jeudi 27 décembre 2018
Le mystérieux voyage de Benalla au Tchad
«Nous sommes très surpris par ces coïncidences» : la porte-parole des Républicains résume ainsi le sentiment général sur la présence d'Alexandre Benalla au Tchad avant la visite d'Emmanuel Macron. L'UDI s'inquiète des menaces qu'il a proférées.
Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle affaire Benalla ? La visite au Tchad de l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, quelques jours seulement avant le voyage officiel du président de la République, interpelle l'opposition, qui s'interroge sur cette coïncidence.
D'autant que la passe d'armes entre la présidence, qui a assuré qu'Alexandre Benalla n'était chargé d'aucune mission «officielle ni officieuse», et l'intéressé, qui a publié un communiqué virulent à l'adresse de l'Elysée ponctué d'une menace en bonne et due forme («je ne me tairai plus»), n'a rien fait pour améliorer cette impression.
A tel point que même le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, dont le parti est pourtant proche de LREM, se montre inquiet. «Il menace l'Elysée et le président de la République comme s'il avait quelque chose à révéler et ça, c'est malsain», a-t-il ainsi confiéauprès de LCI.
Du côté du Rassemblement national, le député Gilbert Collard estime qu'il revient à l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron de lever tout soupçon que sa visite a pu faire naître : «Il faut qu'il nous explique très clairement pourquoi il est allé au Tchad, dans quelles conditions, de manière qu'on ne puisse pas supposer qu'il y a un lien entre ce qu'il fait et la démarche de Macron», a-t-il soutenu sur LCI. Pour le député RN du Nord Sébastien Chenu, Alexandre Benalla «n’est peut-être jamais sorti de l’orbite élyséenne». «On ouvre une porte, un placard, une fenêtre, un tiroir à l’Élysée, on y retrouve de près ou de loin monsieur Benalla», a-t-il déclaré dans des propos rapportés par France Info.
Un sentiment général résumé par la porte-parole du parti Les Républicains Laurence Sailliet : «Nous sommes très surpris par ces coïncidences.»
«Qui porte la diplomatie de notre pays ?»
A gauche aussi, le rôle joué par Alexandre Benalla soulève des questions. «On a toujours été malheureusement habitués dans les affaires Françafrique à des personnages comme ça assez sulfureux, jouant les intermédiaires plus ou moins officieux. Alors je ne sais pas si Monsieur Benalla est de cette trempe mais si c’est le cas, c’est vraiment gravissime», a lancé le député insoumis Eric Coquerel, cité par France Info.
La présidente du groupe PS à l'Assemblée, Valérie Rabault, a quant à elle estimé sur Europe 1 que le voyage au Tchad de l'ancien conseiller de l'Élysée interrogeait «sur qui porte la diplomatie de notre pays». «Ce qui est sûr c'est que l'on ne sait pas encore tout de ces affaires bis ou ter Benalla», a-t-elle conclu.
Alexandre Benalla assure avoir accompagné une délégation économique étrangère dans le cadre d'investissements au Tchad. Dans une réaction transmise à l'AFP, il a déploré les propos de «certaines personnes à l'Elysée» à son encontre, qu'il a qualifiés de «diffamatoires».
Benalla voyagerait depuis plusieurs mois avec un passeport diplomatique
Alors que l'Elysée précisait ces derniers jours qu'Alexandre Benalla n'était «pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République» après un voyage au Tchad, Mediapart révèle qu'il possèderait un passeport diplomatique.
Nouveau rebondissement dans l'affaire Benalla qui semble de plus en plus se transformer en «affaire d'Etat», comme l'écrit Mediapart, qui révèle ce 27 décembre qu'Alexandre Benalla voyagerait depuis plusieurs mois avec un passeport diplomatique. Ce dernier porterait la référence 17CD09254 et aurait été délivré le 24 mai 2018, soit près de trois semaines après des violences le 1er mai dont il est accusé, lui valant plusieurs mises en examen, une mise à pied de 15 jours en mai et un licenciement officiel en juillet. Selon le journal en ligne, il aurait utilisé ce passeport pour se rendre dans différents pays africains et en Israël ces derniers mois.
Néanmoins, dans un communiqué du 25 décembre, l'Elysée s'était étonné de voir Alexandre Benalla précéder Emmanuel Macron au Tchad au mois de décembre, précisant qu'«il n'[était] pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République».
Or, Mediapart précise que le passeport est valide jusqu’au 19 septembre 2022 et porte la certification usuelle : «Nous, ministre des affaires étrangères, requérons les autorités civiles et militaires de la République française et prions les autorités des pays amis et alliés de laisser passer librement le titulaire du présent passeport et de lui donner aide et protection.»
Contacté par Mediapart, un ancien membre des cabinets ministériels s'étonne d'ailleurs de la détention par Alexandre Benalla d'un passeport diplomatique, y compris pour un conseiller de l'Elysée : «Quand vous voyagez officiellement avec le président, vous n’avez même pas besoin de passeport diplomatique. On vérifie juste que vous êtes sur la liste de la délégation et vous échappez aux contrôles à l’arrivée.»
L’entourage d’Alexandre Benalla a assuré à LCI le 26 décembre qu'Alexandre Benalla avait fait des dizaines de déplacements en Afrique ces dernières semaines et avait rencontré plusieurs présidents africains.