vendredi 31 mars 2017
Sid Ahmed Ghlam a été ciblé par la justice algérienne 4 mois avant l'attentat avorté de Villejuif
La mort d’Aurélie Châtelain aurait-elle pu être évitée ?
Le suspect numéro un de l'attentat avorté de Villejuif en avril 2015, Sid Ahmed Ghlam, était visé par une enquête judiciaire et un mandat d'arrêt en Algérie pour activités terroristes depuis décembre 2014, selon des sources proche du dossier.
La justice algérienne avait Sid Ahmed Ghlam dans son collimateur plusieurs mois avant qu'il ne tente de commettre un attentat contre une église à Villejuif (Val-de-Marne). Cette information est apparue dans des éléments transmis par les autorités d'Alger et récemment versés à l'enquête menée à Paris par les juges d'instruction, ont expliqué ces sources.
D'après les documents remis par la justice algérienne à l'enquête française, un juge d'instruction du tribunal de Tiaret, ville natale de Ghlam, avait signé un mandat d'arrêt contre le jeune homme le 25 décembre 2014 pour «appartenance à un groupe terroriste actif à l'étranger», explique une source proche du dossier à l'AFP. Sur le document apparaît son statut d'«étudiant» à la «faculté de la Sorbonne» à Paris, précise la même source.
D'après ces éléments, des renseignements étaient parvenus le 17 décembre à la justice algérienne sur le départ d'un jeune homme originaire de Tiaret vers la zone irako-syrienne pour rejoindre l'organisation djihadiste Etat islamique (EI), raconte aussi la source. Ce suspect apparaissait en lien direct avec Sid Ahmed Ghlam.
Sid Ahmed Ghlam, étudiant à Paris alors âgé de 22 ans, avait lui-même appelé les secours, blessé par balle, avant que la police ne découvre son arsenal. L'enquête montre qu'il était probablement missionné ce jour-là depuis la Syrie pour commettre un attentat, en visant une église. Il est mis en examen pour assassinat terroriste en France et écroué.
Arrivé sur le sol français en 2009 pour y suivre des études, alors qu'une partie de sa famille vivait à Saint-Dizier (Haute-Marne), Ghlam avait été signalé aux services de renseignement français en novembre 2014, après des confidences de son petit frère à son instituteur.
Il avait ensuite été contrôlé à l'aéroport de Roissy le 3 février 2015, au départ d'un vol pour Istanbul, d'où il était revenu dix jours plus tard. Il ne faisait pas l'objet d'une enquête judiciaire en France.
L'attentat prévu par Ghlam dans une église de Villejuif n'avait pas été commis mais une professeure de fitness de 31 ans, Aurélie Châtelain, avait été retrouvée morte, tuée par balle, dans son véhicule garé dans cette commune du Val-de-Marne.
Compte tenu des rapports étroits entre les services français et algériens, on ne peut imaginer que les services français n’aient pas été prévenus de ce mandat à son encontre.
Pourtant, aucune expulsion de l’intéressé ni extradition n’a lieu. Pourquoi ? Première faille dans ce dossier. Ensuite, il est contrôlé à l’aéroport de Roissy le 3 février 2015, au départ d’un vol pour Istanbul, d’où il revient dix jours plus tard. Il n’est pas arrêté car il ne fait alors l’objet d’aucune enquête judiciaire en France. Un peu fort de café, tout de même ! Si un délit de « départ pour le djihad » avait existé, comme l’a proposé le Sénat au mois de juin 2016, il aurait été interpellé dès son retour. Seconde faille dans le dispositif.
Que s’est il passé entre le 13 février et le 19 avril 2015, date de la tentative d’attentat contre l’église de Villejuif et de l’assassinat d’Aurélie Châtelain ? Des repérages des lieux par Ghlam, ça, on le sait, mais des repérages de Ghlam par les services de renseignement, ça, on en doute.
Alors, un mensonge par omission de plus de la part de Bernard Cazeneuve, mais aussi du chef de la DGSI qui, tous deux, se sont bien gardés d’évoquer cet épisode de la procédure judiciaire algérienne qu’ils ne pouvaient ignorer lors de leurs auditions devant la commission d’enquête parlementaire ? Celle-ci avait révélé d’autres failles, mais pas celle-là, qu’elle ne pouvait connaître. Suite à la publication du rapport de la commission d’enquête le 5 juillet 2016, dix-sept familles de victimes du Bataclan ont décidé de porter plainte contre l’État pour ne pas avoir empêché le passage à l’acte, certains terroristes se trouvant sous contrôle judiciaire. Si j’étais l’avocat de la famille Châtelain, je lui conseillerais aussi de déposer plainte contre l’État pour avoir manifestement manqué à sa charge.