L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue ce 20 mars au matin par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Brice Hortefeux est également entendu.
L'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue ce 20 mars au matin par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre dans le cadre de l'enquête sur le financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, selon une source proche du dossier. L'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux est également entendu ce même jour, en audition libre.
Après une enquête du site d'investigation Mediapart en mai 2012, faisant état de soupçons de participation financière présumée de l'ancien président libyen Mouammar Kadhafi à la campagne victorieuse du candidat de l'UMP, des magistrats français ont été chargés de l'enquête. L'ancien chef de l'Etat français (2007-2012) a de son côté toujours nié ces accusations.
Nicolas Sarkozy est entendu pour la première fois dans ce dossier depuis l’ouverture d’une information judiciaire en avril 2013 confiée à plusieurs juges d’instruction du pôle financier de Paris. La durée maximale de cette garde à vue est de 48 heures. A son issue, Nicolas Sarkozy pourrait être présenté aux magistrats en vue d'une mise en examen.
«La première chose que l'on demande à ce clown est de rendre l'argent»
Le 19 mars 2011, la France intervenait militairement en Libye avec ses alliés de l'OTAN, alors en proie à une guerre civile.
Cette intervention s'est soldée par la mort du président libyen le 20 octobre 2011, date à laquelle il est capturé dans les environs de Syrte par les rebelles libyens, puis lynché et tué. Trois jours avant le début de l'intervention française, le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, accusait Nicolas Sarkozy d'avoir reçu de l'argent de la Libye pour financer sa campagne présidentielle en 2007. «Tout d'abord, il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l'on demande à ce clown, c'est de rendre l'argent au peuple libyen», avait-il affirmé.
Depuis, plusieurs personnalités françaises et libyennes sont soupçonnées d'avoir joué les intermédiaires entre Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy. L'ex-secrétaire général de l'Elysée puis ministre de l'Intérieur Claude Guéant, un proche de Nicolas Sarkozy, a notamment été accusé par le «porteur de valises», l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, d’avoir réceptionné cinq millions d'euros en provenance de Mouammar Kadhafi entre novembre 2006 et début 2007.
Des personnalités françaises et libyennes au cœur de l'enquête
L'ancien Premier ministre libyen puis ministre du Pétrole Choukri Ghanem a lui été retrouvé mort noyé dans le Danube en 2012. Dans un carnet supposé lui appartenir et révélé par Mediapart, il retraçait au moins trois versements différents en provenance de trois personnalités libyennes, pour un total de 6,7 millions d'euros. Le carnet fait aussi état d'une réunion s'étant tenue le 29 avril 2007, soit pendant l'entre-deux-tours de la présidentielle, au cours de laquelle l'équipe de Nicolas Sarkozy aurait fait état d'une impatience toute particulière concernant le versement des fonds.
L'homme d'affaires français Alexandre Djouhri a été interpellé le 7 janvier 2018 à Londres. Intermédiaire financier, familier des réseaux de la droite française et proche de Nicolas Sarkozy, il est au cœur de l'enquête ouverte à Paris en 2013, mais il ne répondait pas jusqu'alors aux convocations des enquêteurs.
Sa présomption de culpabilité au sujet du dossier libyen se précise...
Dans notre monde où l’information circule à la vitesse de la lumière, il se produit des télescopages douloureux. Ainsi en est-il de l’actualité de Nicolas Sarkozy, notre ancien président de la République dont tout prouve, quoi qu’il en dise, qu’il aimerait bien le redevenir.
Nicolas Sarkozy donc, un homme balayé par les électeurs. Les Français en général, en 2012, puis ceux de son propre camp, puisqu’il n’a pas franchi la barre des primaires des LR à l’automne 2016. Mais il est là, tire dans l’ombre les ficelles des marionnettes qui s’agitent sur le devant de la scène et, toujours aussi amoureux du « bien vivre », s’offre à l’étranger des conférences à six chiffres. La dernière, chez ses amis d’Abou Dabi, où il évoquait son goût pour un leadership « musclé ». À ce propos, son ancien conseiller Maxime Tandonnet ne tarissait pas d’éloges dans Le Figaro, vantant la hauteur de vue de l’ex-chef de l’État qui affirmait : « Si l’Afrique ne se développe pas, l’Europe explosera. Ce n’est pas un sujet populiste, c’est un sujet tout court. »
À quel degré d’indigence faut-il que nous soyons rendus pour voir dans cette vérité d’évidence le phare de la pensée !
Que M. Tandonnet s’extasie – « Un tel discours à caractère géostratégique, tenant compte des réalités démographiques et économiques sur le long terme, illustre ce que doit être une vision d’homme d’État », écrit-il – dans un bel exercice de service après-vente témoigne de la flagornerie en vigueur dans ce milieu. Car, sauf à être aveugle, on ne saurait exonérer Nicolas Sarkozy de sa responsabilité dans le déferlement des miséreux sur notre continent. Une Afrique qui se déverse par une Libye livrée aux bandes armées après que nos « chefs de guerre », BHL et Sarkozy, eurent décidé de la libérer de son encombrant dictateur pour s’engager sur le chemin vertueux de la démocratie…
Un Kadhafi qui avait trop bien servi peut-être et dont il était plus qu’urgent de se débarrasser.
Mais les années passent, les affaires demeurent et le dossier libyen est en train de rattraper l’ancien chef de l’État. Au moment de rédiger ce texte, Nicolas Sarkozy est en garde à vue, entendu dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre sur les soupçons de financement, par la Libye, de sa campagne présidentielle de 2007.
Trois ans et demi que les juges enquêtent, deux pas en avant, un pas en arrière, dans la forêt de chausse-trapes qu’on leur tend entre sociétés-écrans, holdings douteuses et témoins réfugiés à l’autre bout de la planète, quand ils ne sont pas carrément passés de vie à trépas. Et difficile, ici, d’accuser Poutine de les avoir « suicidés » au gaz sarin… Deux des témoins clés de cette affaire sont, en effet, en très piteux état : Béchir Saleh, l’ex trésorier de Kadhafi réfugié à Johannesburg depuis 2012, a malencontreusement pris une balle, et le très sulfureux Alexandre Djouhri, arrêté à Londres en janvier dernier, a le cœur qui lâche. Un homme de 59 ans à la santé soudain devenue fragile. De là à penser ce que ces deux-là pourraient connaître le même sort que Choukri Ghanem, l’ancien ministre du Pétrole libyen et de ses financements douteux, le gardien des secrets du régime retrouvé noyé dans le Danube en 2012, il n’y a qu’un pas…
Si j’étais Ziad Takieddine, je me méfierais ; tout comme Abdallah Senoussi, l’ancien directeur du renseignement militaire du régime libyen, qui ont tous deux témoigné avoir rapatrié cinq millions d’euros en liquide, de Tripoli à Paris, afin de les remettre à Claude Guéant pour Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Le Monde revient, aujourd’hui, sur les trois ans et demi d’enquête « à travers des circuits financiers fuligineux » et s’interroge sur ce qui a permis cette nouvelle avancée dans le dossier. On peut, en tout cas, saluer la ténacité des magistrats, sachant que l’entourage de Nicolas Sarkozy a tout fait pour entraver l’enquête, bénéficiant chaque fois d’informations qui lui permettaient d’en entraver le cours.
Marie Delarue