamné à mort et se retrouva avec 15 compagnons classés NN (Nacht und Nebel, mots allemands traduits par « nuit et brouillard », c’est-à-dire personnes à faire disparaître) dans la prison de Ludwigsbourg. Au moment de marcher au supplice, il fut gracié en raison de son âge : 76 ans. Transféré à la forteresse d’Ebrach en Bavière, il y mourra le 5 janvier 1945, victime de traitements odieux. Il avait fait l’admiration de tous par sa force morale, et sa foi inébranlable en la victoire.

Sur l’ensemble du territoire français, le réseau Alliance a été durement éprouvé : 438 morts et un millier d’arrestation. La réussite du Débarquement, et la victoire finale des Alliés, sont en grande partie dues aux renseignements et aux cartes, transmis par « l’Arche de Noé ».

Dominique Parat