Raymond Barre avait un compte non déclaré chez Credit Suisse à Bâle, dont ses héritiers ont attendu 2013 pour régulariser les avoirs, estimés à 11 millions de francs (environ 9,8 millions d'euros), auprès du fisc français.
Cette information figure dans l’édition de ce mercredi du Canard enchaîné, qui donne le numéro du compte et a obtenu confirmation de la régularisation tardive par l’avocat des deux fils du premier ministre décédé en 2007, Me Jean-Louis Renaud. L’hebdomadaire satirique ne précise pas, en revanche, la date des dépôts effectués en Suisse par Raymond Barre, qui fut premier ministre de Valéry Giscard D'Estaing de 1976 à 1981, puis maire de Lyon de 1995 à 2001.
Le fait que des dirigeants politiques français de premier plan aient pu disposer de comptes non déclarés en Suisse, bien à l’abri du secret bancaire en vigueur jusqu’en 2017, n’a rien d’un scoop. L’une des affaires les plus célèbres est celle du compte helvétique de l’ancien ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en appel à quatre années de prison ferme en mai 2018 pour avoir entre autres caché au fisc l’existence d’environ 600 000 euros d’abord placés à UBS, puis à la banque genevoise Reyl & Cie, puis à Singapour à la banque Julius Baer.
Un million d’euros de pénalités
Un rapprochement existe toutefois entre Cahuzac et Raymond Barre: c’est à la suite des révélations sur le compte de l’ancien ministre par le site Mediapart à la fin de 2012 qu’a été créé le Parquet national financier, et qu’un mouvement massif de régularisations fiscales a eu lieu. Les fils de l’ancien chef du gouvernement – dont l’épouse Eve est décédée en 2017 – auraient alors déclaré leur «magot» aux services fiscaux et acquitté près de 1 million d’euros de pénalités selon Le Canard enchaîné.
L’hebdomadaire est connu pour ses révélations fiscales. En janvier 1972, Le Canard avait publié la feuille d’impôt de Jacques Chaban-Delmas, alors ancien premier ministre, démontrant que ce dernier n’acquittait pas d’impôt sur le revenu. Une affaire qui handicapa sa candidature à la présidence deux ans plus tard.
Dans le cas de Raymond Barre, longtemps surnommé le «meilleur économiste de France», la publication du fac-similé du courrier adressé par le fisc à sa famille en 2015, mentionnant l’existence d’un compte à Credit Suisse, garni en 2007 de 6 786 745 euros, est surtout un rappel de pratiques passées. Après la décision du Conseil fédéral d’abandonner le secret bancaire en mars 2009, la Confédération a depuis 2017 mis en œuvre l’échange automatique d’informations avec la France et les autres pays de l’OCDE.
Richard Werly