L'héritière de la P26 blanchie
Tribunal militaire 2 (région Suisse romande) se tient à l'Hôtel de Ville d’Yverdon. Ici, l'arrivée de trois des cinq coaccusés avec leurs défenseurs d’office. Image: Keystone
Le Tribunal militaire 2 à Yverdon-les-Bains (VD) a condamné vendredi à des jours-amendes avec sursis quatre des cinq militaires renvoyés en justice. Il les a libérés des principales accusations qui leur étaient reprochées, mais a eu des mots durs pour leur mauvaise gestion de la munition.
Pas d'escroquerie par métier, ni d'abus de confiance aggravé: le président a écarté les accusations les plus graves, ne retenant pour l'essentiel que le faux dans les documents de service et l'inobservation des prescriptions de service. Le principal accusé, un lieutenant-colonel renommé dans le monde du tir, écope de 120 jours-amendes à 200 francs, plus une amende immédiate de 2000 francs.
Trois de ses coaccusés sont condamnés à des peines allant de 30 à 60 jours-amendes. Toutes les sanctions sont assorties du sursis. Le cinquième accusé, un lieutenant-colonel d'état-major, est acquitté. On ne peut le rendre directement responsable de la surveillance de la munition, même si la Cour a fustigé «la légèreté de cette surveillance».
Recours annoncé
L'affaire a trouvé son premier épilogue après plusieurs années d'instruction qui ont débouché sur une dizaine de classeurs fédéraux de documents. Mais elle ne devrait pas en rester là: après cette «victoire d'étape», Me Robert Assaël, avocat d'un adjudant, a annoncé vouloir faire appel. Les autres défenseurs attendent les motivations écrites détaillées avant de se prononcer.
Pour rappel, le quintet était soupçonné d'avoir utilisé à son profit des munitions et des places de tir de l'armée - à la Montagne de Lussy et à L'Hongrin notamment - pour y dispenser des cours privés, par le biais d'une association. Ces activités auraient généré près de 800'000 francs de recettes.
L'oeuvre d'une vie
Le tribunal a considérablement relativisé la noirceur du tableau. Il a reconnu le savoir-faire «exceptionnel» et la «totale dévotion à sa mission» du lieutenant-colonel qui est au coeur de ce procès. L'instruction de tir est «l'oeuvre de sa vie».
Il a aussi rappelé que les activités de l'association ne se déroulaient pas en grand secret. La hiérarchie était souvent au courant. «Il n'y a pas eu d'astuce», a dit le président qui a critiqué «le caractère lacunaire des contrôles d'Armasuisse», l'Office fédéral de l'armement.
Munitions tirées ou non
La Cour a toutefois épinglé quatre des accusés pour leur mauvaise gestion des munitions, à savoir la pratique qui consistait à considérer comme tirée de la munition qui ne l'était pas. Les documents produits à cette occasion sont donc des faux.
D'une manière générale, le tribunal a estimé que «le chaos administratif dans la gestion des munitions de tir justifiait une condamnation et pas une simple sanction disciplinaire». «Aucun militaire n'est au-dessus des règles. Ces pratiques n'auraient jamais été admises dans un service de milice», a-t-il dit «choqué de constater les libertés prises avec les règles et les procédures».
Au garde-à-vous
Au garde-à-vous, les cinq accusés ont écouté la lecture du dispositif. Après l'audience, Me Jacques Piller, avocat du lieutenant-colonel au centre des débats, a salué le fait que «les accusations disproportionnées et infamantes aient été réduites à néant». Mais il s'est déclaré «surpris» par la sévérité de la peine.
Les auditeurs de l'armée se sont dits «satisfaits» de la reconnaissance de culpabilité de quatre des cinq accusés. Ils le sont moins sur les infractions retenues et attendent les motivations écrites pour se prononcer quant à un éventuel appel.
Rapport préliminaire
Enfin, les parties n'avaient pas connaissance d'un rapport de 2014 de la police militaire, révélé jeudi soir par la RTS. Celui-ci évoquait des échanges d'armes non déclarées entre particuliers, impliquant apparemment un des accusés.
Il s'agissait d'un rapport préliminaire de la police militaire, a précisé Tobias Kühne, responsable de la communication pour la justice militaire. Comme la plupart de ces armes étaient des armes civiles, le dossier a été transmis aux autorités civiles de plusieurs cantons de Suisse romande, dont celui de Fribourg.
ATS