Les États-Unis font malheureusement partie de ces pays où les délits, crimes et tueries de masse sont monnaie courante. Pour contrer cet alarmant constat, la mairie de la Nouvelle-Orléans a décidé, depuis 2012, de travailler main dans la main avec un programme de prédiction policière. Pour cela, la ville a conclu un partenariat secret avec l’entreprise Palantir Technologies, livrant ainsi de nombreuses données sur ses citoyens, et ce, sans les prévenir…
La Nouvelle-Orléans est l’une des villes les plus meurtrières des États-Unis. Surnommée « Big Easy », la capitale culturelle de la Louisiane affiche un taux d’homicides 40 fois supérieur à celui de Paris, alors qu’elle ne compte que 380 000 habitants intra-muros !
Rien que durant les 6 premiers mois de l’année 2015, 92 meurtres ont été recensés, la plupart d’entre eux commis par balles. Pas vraiment une surprise dans un pays où porter une arme à feu est un droit constitutionnel…
La Nouvelle-Orléans, l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis
Pour contrer ces vagues de crimes récurrentes, la ville a décidé d’agir : elle a adopté un logiciel de prédiction policière, fondé par l’entrepreneur Peter Thiel en 2004.
Comme dans le Seigneur des Anneaux, la saga littéraire dont il tire son nom, le Palantir a pour fonction de voir partout et tout le temps. Il use du fameux « big data » pour collecter les données numériques des milliers d’habitants de la métropole : noms, adresses, numéros de téléphones, permis de conduire, documents administratifs, dossiers judiciaires, comptes sur les réseaux sociaux…
Le logiciel recoupe ensuite l’ensemble des bases de données auxquelles il a accès (individus, lieux, véhicules, armes…) et détermine ensuite qui est le plus susceptible de commettre ou subir un acte criminel, en se basant sur les connexions entre chaque citoyen de « Big Easy ». Depuis sa naissance, le programme a su identifier 3 900 personnes susceptibles d’être au coeur d’une fusillade, en tant que tireur ou victime.
Sa relative omniscience a poussé des institutions telles que l’US Air Force, la NSA, la CIA, le FBI et même la DGSI (depuis 2016) à signer un contrat avec l’entreprise Palantir Technologies.
Le célèbre média américain The Verge n’a pu mettre au jour l’utilisation du Palantir au sein de la police de la Nouvelle-Orléans (NOPD) que très récemment. Suite à un procès accusant une dizaine d’individus d’appartenir à des gangs, la revue a pu découvrir que la NOPD avait utilisé le Palantir pour les inculper. Et pourtant, jamais ce partenariat n’a été mentionné dans les 60 000 pages du rapport judiciaire qui prouvait leur culpabilité.
À vrai dire, quasiment personne, jusqu’ici, n’avait conscience de l’utilisation du Palantir. « Ni les habitants de la Nouvelle-Orléans, ni les membres clefs du conseil municipal, dont le travail est de surveiller l’utilisation des données de la ville, n’étaient au courant de l’accès de Palantir à des tas de leurs données », rapporte The Verge. Seul le maire, la police, l’avocat de la ville et l’entreprise étaient au courant. Si la société publique l’avait su, elle aurait sans aucun doute dénoncé le logiciel, tout comme elle l’a fait avec la « liste chaude » de Chicago.
Ce secret, qui perdure depuis 2012, est en partie dû à l’arrangement « philantropique » ayant eu lieu entre le maire de la ville, Mitch Landrieu, et l’entreprise Palantir Technologies : la société a eu accès gratuitement à « des données criminelles et non criminelles afin d’entraîner son logiciel de prévision de la criminalité ». De ce fait, la technologie n’a pas eu besoin d’être validée par d’autres entités.
Mais si la ville est restée discrète quant à son partenariat caché et gratuit, Palantir Technologies, quant à elle, a fait connaître ses succès à d’autres institutions dans le monde, dont la police de Chicago et des services de sécurité en Israël et au Danemark.
Si la sécurité est devenue au fil des années une priorité pour bon nombre de personnes, il ne faudrait pas qu’elle entache la liberté des individus. À la Nouvelle-Orléans, le Palantir a été adopté en 2012 et a été renouvelé trois fois, jusqu’au 21 février 2018. Contactées par The Verge, ni la société ni la ville n’ont affirmé l’arrêt du programme.
Steve Tenre