lundi 4 février 2019
Perquisition de Mediapart; «Dérive autoritaire du monarque Macron» ?
Le média d'investigation a fait l'objet d'une tentative de perquisition, après avoir révélé des enregistrements compromettants pour Alexandre Benalla. Les politiques, de droite comme de gauche, y voient une volonté du pouvoir d'étouffer l'affaire.
De nombreuses personnalités politiques, de part et d'autre de l'échiquier politique, ont réagi ce 4 février à la tentative de perquisition des locaux de Mediapart. Deux procureurs, accompagnés de trois policiers, se sont en effet rendus, dans la matinée, dans les locaux du média, dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet pour atteinte à la vie privée d'Alexandre Benalla.
Le média d'investigation en ligne, invoquant la protection de ses sources, a expliqué avoir refusé la perquisition. Mediapart avait révélé le 31 janvier une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase remontant à fin juillet. Ces extraits audio prouvaient que les deux hommes avaient menti au Sénat. Le premier s'était notamment vanté de bénéficier du soutien d'Emmanuel Macron.
«Avec Macron, l'information à sens unique ?», s'est interrogé le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, rappelant qu'Emmanuel Macron souhaitait «subventionner des médias "neutres" pour lutter contre les fake news».
«Mediapart révèle que Benalla a violé les obligations de son contrôle judiciaire... et c’est Mediapart que la justice veut bâillonner ! On appelle cela "tuer le messager"», a fait remarquer Alain Houpert, membre du bureau politique des Républicains.
A gauche également, le ton était à l'indignation face à la tentative de perquisition dont a fait l'objet le site d'investigation. Ugo Bernalicis, député de La France insoumise (LFI), a commenté : «Ces perquisitions [montrent] l'usage politique de la justice et de la police à nouveau. Si le sujet n'était pas si grave, je dirais presque "bienvenue au club".»
«La dérive autoritaire du monarque Macron est sans limite», s'est inquiétée l'élue Insoumise Danielle Simonnet.
Le dirigeant du parti Génération.s, Benoît Hamon, a défendu la protection des sources, tweetant : «L'ingérence du pouvoir dans le travail de Mediapart est une nouvelle dérive autoritaire.»
Conférence de presse de Mediapart pour revenir sur l'incident du 4 février
«Un commissaire divisionnaire de la brigade criminelle est venu avec d’autres policiers frapper à la porte du journal en nous disant : "Monsieur, c’est une perquisition." Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire de Mediapart», a notamment expliqué Fabrice Arfi, patron du pôle enquête du site et l'un des auteurs des révélations de l'affaire Benalla-Crase.
Fabrice Arfi a estimé que «l’habillage dont se revêt le parquet de Paris» n’avait «qu’un seul but : trouver les sources de Mediapart». Il a poursuivi : «La panique est forte au plus haut sommet de la République.»
«Il était convenu que nous remettrions à une justice indépendante les éléments qui étaient à notre disposition. Cependant, le procureur de Paris, nommé récemment, choisi par Monsieur Macron lui-même, a choisi de venir perquisitionner un journal», a de son côté tancé Edwy Plenel, patron de la publication.
«Au lieu de se préoccuper du fond, le parquet de Paris s’empare de la forme, en arguant de la protection de la vie privée d'Alexandre Benalla. Alors qu’on parle d’une affaire d’Etat», a-t-il poursuivi.
Il a par ailleurs tenu à rappeler qu'il y avait «des faits dont la justice est saisie par des juges d'instruction sur Monsieur Benalla» et déploré cette «manœuvre du parquet» qui «dépend du pouvoir exécutif» avant de conclure : «Nous vivons une époque où il faut défendre l'honneur de la presse tout le temps.»
En conclusion, le patron et fondateur de Mediapart a livré son analyse concernant ce qu'il estime être une «dérive». «On met en cause le droit de manifester. On empêche les gens de protester, de défendre leur cause. Il n’y a qu’un pas jusqu’à malmener la liberté de la presse. C’est une dérive que nous dénonçons», a-t-il ainsi justifié.