Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 8 octobre 2019

Trump fait marche arrière

Alors que les États-Unis avaient passé un accord avec la Turquie pour éviter une offensive de cette dernière contre les milices kurdes syriennes [YPG] qui jouèrent un rôle de premier plan au sein des Forces démocratiques syriennes [FDS] pour abattre le califat instauré par l’État islamique [EI ou Daesh], le président Trump a indiqué, le 7 octobre, qu’il laisserait le champ libre à Ankara après une conversation téléphonique avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan.

« La Turquie va bientôt engager son opération prévue dans le nord de la Syrie. Les forces armées des Etats-Unis ne soutiendront ni ne participeront à l’opération et les forces des Etats-Unis, après avoir vaincu le ‘califat’ territorial de l’Etat islamique [EI], ne seront plus dans les environs immédiats », a en effet annoncé la Maison Blanche.

« Les Kurdes ont combattu avec nous mais ils ont reçu énormément d’argent et de matériel pour le faire. Cela fait des décennies qu’ils combattent la Turquie. Je me suis tenu à l’écart de ce conflit pendant presque trois ans, mais il est temps pour nous de sortir de ces guerres ridicules et sans fin, dont beaucoup sont tribales », a ensuite commenté le chef de la Maison Blanche via Twitter.

Seulement, cette décision, qu’il a prise a priori seul, a suscité une levée de bouclier. Le Pentagone a ainsi fait savoir qu’il ne cautionnerait pas une éventuelle opération militaire turque contre les milices kurdes syriennes. Et il indiqué avoir mis en garde Ankara contre « conséquences déstabilisatrices » d’une telle offensive non seulement pour la Turquie mais aussi pour la « région et au-delà.

Puis, les ténors du Parti républicain ont fait part de leur désapprobation. Or, leur soutien est nécessaire à M. Trump face à ses adversaires politiques, qui ont lancé une procédure de destitution à son encontre pour avoir usé de son pouvoir afin de nuire à Joe Biden, candidat à l’investiture du Parti démocrate pour la prochaine élection présidentielle.

Ainsi, l’un de leurs principaux chefs de file, Lindsey Graham, n’a pas eu de mots assez forts pour critiquer le choix de M. Trump, le qualifiant de « porteur de désastre ». « Si ce plan est appliqué, j’introduirai une résolution au Sénat demandant à ce que l’on revienne sur cette décision. Je m’attends à ce qu’elle soit largement soutenue par les deux partis », a-t-il menacé. Et d’expliquer que la décision du chef de la Maison Blanche « garantit le retour » des jihadistes de l’EI et que « l’abandon des Kurdes sera une tache sur l’honneur de la l’Amérique ».

Numéro trois des républicains à la Chambre des représentants, Liz Cheney a critique une décision qui « ignore les leçons du 11-Septembre. » Selon elle, « retirer les forces américaines du nord de la Syrie est une erreur catastrophique qui met en péril nos avancées conre l’EI et menace la sécurité » des États-Unis.

Le sénateur Marco Rubio a lui aussi parlé d’une « grave erreur » pouvant avoir des répercussions « bien au-delà de la Syrie ». Et elle « confirmerait la vision qu’a l’Iran de ce gouvernement et les encouragerait à aller vers une escalade d’attaques hostiles qui, à leur tour, pourraient déclencher une guerre régionale bien plus vaste et dangereuse », a-t-il fait valoir.

Ex-ambassadrice aux Nations unies, Nikki Haley a quant à elle rappelé le rôle « déterminant » des Kurdes syriens dans le combat contre l’EI en Syrie. « Nous devons toujours défendre nos alliés si nous attendons d’eux qu’ils nous défendent. Les laisser mourir est une grave erreur », a-t-elle estimé.

En décembre 2018, M. Trump avait annoncé une décision similaire. Et il s’était heurté à des réactions identiques. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, il a donc enclenché la marche arrière. Et il a finalement publié un tweet ayant la même teneur que celui qu’il avait posté en janvier 2018 pour prévenir qu’il « dévasterait » l’économie turque en cas d’offensive contre les Kurdes syriens.

« Si la Turquie fait quoi que ce soit que j’estime, dans ma grande et inégalable sagesse, dépasser les bornes, je détruirai et anéantirai complètement l’économie de la Turquie », a en effet indiqué M. Trump, dans son style inégalable.

En attendant, le ministère turc de la Défense a de nouveau assuré qu’il ne manquait aucun bouton de guêtre à ses soldats. « Tous les préparatifs pour une éventuelle opération militaire dans le nord-est de la Syrie sont terminés », a-t-il fait savoir dans la soirée du 7 octobre.