Après la sortie du Président Emmanuel Macron établissant de manière surprenante un lien entre le boom démographique en Afrique (« 7 à 8 enfants par femme ») et les difficultés de stabilisation financière des économies africaines, c’est au tour des parlementaires de pays de l’Afrique de l’Ouest de marteler leur volonté de limiter les naissances.
Agiter la question du taux de fécondité comme solution à la lutte contre la pauvreté, près de deux siècles après l’économiste britannique Malthus, traduit un aveu d’échec des stratégies de développement. En effet, la théorie de l’économiste est critiquable pour plusieurs raisons :
1) L’idée que la progression démographique plus rapide que l’augmentation des ressources créé la paupérisation est discutable. Malthus n’avait pas, à l’époque, les rudiments pour valoriser des ressources. Au XXIe siècle, ces dernières s’apprécient plus en termes d’innovations industrielles, de productivité agricole et de nouvelles technologies de l’information et de la communication.
2) Le potentiel démographique est devenu aujourd’hui non plus une contrainte mais un atout (consommation et force de travail) ; l’exemple des dix pays les plus peuplés du monde qui font partie des nations qui comptent nous le confirme. Dans les sociétés africaines, le nombre d’enfants peut représenter une garantie pour la famille en termes de retraite et de sécurité sociale.
3) En ce XXIe siècle où le religieux reprend sa place, des thèses tendant à culpabiliser les pauvres ou à remettre en cause le devoir sacré de procréation sont à proscrire. Un livre universel, le Coran, ne dit-il pas, dans la sourate 17 verset 31 : « Et ne tuez pas vos enfants par crainte de pauvreté ; c’est Nous qui attribuons leur subsistance, tout comme à vous. Les tuer, c’est vraiment un énorme péché. »
L’Afrique peut-elle se permettre de suivre un continent européen dont le processus de vieillissement de la population inhibe les capacités à entreprendre et à innover, qui sont des moteurs importants de croissance économique ?
La persistance de la pauvreté sur le continent résulte, à notre avis, moins d’un taux de fécondité élevé que de dysfonctionnements économiques :
– des taux de croissance annoncés souvent peu conformes à la réalité du fait de statistiques manipulées, parfois pour des raisons politiques, avec la complaisance de certains organismes internationaux ; le continent aurait pu mieux faire, avec des politiques économiques plus vertueuses, en mettant un terme à l’énorme gaspillage de ressources publiques et en stoppant les flux illicites de capitaux en partance pour les paradis fiscaux (50 milliards de dollars annuel selon l’Union africaine) contre une aide au développement estimée à 46 milliards de dollars par an ;
– l’absence d’équité dans les stratégies d’allocation des budgets nationaux.
Les partenaires de l’Afrique devraient éviter de lui imposer des solutions aux antipodes de son vécu civilisationnel.
Magaye Gaye