Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 2 novembre 2016

Pilatus et la France : une histoire d'amour




Le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général André Lanata, l’a encore répété lors de ses récentes auditions devant les parlementaires : le programme FOMEDEC (Formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse) est un dossier extrêmement important dans la mesure où sa mise en oeuvre permettra de générer des économies annuelles d’environ 110 millions d’euros, tant au niveau du maintien en condition opérationnelle (MCO) que celui des ressources humaines, de familiariser les élèves pilotes de chasse au système d’armes du Rafale et d’appliquer le principe de différenciation aux équipages devant appartenir au « deuxième cercle ».

Autrefois connu sous le nom de « Cognac 2016″, le programme FOMEDEC prévoit le transfert de l’École de l’Aviation de Chasse (EAC) de Tours à Cognac, l’acquisition de systèmes de simulation performants et le remplacement des Alphajet par des avions d’entraînement dont le coût d’exploitation sera réduit.

L’enjeu est de pouvoir former une cinquantaine d’élèves par an et d’entraîner 50 pilotes de chasse expérimentés, lesquels auront à effectuer 140 heures de vol par an sur l’appareil qui remplacera l’Alphajet.

Seulement, le programme FOMEDEC a pris du retard et, par conséquent, son exécution n’en est devenue que plus urgente. « Au départ, nous étions partis pour un partenariat public-privé (PPP) pour le financer. Le ministère a finalement renoncé, privilégiant un leasing court; le délai d’instruction ayant conduit à cette nouvelle solution explique le décalage de la contractualisation », a expliqué le général Lanata aux députés.

« Une décision avant la fin de l’année est d’autant plus nécessaire que le projet sous-tend de nombreux équilibres du système de combat et des lignes budgétaires de l’armée de l’air. La balle est actuellement dans le camp de la DGA [Direction générale de l'armement, ndlr] dans l’attente de la désignation du prestataire », ajouté le CEMAA.

Reste donc à savoir quel appareil sera retenu par la DGA, les trois constructeurs jusqu’alors fréquemment cités étant Alenia Aermacchi pour le M-345 HET (High Efficiency Trainer), Aero Vodochody pour la dernière version de son L-39 et Pilatus, pour le turbopropulseur PC-21.

Le prédécesseur de l’actuel CEMAA, le général Denis Mercier, n’avait pas caché, lors d’une audition au Sénat en 2013, sa préférence pour un « avion d’entraînement turbopropulsé de dernière génération », dont l’avionique serait « proche de celle des appareils de combat moderne ». D’où, d’ailleurs, une demande d’enquête sur la validité de la procédure de la DGA déposée par Aero Vodochody l’an passé…

Mais, visiblement, le Pdg de Pilatus, Markus Bucher, est très confiant car il a dit, le 31 octobre, lors de la NBAA business aviation convention d’Orlando (Floride), s’attendre à signer d’ici 2017 un contrat pour fournir entre 20 et 25 PC-21 au prestataire (Airbus ou Babcock) qui sera retenu par l’armée de l’Air pour le programme FOMEDEC.

Le choix d’un turbopropulseur pour remplacer les Alphajet pose plusieurs questions, dans la mesure où, par exemple, la Royal Australian Air Force, qui a également commandé 49 PC-21 pour l’entraînement avancé de ses élèves pilotes, compte aussi 33 avions à réaction BAE Hawk 127 qu’elle a prévus de moderniser.

Et si l’Alphajet, entré en service à la fin des années 1970, ne convient plus pour la formation des futurs pilotes de Rafale, par quel appareil sera-t-il remplacé au sein des escadrons de transition opérationnelle de la base aérienne 120 de Cazaux? La question se pose aussi pour l’escadron d’entraînement 2/2 Côte d’Or et la Patrouille de France.