Le canon électromagnétique (ou Railgun) développé depuis 2005 par l’Office of Naval Research [ONR], va bientôt franchir un nouveau palier : cette nouvelle arme, qui promet de révolutionner l’artillerie, est en effet prête pour une série de tests opérationnels sur le polygone de tir du Naval Surface Warfare Center de Dahlgren, en Virginie. L’annonce a été faite à la fin du mois dernier par le centre de recherche de la marine américaine.
Des tirs à répétition ont déjà été effectués avec ce canon électromagnétique mais à de faibles niveaux d’énergie. Là, il est donc question de passer à la vitesse supérieure, avec des tirs à 20 mégajoules d’ici la fin de cet été, puis à 32 mégajoules l’an prochain. « Pour mettre cela en perspective, un mégajoule est équivalent à un véhicule d’une tonne qui se déplace à 160 miles à l’heure [258 km/h] », explique l’ONR.
Il n’y a pas encore si longtemps, faire tirer une salve de projectiles à ce canon électromagnétique était compliqué, en raison de l’usure prématurée de ses composants, causées par les contraintes physiques inhérentes à chaque tir, ce qui a retardé ce programme (l’ONR envisageait d’effectuer des tests à bord JHSV (Joint high speed vessel) USNS Millinocket en 2016, ndlr)
Pour rappel, le principe de cette arme consiste à faire circuler un courant électrique très intense couplé à un champ magnétique entre deux rails parallèles conducteurs d’électricité. Grâce à la force de Laplace, résultante de celle de Lorenz, l’obus, appelé « high-velocity projectile » (HVP) subit une forte accélération qui l’éjecte du canon à une vitesse d’au moins cinq fois la vitesse du son (Mach 5) et l’envoie à une distance de près de 200 km.
Dans son communiqué, l’ONR précise que « le système d’alimentation [électrique] de l’arme est maintenant assez petit pour être installé à bord des navires actuels et futurs de la marine américaine ». Et d’ajouter que ces systèmes, quand ils seront arrivés à maturité, permettront de disposer de navires de guerre « beaucoup plus » efficaces.
« Le railgun et les armes à énergie dirigée sont l’avenir de la supériorité maritime », a commenté le Dr Thomas Beutner, responsable du département « Naval Air Warfare and Weapons » de l’ONR. « La marine américaine doit être la première à exploiter cette technologie de pointe pour garder l’avantage sur nos adversaires », a-t-il ajouté.
Le canon électromagnétique ne manque pas d’atouts. Sa puissance et sa précision (grâce au HVP, qui, développé par BAE Systems, peut être guidé vers sa cible), permet de frapper à une distance de sécurité, ce qui évite toute riposte. En outre, il ne sera plus utile de stocker des explosifs à bord d’un navire, ce qui est appréciable pour la sécurité. Enfin, son coût est raisonnable : un tir coûtera au maximum 50.000 dollars contre 0,5 à 1,5 million pour un tir de missile.
Outre l’ONR, le groupe General Atomics, connu pour ses drones Predator et Reaper, travaille également à la mise au point d’un canon électromagnétique. Ce dernier, qui, appelé « Multi-Mission Medium Range Railgun Weapon System » (MMRRWS), affiche une puissance de 10 mégajoules, doit faire l’objet d’essais au Dugway Proving Ground, une zone servant à l’US Army pour tester ses nouveaux systèmes d’armes.
Cette technologie est regardée de près par l’US Army. « Mon opinion de professionnel est que nous sommes à la veille d’un changement fondamental dans la guerre terrestre », avait estimé le général Mark Milley, son chef d’état-major, en 2016, en évoquant le canon électromagnétique, l’intelligence artificielle, les lasers et la robotique.