Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 24 octobre 2019

Comment le SGRS suit-il la situation après l'offensive turque ?


La Turquie a annoncé mardi soir qu’elle ne reprendrait pas son offensive militaire contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie car ces dernières se sont retirées des zones frontalières La situation est pour l’instant stabilisée. Les djihadistes de nationalité belge et leurs familles qui se trouvaient dans la zone sont pour la plupart localisés dans des prisons ou dans des camps. C’est en tout cas ce qu’affirme le lieutenant-général Claude Van de Voorde, le chef du Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS).

Dans le nord de la Syrie, les forces en présence ne sont plus tout à fait les mêmes. Les militaires américains ont quitté la région et d’autres puissances se sont engouffrées. La Turquie, et surtout la Russie. Ces deux pays "dirigent un peu entre eux ce qui se passe sur le terrain", déclare le lieutenant-général. De là à dire que les Etats-Unis ont donné les clés de la région à la Russie ? "C’est peut-être un peu extrême. Mais quelque part, oui, l’initiative est plus près de la Russie que chez les Américains."

Maintenant que les Etats-Unis se sont retirés de la zone, qui renseigne les Belges sur la situation des djihadistes ? Claude Van de Voorde confirme : il n’y a pas de contacts ou d’échanges de renseignements avec la Russie, la Turquie ou même avec le régime syrien de Bachar al-Assad. Malgré tout, certains pays alliés sont toujours présents d’une manière ou d’une autre, et surtout de manière très discrète.

"Les échanges au niveau des renseignements se font avec nos alliés classiques, c’est-à-dire les Français, les Allemands, les Anglais et les Américains, précise le lieutenant-général. Les Américains se sont retirés, mais il faut voir qu’ils restent quand même un joueur encore dans la zone. Selon nos informations, ils se sont retirés de la zone du conflit, mais ils sont encore présents dans d’autres zones. Ils ne sont donc pas complètement absents non plus."

Quel réseau de renseignements dans la région ?

La Belgique essaye aussi d’activer ses réseaux locaux tissés lorsque nos forces spéciales étaient présentes juste à côté, en Irak. Jusqu’au printemps 2018, des forces spéciales belges et des membres du renseignement militaire ont travaillé pratiquement à cheval sur la frontière entre l’Irak et la Syrie,

"Les militaires étaient sur place et nous avions aussi un petit détachement en support d’eux. Ce sont eux qui ont donc établi un réseau sur place pour avoir des contacts et donc recueillir des informations. Ce réseau est encore utile aujourd’hui, et là aussi on échange nos informations avec des réseaux gérés par les pays partenaires", ajoute Claude Van de Voorde.

Car c’est comme ça que ça se passe dans le monde du renseignement : c’est du donnant donnant. Et si la Belgique compte beaucoup sur les autres en Syrie, elle est très utile pour ses partenaires dans d’autres régions du monde.

A l’avenir, il faudra que la Belgique s’adapte aux changements d’alliances. Tout peut aller très vite. En Syrie, il a fallu à peine quelques semaines pour que les États-Unis quittent l’allié kurde et pour que la Russie, soutien du régime syrien, s’allie avec la Turquie. Cette dernière est aussi en cheville avec une nébuleuse de milices syriennes de l’opposition.

Le lieutenant-général conclut :"Je crois que c’est un peu ça la crainte pour l’avenir, c’est qu’on va être confronté, à mon avis, de plus en plus à des coalitions ad hoc. Un jour c’est l’ami et l’autre jour ça devient l’ennemi. Le monde est devenu beaucoup plus volatil. On le dit toujours, avant c’était très simple. Selon nous, les mauvais c’était l’Est et les bons c’était nous. Tout ça a changé."