jeudi 31 janvier 2019
Espionnage: le Laboratoire de Spiez tire les leçons
Le Laboratoire Spiez a connu une année 2018 mouvementée. Les tentatives d'instrumentalisation et d'espionnage des Russes ont laissé des traces, comme l'explique son directeur Marc Cadisch dans une interview parue jeudi dans l'Aargauer Zeitung.
«On nous a instrumentalisés politiquement et c'est absolument unique pour une institution telle que la nôtre», a déploré le directeur. Il n'a pas non plus apprécié que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a tenté de remettre en doute la crédibilité de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) dans l'affaire Skripal en affirmant être en possession d'un rapport confidentiel du Laboratoire Spiez. «Ses déclarations étaient fausses», souligne Marc Cadisch.
Davantage de sécurité
Et de rappeler qu'à l'instar des autres laboratoires, celui de Spiez «ne fait aucune déclaration au sujet de quel acteur pourrait avoir développé ou utilisé une toxine», contrairement à ce qu'avait affirmé Moscou. «Après les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, j'ai rapidement compris à quel point la question était devenue politique.»
La pression n'a pas baissé, que ce soit entre les tentatives de cyberattaques ou les arrestations d'agents voulant se rendre dans l'Oberland bernois. Toutes ces alertes ont fait comprendre à Marc Cadisch qu'il fallait augmenter la protection de son institution. «Non pas que nous manquions de sécurité, mais nous devons être encore plus prudents à l'avenir. Divers ajustements sont en cours, en termes de mesures structurelles, mais aussi de processus.»
Toutes ces péripéties ne sont pas pas sans conséquence pour les collaborateurs du laboratoire. «Mais c'est le but des pressions politiques: nous pousser à faire des erreurs pour pouvoir nous attaquer.»
Les accusations basées sur des «fake news» représentent un danger immédiat, selon Marc Cadisch. «Je trouve cette évolution extrêmement inquiétante. Si les décisions sont fondées que sur des valeurs et non plus sur des faits, c'est dangereux pour la démocratie, pour l'ordre mondial et pour les organisations internationales.»
Le Laboratoire n'entend pas pour autant renoncer à la transparence par mesure de sécurité. «La communication est un élément central. Si l'on peut comprendre notre travail, la population peut voir que la Convention sur les armes chimiques fonctionne et qu'elle est basée sur un travail sérieux et indépendant. »
Le directeur s'alarme aussi de voir la situation changer autour de la Convention sur les armes chimiques, entrée en vigueur en 1997. «Il n'y a maintenant plus d'unité autour de ces questions» alors que le texte a permis de neutraliser plus de 95% des armes existantes à l'époque.
Il cite notamment l'absence de consensus lors de la dernière conférence internationale sur la Convention sur les armes chimiques, qui a vu le budget mis au vote pour la première fois. «Nous avons un traité sur les armes chimiques et il n'est pas toujours respecté.»