Selon la CIA, Poutine a lui-même supervisé le piratage des mails du Parti démocrate américain. Il n'a jamais pardonné à Hillary Clinton ses ingérences
La vengeance est un plat qui se mange froid, et Poutine a attendu cinq ans avant de servir le sien. En effet, s'il a ordonné le piratage des messageries du Parti démocrate avec pour objectif l'élection de Donald Trump, comme le soutiennent les agences de renseignements américaines, c'est en raison d'un événement : la prise de position d'Hillary Clinton lors d'une réunion de l'OSCE devant les ministres des Affaires étrangères de 56 pays le 6 décembre 2011 en Lituanie.
Ce jour-là, la secrétaire d'État brise le protocole. Et conteste la régularité des élections législatives organisées deux jours plus tôt en Russie. « Nous avons de sérieuses préoccupations sur la tenue de ces élections, dit-elle. Les partis indépendants ont reçu l'interdiction de s'enregistrer et les premiers rapports indiquent des tentatives de bourrages d'urnes et des manipulations de listes de votants. »
Dans l'assistance, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, serre les dents. Hillary Clinton poursuit et pointe le harcèlement des observateurs et le piratage des sites des ONG. Le tout orchestré par les autorités russes. À Moscou, Poutine fulmine. Des milliers de personnes battent déjà le pavé pour protester contre les fraudes et la colère monte. Ils seront bientôt 130 000 dans les rues de la capitale. Du jamais-vu depuis l'arrivée de Poutine au pouvoir. Au siège de l'Otan à Bruxelles, Clinton enfonce à nouveau le clou : « Les États-Unis soutiennent les droits du peuple russe », lance-t-elle.
Il est préférable de ne pas débattre avec les femmes
Après plusieurs jours de silence, Poutine contre-attaque et accuse Clinton d'avoir « donné le signal de départ » de la contestation. « Nous comprenons tous qu'une partie des organisateurs agit selon un scénario connu », dit-il.
Dès lors, la rupture entre l'ancien officier du KGB et la future candidate à la présidence américaine est totale. Au lendemain de l'annexion de la Crimée par Moscou en février 2014, Hillary Clinton lance une nouvelle charge. « Si cela vous semble familier, c'est parce qu'Hitler l'a fait dans les années 30. » Poutine encaisse et lui répond deux mois plus tard. À sa façon. « Il est préférable de ne pas débattre avec les femmes, lâche-t-il. Pour une femme, cependant, la faiblesse n'est pas tellement un défaut. »
En janvier 2013, avant de quitter son poste de secrétaire d'État, Hillary Clinton avait prodigué par écrit ses conseils à Barack Obama. Et elle l'avertissait : « Force et détermination sont le seul langage que comprend Poutine. » Elle en aura fait les frais…
MARC NEXON