Un réseau de 18 prisons secrètes au Yémen a été découvert par l'agence AP. 2 000 prisonniers soupçonnés de liens avec Al-Qaïda seraient détenus et torturés dans ces centres financés et utilisés par Abou Dhabi, avec l'aide des Etats-Unis.
L'agence Associated Press a révélé le 22 juin l'existence de 18 prisons secrètes dans le sud du Yémen qui forment un vaste réseau de centres clandestins de détention financés et utilisés par les Emirats arabes unis et les forces armées yéménites loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi. Selon AP, près de 2 000 personnes soupçonnées de terrorisme y subissent les pires sévices et les tortures les plus brutales.
Le rapport d'AP, qui s'appuie sur des dizaines de témoignages anonymes de responsables américains et yéménites, d'anciens détenus, de proches de prisonniers et d'avocats, a dévoilé que ces prisons secrètes avaient été installées dans des bases militaires, des navires, des ports, des aéroports, des villas privées et même dans une discothèque. Une prison existerait aussi de l'autre côté de la mer Rouge, en Erythrée.
Selon l'investigation de l'agence de presse, l'armée américaine fournit des listes de questions à poser aux détenus et reçoit en retour des transcriptions des interrogatoires, rendant les Etats-Unis complices des actes de tortures. Des experts américains ont même été directement impliqués dans certains de ces interrogatoires, selon plusieurs témoignages recueillis par AP. Aucunes des sources citées par l'agence n'a toutefois confirmé une participation des Américains aux exactions et à la torture pratiquée contre des prisonniers.
Le porte-parole du Pentagone a nié être au courant de l'existence de ces prisons, et les autorités émiraties ont démenti l'emploi de la torture au sein de ces installations.
«A deux doigts de la mort» : des prisonniers d'Al-Qaïda enfermés et torturés
Les prisons secrètes exploitées par les Emirats arabes unis seraient destinées à des membres présumés de l'organisation terroriste Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Cette branche locale d'Al-Qaïda a profité du chaos provoqué par la guerre civile yéménite pour renforcer sa présence dans le pays.
D'anciens détenus ont ainsi témoigné avoir été enfermés dans des conteneurs maritimes (des caissons métalliques utilisés pour le transport de marchandises), fouettés avec du fil de fer barbelé, attachés sur une broche suspendue au-dessus d’un cercle de flammes, entre autres exemples.
Certaines personnes ont également expliqué à AP que «presque tous les détenus [étaient] malades» et que beaucoup d'entre eux se trouvaient «à l'article de la mort». Ils ont ajouté que si un prisonnier se plaignait de ses conditions de détention, il était alors emmené directement «dans la chambre de torture».
Depuis l'intervention lancée au Yémen en mars 2015 par une coalition militaire arabe sous commandement saoudien pour contrer les rebelles chiites houthis, toutes les médiations de l'ONU et sept accords de cessez-le-feu ont échoué à mettre fin au conflit. Celui-ci a fait en deux ans plus de 8 000 morts et 45 000 blessés, dont plus de la moitié de civils, selon l'ONU.