E. Macron n'aime pas la contradiction, mais l'autoritarisme
En annonçant un plan d’économies drastique pour l’enseignement supérieur et la recherche sur l’année 2017 (331 millions d’euros), le gouvernement risque fort, à la prochaine rentrée, de mettre le feu aux poudres dans des universités qui, pour la plupart, tirent déjà le diable par la queue. Quant aux 75 millions d’euros que le ministre de l’Éducation nationale doit soustraire de son budget, ils augurent mal du sort réservé à l’enseignement dans le programme présidentiel.
Ce n’est pas en se contentant de serrer les cordons de la bourse pour satisfaire aux critères de Maastricht qu’Emmanuel Macron redonnera aux Français la confiance nécessaire pour aller de l’avant. Une fois de plus, Bercy dicte sa loi : l’on sait les rapports privilégiés que le président de la République entretient avec ce ministère dont il est issu.
Ces décisions, d’autant plus abruptes qu’elles ont été prises sans aucune concertation préalable, révèlent, semble-t-il, une tendance d’Emmanuel Macron à l’autoritarisme. On en trouve un autre exemple dans la façon dont il vient d’humilier le chef d’état-major des armées. Il n’aime pas la contradiction : il vient de le prouver encore.
Le général Pierre de Villiers, comme c’est son devoir, avait expliqué ses inquiétudes devant la représentation nationale, disant crûment qu’il refusait de se faire « baiser » par Bercy. Jamais il n’a mis en cause la personne du président de la République, alors qu’il aurait pu trouver mille raisons de le faire.
Emmanuel Macron avait-il besoin de déclarer, la veille du 14 Juillet, en visant le chef d’état-major : « J’aime le sens du devoir, j’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées là où elles sont aujourd’hui. Et ce que j’ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l’admets encore moins quand il s’agit des armées » ? C’est le propre des faibles de s’enfermer dans leurs certitudes et de jouer aux Matamore sous le rempart de leur fonction.
J’veux pas le savoir ! Silence dans les rangs ! Emmanuel Macron ne se comporte-t-il pas comme un adjudant d’opérette ? Les vrais adjudants de terrain me pardonnent !
L’armée poursuit donc ses opérations extérieures sans moyens suffisants : le matériel s’use et ne peut être remplacé, faute de crédits, les hommes s’usent, leurs familles aussi. Il ne suffit pas, pour protéger les Français, de faire de la communication et de poser devant des photographes en s’affichant sur un sous-marin nucléaire ou en remontant les Champs-Élysées sur un véhicule léger de reconnaissance et d’appui : c’est d’un engagement de la nation à ses côtés que l’armée a besoin !
Dans le domaine de l’enseignement et de la recherche, des économies peuvent sans doute être réalisées. Ne serait-ce qu’en supprimant tous ces comités Théodule qui alimentent surtout le porte-monnaie de prétendus experts. Ou en s’attaquant au scandale de l’échec à l’université par une orientation intelligente ou une sélection fondée sur les talents et le mérite.
En attendant, malgré les recrutements opérés sous le quinquennat de François Hollande, les professeurs manquent, tous les postes ne sont pas pourvus aux concours, des étudiants ne trouvent pas de place dans les universités alors qu’on leur a rabâché, pendant des années, que hors de l’enseignement supérieur, point de salut.
Tout se passe comme si Emmanuel Macron servait l’Europe avant de servir la France. S’il nourrit de grandes ambitions, c’est surtout pour lui-même et pour ce qu’il faut bien appeler la finance internationale. Au détriment de beaucoup de Français, qu’ils lui aient ou non fait confiance, et, surtout, de cette classe moyenne qu’il s’apprête à dépouiller.
Après l’état de grâce viendra le temps de la révolte.
Silence dans les rangs, je suis votre chef…
« Je suis votre chef. » C’est ce qu’a rappelé Emmanuel Macron aux militaires le 13 juillet au soir, lors du traditionnel cocktail dans les jardins de l’hôtel de Brienne, résidence du ministre des Armées. Comme si un seul militaire pouvait en douter un seul instant !
Le portrait du chef de l’État, chef des armées, ne trône-t-il pas dans les bureaux des commandants de régiments, de bateaux et de bases aériennes ? Ces chefs de corps ne reçoivent-ils pas leur commandement « de par le président de la République », formule antique héritée de notre monarchie.
Le fanion de la voiture du Président n’est-il pas cravaté de blanc, symbole du commandement suprême, ce fameux panache blanc d’Henri IV, cette couleur blanche qui est aussi celle des culottes des cavaliers de la Garde, lorsqu’ils rendent les honneurs au chef de l’État ? Les étendards et drapeaux ne s’inclinent-ils pas au passage du Président ? Le palais de l’Élysée n’est-il pas aussi une caserne dans laquelle le chef des armées travaille, décide, réside (pas toujours), entouré, protégé par la Garde, comme un très lointain héritage de ces rois francs, hissés sur le pavois par leurs guerriers, au fond de la forêt germanique, et dont le palais se résumait à une hutte sommaire ?
« Je suis votre chef » : une phrase de trop et qui évoque ces propos lorsque la virilité fait son apprentissage dans les cours de récréation : « C’est moi le chef ! »
Ainsi donc, Emmanuel Macron a voulu répliquer aux déclarations du chef d’état-major des armées, le général de Villiers, au sujet de la coupe sèche dans le budget de la Défense. Une réplique cinglante, immédiate, à l’occasion d’un cocktail où, en général, il est de tradition de ne dire que des choses qui plaisent. « J’aime le sens du devoir. J’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées où elles sont aujourd’hui », a déclaré Emmanuel Macron. Sous-entendu : le général de Villiers ne serait pas un homme de devoir ? On pourra, peut-être, apprécier le ton quasi militaire. Le chef d’état-major des armées pousse un coup de gueule ; eh bien, le chef des armées donne un coup de menton ! L’humiliation comme mode de commandement ? Pas certain que ça passe très bien chez les militaires.
Mais au-delà des postures, la question – la seule question qui vaille – est de savoir si cette coupe sèche met en péril la sécurité de la France. Évidemment oui, si l’on se place dans le temps qui doit être celui d’un chef de l’État, c’est-à-dire celui du long terme, et non celui de la petite semaine. C’est le sens du coup de gueule du général de Villiers qu’il n’a pas lancé n’importe où, contrairement à ce que laisse entendre le Président Macron en déclarant : « Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. » Car c’est devant les membres de la représentation nationale – en l’occurrence la commission de la Défense – que le général de Villiers s’est exprimé, comme son devoir le lui commande en tant que haut responsable militaire. Doit-on en déduire qu’il aurait été digne que le général de Villiers mente devant la représentation nationale pour plaire au prince ? À noter que le président (LREM) de la commission de la Défense, Jean-Jacques Bridey, a déclaré qu’il regrettait le choix du Président d’imposer cette coupe de 850 millions dans le budget de la Défense. Si les godillots de l’Assemblée se joignent aux brodequins des armées…
Le chef d’état-major des armées est un « technicien » de la défense. Son devoir est de dire si les moyens qui sont alloués aux armées sont suffisants pour assurer la sécurité de la France, non seulement aujourd’hui, mais demain. Le devoir du chef de l’État est de donner ces moyens aux armées.
Georges Michel
Colonel à la retraite
Philippe Kerlouan