La Tessinoise Carla Del Ponte a annoncé dimanche par surprise qu'elle allait démissionner de la Commission d'enquête des Nations unies sur la Syrie. L'ancienne procureure de la Confédération estime qu'il n'existe «aucune volonté politique» pour soutenir cette commission. Elle quittera l'instance de l'ONU d'ici à fin septembre.
«J'ai décidé de présenter ma démission. J'ai déjà préparé ma lettre», a-t-elle déclaré lors d'une table ronde en marge du Festival du film de Locarno. «Je suis résignée», a lancé l'ancienne procureure générale des Tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR).
«Je signerai et enverrai cette lettre dans les prochains jours. C'est irrévocable. J'y pensais depuis un moment», a-t-elle précisé. «Je participerai encore à la session du Conseil des droits de l'homme en septembre à Genève puis je m'en vais».
Carle Del Ponte a en particulier critiqué la décision de l'Assemblée générale de l'ONU de mettre en place à la tête du mécanisme sur la Syrie une personne sans expérience de procureur. «Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase», a-t-elle affirmé.
«En raison du manque de volonté politique, la commission ne peut rien faire pour obtenir justice, elle n'a aucun futur», juge-t-elle. Interrogée sur les responsabilités dans la crise en Syrie, Mme Del Ponte a pointé le rôle de la Russie qui soutient le régime Assad et fournit «toutes les armes nécessaires pour la guerre».
«On pensait avoir fait des progrès avec l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, mais maintenant on est revenu au point de départ. Pour le tribunal sur l'ex-Yougoslavie, il y avait en particulier le fort soutien des Etats-Unis».
«Croyez-moi, des crimes horribles comme ceux commis en Syrie, je n'en ai pas vus au Rwanda, ni dans l'ex-Yougoslavie», a-t-elle affirmé.
L'ancienne magistrate suisse, âgée de 70 ans, était membre depuis septembre 2012 de cette commission d'enquête indépendante créée sous les auspices du Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations unies. La commission a été créée le 23 août 2011. Elle est composée de quatre commissaires. Elle a publié jusqu'ici une douzaine de rapports semestriels très critique sur la situation en Syrie, mais n'a jamais été autorisée par Damas à se rendre sur place.
Les enquêteurs ont plusieurs fois dénoncé des crimes de guerre et exigé que les responsables soient poursuivis. En vain jusqu'ici. La commission onusienne, dirigée par le Brésilien Paulo Pinheiro, a aussi recommandé la création d'un tribunal international sur la Syrie tout en étant favorable à une cour nationale dans ce pays.
En septembre 2015, Carla Del Ponte avait déjà critiqué l'inaction du Conseil de sécurité, parlant d'une «honte». La Tessinoise a régulièrement dénoncé l'impunité totale en Syrie et exprimé sa frustration dans sont travail.
Elle était par ailleurs partisane de négociations avec le président Bachar el-Assad. «Si nous voulons un succès des négociations, il faut discuter avec le président du pays», déclarait-elle en mars 2015. Elle donnait en exemple les accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre dans l'ex-Yougoslavie en 1995. Le président serbe Slobodan Milosevic, pourtant accusé de crimes de guerre, y avait participé.
ATS