Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 11 novembre 2016

La connexion viennoise des jihadistes zurichois


Ebu Tejma a été jugé en juillet de cette année en Autriche. (photo: LinkedIn)



Une manifestation qui s'est déroulée il y a trois ans à Winterthour (ZH) occupe actuellement la justice suisse, révèle jeudi le «TagesAnzeiger». Le 28 septembre 2013, plusieurs prédicateurs islamistes, dont Ibrahim Abou-Nagie, à la tête du réseau controversé «Lis! - la vraie religion», s'étaient réunis à l'hôtel Töss. Selon une étude des autorités allemandes, publiée en 2015, une personne sur cinq des 378 Allemands étant partis faire le jihad était membre de cette organisation internationale.

Le rassemblement était annoncé comme étant une journée de collecte d'argent pour les victimes de la guerre civile en Syrie. Mais il se pourrait que la manifestation ait permis la création d'un réseau à travers lequel plusieurs hommes, femmes et enfants ont rejoint les rangs du groupe Etat islamique. Peu après la «journée de collecte», un jeune de Constance (All) était parti faire le jihad en Syrie. Au moins une demi-dizaine de personnes de Winterthour (ZH) ont fait de même. Tous avaient assisté au rassemblement.

«Il avait une influence sur toute la région linguistique allemande»

Voilà pourquoi le Ministère public de la Confédération (MPC) s'intéresse actuellement à l'affaire, écrit le quotidien alémanique. Contacté par «20 minutes», le MPC confirme qu'une procédure pénale a été ouverte. Une des personnes ayant aidé à organiser la manifestation se trouve en détention provisoire à Berthoud (BE). Et un des prédicateurs, Ebu Tejma, a été condamné en juillet de cette année à 20 ans de prison en Autriche.

Selon des recherches du «TagesAnzeiger», tant les autorités suisses qu'autrichiennes s'intéresseraient à une prétendue «connection salafiste austro-helvétique», qui ferait partie d'un réseau bien plus grand qui irait d'Allemagne jusqu'en Irak et en Syrie. Johannes Saal, chercheur de l'Uni de Lucerne, pense qu'Ebu Tejma occupe une position-clé dans cette affaire: «Il avait non seulement une influence sur les jihadistes en Autriche, mais aussi ceux des Balkans et de toute la région linguistique allemande, surtout en Suisse et au sud de l'Allemagne.»

Une école de sport pour recruter des jihadistes

Le procès d'Ebu Tejma avait permis de révéler qu'il entretenait des liens étroits avec deux «confrères» de Winterthour: Valdet Gashi, double champion du monde en boxe thaïe décédé en 2015 en Syrie, et S.V., emprisonné depuis neuf mois à Berthoud (BE). Les deux hommes sont accusés d'avoir créé une école de sport à Winterthour appelée MMA Sunna. Au moins trois Zurichois, ayant suivi les entraînements dans cette école, sont partis faire le jihad en Syrie par la suite. Les enquêteurs suisses pensent que S.V., qui avait l'habitude de fréquenter la mosquée controversée An'Nur, occupait en Suisse un rôle similaire qu'Ebu Tejma, condamné en tant que recruteur de l'EI en Autriche.

L'homme incarcéré à Berthoud est revenu à Winterthour après un séjour en Syrie. Il affirme s'y être rendu pour des raisons humanitaires, bien que des photos le montrent lourdement armé. Pour les enquêteurs, le suspect ne serait autre que l'alter ego à Winterthour d'Ebu Tejma.

Tous deux sont en effet des Bosniaques de Serbie qui entretiennent des contacts avec le prédicateur bosnien Bilal Bosnic. Ce dernier a été condamné en 2015 dans son pays à sept ans de prison pour appels à la violence et recrutement pour l'Etat islamique.