mercredi 6 février 2019
« Sans pression antiterroriste », Daesh pourrait mettre 6 à 12 mois pour reconquérir un territoire en Syrie
Chef du commandement pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale [US CENTCOM], le général Joseph Votel l’assure : le président Trump ne l’a pas consulté avant de prendre sa décision de retirer les troupes américaines de Syrie. « Je n’étais pas au courant de cette annonce spécifique », a-t-il en effet indiqué, lors d’une audition devant une commission du Sénat. Ce qui accrédite l’idée que le chef de la Maison Blanche ne fait que très peu de cas de ce que peuvent lui dire ses responsables militaires…
Ainsi, le 3 février, lors de l’émission « Face the Nation » de CBS, M. Trump a une nouvelle fois assuré que l’EI était « épuisé » et près de subir une « défaite totale ».
Certes, l’organisation jihadiste a perdu la quasi-totalité des territoires sur lesquels elle avait établi son « califat ». Pour autant, le général Votel appelle à la prudence, estimant qu’il reste entre 1.000 et 1.500 jihadistes dans la poche d’une cinquantaine de km2 qui, située sur la rive orientale de l’Euphrate, en Syrie, fait actuellement l’objet d’une offensive menée par les Forces démocratiques syriennes [FDS, alliance arabo-kurde], soutenues par la coalition. Et, selon lui, des « milliers d’autres » se cacheraient ailleurs en Syrie et en Irak.
L’estimation du chef de l’US CENTCOM est confortée par un rapport que vient de publier l’inspection générale du Pentagone [.pdf]. Selon ce dernier, Daesh dispose encore d’une « force endurcie et disciplinée », dont les effectifs, en janvier, était évalués à 2.000 jihadistes pour la seule moyenne vallée de l’Euphrate [MERV]. Ce qui lui donne la capacité de coordonner et de mener des offensives et des contre-offensives.
En outre, le Pentagone estime que l’organisation recrute environ 50 nouveaux combattants étrangers par mois et qu’elle continue à percevoir des revenus, que ce soit par l’extorsion, le trafic de pétrole, les activités criminelles et les dons extérieurs.
« L’État islamique régénère plus rapidement ses fonctions et ses capacités clés en Irak qu’en Syrie, mais en l’absence de pressions [antiterroristes] soutenues, il pourrait probablement ressurgir en Syrie d’ici six à douze mois et recouvrer un territoire limité », prévient ainsi le rapport.
Ce dernier souligne en effet que Daesh reste encore très actif en Irak, en particulier dans les zones rurales, d’où il continue « à mener des attaques et des assassinats », tout en se livrant à des activités criminelles pour se financer [vols, blanchiment d’argent, etc]. Et le problème, assure l’Inspection générale du Pentagone, est qu’il « faudra encore des années, voire des décennies » avant que les forces de sécurité irakiennes [FSI]soient capables d’infliger une « défaite durable à l’État islamique sans le soutien de la coalition ».
Qui plus est, ces mêmes FSI n’ont pas les meilleures relations qui soient avec les Peshmergas [combattants du Kurdistan irakien, ndlr] et les Unités de mobilisation populaire, constituées majoritairement de milices chiites, dont certaines prennent leurs ordres à Téhéran.
Cela étant, le rapport avertit également que l’EI pourrait muliplier les attentats contre les troupes américaines au moment de leur retrait [comme cela s’est déjà produit à Manbij] afin de servir sa propagande. L’objectif, explique l’Inspection générale, serait d’en tirer parti en présentant ce désengagement comme une « victoire » dans ses « médias ».
Quoi qu’il en soit, le président Trump a assuré que les États-Unis garderaient un oeil sur Daesh [ainsi que sur l’Iran] en gardant une présence militaire en Irak, précisément sur la base d’al-Asad. »
« Nous avons des avions très rapides, de très bons avions cargos. Nous pouvons revenir très rapidement, et je ne pars pas. Nous avons une base en Irak et c’est un un édifice fantastique. J’y étais récemment [avant Noël, ndlr] et je ne pouvais pas croire l’argent qui a été dépensé pour ces immenses pistes », a lâché le président Trump lors de l’émission « Face the Nation ».
Cependant, le président irakien, Barham Salih, n’a pas apprécié les propos de son homologue américain au sujet de la surveillance des activités iraniennes car, pour ce dernier, il faut pouvoir continuer à « observer un peu l’Iran, parce que l’Iran est un réel problème. »
Le président Trump « n’a pas demandé à Bagdad d’autoriser les forces américaines à surveiller l’Iran », a en effet réagi M. Salih. Elles « sont présentes en Irak dans le cadre d’un accord bilatéral et leur mission consiste spécifiquement à lutter contre le terrorisme », a-t-il rappelé. « Ne surchargez pas l’Irak avec vos propres problèmes […] Ne privilégiez pas vos propres priorités politiques. C’est nous qui vivons ici », a-t-il ensuite fait valoir, avant d’affirmer qu’il était « fondamental pour l’Irak d’entretenir de bonnes relations avec l’Iran. »