Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 2 mai 2017

Le SRC présente son rapport annuel 2017




Rapport de situation du SRC


90 personnes à risque pour la sécurité nationale

C'est dans une salle de presse bien remplie que le conseiller fédéral Guy Parmelin est venu présenter à Berne le rapport annuel 2016 du Service de renseignement (SRC) mardi. En effet, plusieurs médias allemands étaient présents suite à l'arrestation d'un espion suisse à Francfort, un espion accusé d'avoir travaillé pour le SRC. Pas de chance pour eux: le Vaudois s'est refusé d'emblée à tout commentaire.

L'accusé, en détention préventive, «est soupçonné d'avoir investigué pour le compte du SRC sur des enquêteurs fiscaux allemands illégaux en Suisse», a indiqué son avocat dans l'émission «Rendez-vous» de la SRF. Il n'a toutefois pas dit si le SRC était effectivement son ou l'un de ses employeurs.

Le ministre de la défense a refusé de commenter les rumeurs concernant cette arrestation tant que l'enquête est en cours. «Il y a une procédure judiciaire en cours. Je n'ai aucun donc commentaire à faire», a-t-il déclaré devant les médias, dans le cadre de la présentation du rapport annuel du SRC.

Il a toutefois tenu à rappeler que «le SRC a pour mission de détecter les problèmes afin de permettre à la Confédération d'intervenir à temps» et qu'il agit «dans le respect des lois en vigueur pour protéger la Suisse et ses habitants».

Une fois les choses éclaircies, Guy Parmelin a dressé le radar de la sécurité en Suisse. Un radar qui a repéré 497 internautes dans le cadre d'un monitoring djihadiste, dont 90 personnes à risque. «Elles sont déjà connues du SRC. Il n'y a pas de changement de pratique dans le traitement de leur dossier», a indiqué de son côté le directeur du SRC Markus Seiler. Cette statistique sera actualisée tous les 6 mois, dans un souci de transparence et de clarté, et également pour servir de comparaison avec les pays voisins.

Rien à voir toutefois avec une quelconque forme de fichage. On ne peut pas comparer avec le fameux fichier «S» utilisé en France, qui est un instrument «faible» en termes de contrôle qualité, dépassé, et pas adapté aux lois suisses, estime Markus Seiler. Mais c'est un élément parmi d'autres qui peut servir pour construire un dossier.

Convertis et migrants

Qui sont ces 90 personnes? «Des Suisses convertis, des personnes avec un parcours migratoire, majoritairement des hommes, plutôt jeunes», a précisé Markus Seiler. Vivant principalement dans des agglomérations périurbaines, ils se répartissent sur tout le territoire, de Genève à Bâle en passant par le Tessin.

Quant aux 500 autres «djihadistes virtuels» actifs sur le web, il s'agit surtout de personnes qui fréquentent des pages sur l'islamisme radical ou violent, qui postent des commentaires ou affichent un soutien aux activités djihadistes. Le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure pénale dans 60 cas.

Moins de voyages

Les voyages du djihad à proprement parler ont quant à eux baissé, se sont félicités Guy Parmelin et Markus Seiler. Le SRC n'a pas enregistré de nouveau départ depuis la Suisse vers une zone de conflit depuis août 2016. Le nombre de personnes de retour de Syrie ou d'Irak est aussi constamment en baisse depuis 2015. Depuis 2001, 88 cas ont été recensés au total. Quatorze sont rentrés en Suisse, certains ont été condamnés, puis libérés.

Des djihadistes utilisent la Suisse comme pays de transit, note aussi le SRC dans son rapport. De tels passages sont attestés en relation avec plusieurs actes terroristes, comme celui de Saint-Etienne-du Rouvray en France en juillet 2016.

Pas interdit d'être un nazi

L'extrémisme politique fait aussi partie des thèmes du SRC. Les événements liés à l'extrémisme de droite sont rares, ceux liés à l'extrême gauche élevés, indique le rapport. Il faut toutefois empêcher que la Suisse gagne en attrait comme lieu d'organisation de concerts et autres manifestations.

Le SRC a ainsi été régulièrement critiqué pour ne pas avoir réussi à empêcher des concerts de néonazis, comme celui d'Unterwasser (SG) en octobre dernier. «En Suisse, il n'est pas interdit d'être néonazi», a lancé Markus Seiler. De toute façon, seules les autorités cantonales peuvent agir et interdire une manifestation si l'ordre public est menacé, par exemple.

Il n'y a en revanche pas eu d'activisme d'extrême droite contre des centres d'asile, comme en Allemagne. Mais la même question de la migration peut activer l'extrême gauche, rappelle le SRC. Les actes de sabotage ciblés visant à empêcher des expulsions de migrants ont augmenté.

Pour le reste, les situations de crise dans le monde font peser toujours plus de risques sur la sécurité, aussi en Suisse. Brexit, élection de Donald Trump aux Etats-Unis, réforme constitutionnelle en Turquie et cyberguerre - comme l'attaque informatique sur RUAG - ont encore aggravé les perspectives, dit le SRC.

Pour revenir sur l'arrestation du Suisse à Francfort 

D'une manière générale, la Suisse est régulièrement la cible de cyberattaques ou de tentatives de recrutements de collaborateurs par des services étrangers, dans les banques, les PME, la recherche. Le SRC, actif aussi bien en Suisse qu'à l'étranger, doit donc protéger ses méthodes et ses sources.

Interrogé sur d'éventuels dommages politiques liés à cette affaire, le ministre de la défense a botté en touche. «Nous sommes régulièrement en contact avec l'Allemagne, un pays voisin et ami, sur plein de sujets.»

Mais d'une manière générale toujours, a précisé le directeur du SRC Markus Seiler, le domaine du renseignement n'est pas un monde de bisounours. Chaque service agit selon les directives des autorités de son pays et dans le cadre de ses propres lois. On ne ment pas forcément, mais on ne dit pas tout.

Arrêté vendredi

L'accusé a été arrêté vendredi après des soupçons selon lesquels il travaillait depuis cinq ans pour le service de renseignements d'une puissance étrangère, avait annoncé vendredi le procureur fédéral allemand à Karlsruhe, sans mentionner d'autres éléments. L'homme de 54 ans avait été placé en détention préventive le même jour.

Le Département des affaires étrangères (DFAE) a indiqué qu'il était au courant de l'arrestation d'un citoyen suisse en Allemagne, sans donner d'autres informations, invoquant la protection des données. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a seulement dit avoir pris connaissance de l'annonce du procureur fédéral allemand.

Des CD achetés

De son côté, le ministre des finances de Rhénanie du nord-Westpahlie, Norbert Walter-Borjans, a déclaré au journal Rheinische Post que le gouvernement du Land ne se laissera pas intimider. L'administration fiscale acquiert des CD contenant des informations bancaires de personnes soupçonnées de fraude parce qu'elle ne peut pas démêler autrement ces cas, a-t-il ajouté.

Depuis janvier 2006, plusieurs Lands allemands, comme la Rhénanie du nord - Westphalie, ont acheté ces CD ou clés USB avec ces données, qui provenaient de Suisse ou du Liechtenstein. Cette méthode avait soulevé la polémique en Allemagne et suscité des brouilles dans les relations entre Berne et Berlin.


Egger Ph.