En décembre 2018, un premier satellite CSO a été lancé par la France. (Photo: cnes)
Le patron du Service de renseignement de la Confédération (SRC), Jean-Philippe Gaudin, aimerait bien que la Suisse s'engage dans un programme de satellite militaire français. Il s'agit de prendre une participation dans le programme «Composante Spatiale Optique» (CSO) afin de bénéficier de la force de la surveillance française et de son expertise, explique le Tages-Anzeiger dans son édition du jeudi 14 février.
Le chef du SRC a soumis ses projets à Guy Parmelin en 2018, alors que le conseiller fédéral vaudois était encore à la tête du Département fédéral de la défense de la protection de la population et des sports (DDPS). Jean-Philippe Gaudin connaît bien le dossier puisqu'avant d'être nommé à la tête du SRC, il dirigeait le service de renseignement de l'armée, le SRA.
15 photos en haute résolution par jour
L'homme fort du SRC a donc proposé de prendre une participation de 2% des capacités du CSO, qui lui garantirait 15 photos en haute résolution par jour. Coût de l'opération: 56 millions d'euros (63 millions de francs) auxquels doivent s'ajouter des frais d'exploitation annuels de 1,3 million d'euros.
But de l’opération: débusquer et identifier depuis l’espace des équipements militaires tels que navires, avions ou chars et évaluer la présence d’installations militaires dans le monde entier, selon les documents de l’administration fédérale. Le système CSO, qui sera pleinement opérationnel en 2021, devrait permettre de prendre des clichés d’une précision sans précédent.
Les services suisses devraient également s'équiper en matériel informatique compatible pour un montant de 4,5 millions de francs. La facture calculée par le DDPS se monte en tout à 84 millions d'euros pour les dix prochaines années.
Des risques pour la neutralité helvétique
Le projet se heurte néanmoins à des soucis juridiques qui ont retardé toute réponse officielle. La Direction du droit international du Département des affaires étrangères (DFAE) s'inquiète sous la plume de sa directrice Corinne Cicéron Bühler des conséquences pour la neutralité helvétique. Des considérations qui ont fait réfléchir le DDPS à deux fois.
La prise de position de la Direction du droit international à la fin août 2018 souligne que la Suisse peut s'engager dans un programme de coopération militaire mais uniquement sous certaines conditions. Si l'acquisition de satellites ne pose aucun problème, il n'en va pas de même pour des paiements réguliers. Ces derniers deviennent problématiques si la France agit dans un contexte de guerre ou hors du cadre d'un mandat de l'ONU.
La patate chaude pour Viola Amherd
«La participation financière considérable à un système militaire français pourrait être perçue par la communauté internationale comme inconciliable avec le statut de neutralité permanente de la Suisse», écrit Corinne Cicéron Bühler. Et d'ajouter que cela pourrait avoir des «conséquences directes sur la sécurité et l'indépendance de la Suisse».
La directrice propose donc de répartir le paiement unique de 56 millions d'euros en dix annualités de 5,6 millions d'euros. «Plus les contributions de la Suisse à CSO sont modestes, moins elles sont perçues par la communauté internationale comme un soutien substantiel à un système militaire français», explique-t-elle.
Le dossier est désormais entre les mains de Viola Amherd, qui a repris les rênes du DDPS à Guy Parmelin. Ses services soulignent que «jusqu'à présent, aucune décision n'a été prise en faveur d'une quelconque participation» et que «la participation à de tels programmes doit être approuvée par le Parlement». Qui sera extrêmement sensible à la question de la neutralité helvétique.