Depuis 1999, la Suisse est présente avec un contingent de l'armée au Kosovo. En 20 ans, ce sont plus de 650 femmes et environ 8500 hommes qui ont participé à une mission de la Swisscoy dans le jeune Etat né de la guerre civile. Pour les Suisses impliqués sur place, cette mission a gardé toute sa pertinence. Certains en doutent.
Le 23 juin 1999, deux semaines après la fin de la guerre entre la Serbie et le Kosovo (12'000 morts), le Conseil fédéral décide de participer à la mission militaire de maintien de la paix des Nations unies au Kosovo (KFOR) dirigée par l'OTAN. En octobre, le premier contingent de la Swiss Company (Swisscoy), composé de 160 soldats, se met au travail. Non armés en raison de la loi sur l'armée de l'époque.
Au tout début, la Swisscoy était une unité de soutien logistique pour les autres troupes de la KFOR: elle a contribué à la construction et l'entretien des camps, s'est occupée du traitement de l'eau potable et a réparé des routes et construit des ponts pour garantir la mobilité des troupes internationales.
Ce n'est qu'en 2002, lorsque le premier contingent d'infanterie armé helvétique est arrivé au Kosovo, que la compagnie a pu participer aux patrouilles, à la protection des convois et à la sécurisation des camps. Aujourd'hui, la Suisse s'engage dans les équipes de liaison et d'observation (Liaison and Monitoring Teams, LMT), dans le transport de matériel ainsi que que dans le déminage.
A l'écoute de la population
«Depuis les graves émeutes de 2004, lorsque des églises orthodoxes et des maisons de Serbes ont été incendiées à Prizren, la Swisscoy n'a pratiquement plus observé de tensions religieuses dans notre secteur. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de conflits liés à la langue ou la culture», raconte le capitaine Giacomo Salvi, 32 ans, militaire de carrière à Moudon (VD) et membre du 41e contingent basé au Kosovo depuis début octobre.
A la tête d'une équipe de neuf militaires, il a pour tâche d'entretenir les contacts avec la population, de prendre connaissance de ses exigences et de contrôler qu'il n'y ait pas de barrage sur les routes. Il rend ensuite compte des potentiels foyers de crise au QG de la KFOR.
Giacomo Salvi est convaincu que les soldats de la Swisscoy sont bien perçus dans son secteur. «Les gens apprécient notre présence et notre indépendance et montrent du respect envers l'uniforme suisse», confie-t-il. Un regard confirmé par plusieurs sondages: les Kosovars ont plus confiance dans la mission internationale que dans la police kosovare. Les soldats internationaux peuvent parler à toutes les communautés qu'elle soit serbe ou kosovare.
«Les patrouilles n'apportent rien»
La mission de la Swisscoy avait certainement un sens à ses débuts dans le cadre de la reconstruction, estime Albert A. Stahel, ancien professeur d'études stratégiques à l'Université de Zurich. Mais aujourd'hui, hormis Mitrovica, dernier point de tension dans le nord du pays, la présence militaire de KFOR a perdu en importance.
La Swisscoy est aujourd'hui avant tout bienveillante pour le jeune Etat et sa diaspora en Suisse, selon lui. «Nous pourrions retirer les troupes et il ne se passerait rien», affirme-t-il. Les tensions persistantes dans le nord doivent être résolues au niveau politique entre la Serbie et le Kosovo.
Il doute que la Swisscoy soit les «yeux et les oreilles» de la KFOR au Kosovo. L'OTAN dispose de ses propres moyens de surveillance et n'a pas besoin de la Suisse pour cela. Pour lui, il vaudrait mieux renforcer la présence sur place des services de renseignement suisses, car ces informations restent importantes pour la Suisse.
Une opportunité
Pour Bruno Lezzi, historien et ancien professeur à l'Institut de sciences politiques de l'Université de Zurich, la mission suisse au Kosovo reste très utile. C'est la seule opportunité pour les soldats suisses d'acquérir de l'expérience dans une force internationale. Cet engagement permet «d'entretenir des relations dans le domaine de la coopération militaire».
En outre, même si la situation s'est bien calmée dans les Balkans, le risque de troubles demeure. Pour l'OTAN, la mission reste apparemment importante, sinon elle se serait retirée depuis longtemps. Son rôle stabilisateur se suffit à lui-même, pense M. Lezzi.
Décision en 2020
Le contingent helvétique comptait à ses débuts jusqu'à 235 soldats, puis il a continuellement diminué ces dernières années. Lors de la dernière prolongation du mandat, l'effectif a été réduit à 165 personnes depuis octobre.
Quant à savoir si la mission sera reconduite, il faudra attendre la décision du Parlement l'an prochain. La cheffe du Département fédéral de la défense (DDPS), Viola Amherd, devrait remettre son message au Conseil fédéral vers la fin de l'année.
Il y a déjà eu par le passé quelques réticences de la gauche et de la droite à renouveler le mandat de la Swisscoy. Les Verts sont par principe opposés à des interventions militaires à l'étranger et l'UDC est d'avis que les coûts ne sont plus justifiés.
ATS