C'est apparemment une première. Pour démanteler le réseau « Strasbourg-Marseille-Raqqa », la DGSI a fait appel aux infiltrés du Service interministériel d'assistance technique (SIAT). Avec 15 000 dollars en poche (fournis par la DGSI), un agent du SIAT a pu approcher un djihadiste européen basé à Raqqa en prétendant pouvoir lui fournir des armes. À charge pour le « Syrien » de faire venir dans la région parisienne ses complices basés à Strasbourg pour les récupérer. L'agent avait laissé entendre à son interlocuteur qu'il avait caché les armes dans une forte du Val-d'Oise, non loin d'une ville réputée pour ses quartiers sensibles.
L'opération de police a mis du temps à aboutir. Le réseau de financement a été repéré par les services français en février et a permis l'interpellation de certains membres du réseau avant l'Euro de football, en juin dernier. Pourtant, le « Syrien » a persévéré dans son projet mortifère. Et ce, malgré quelques ratés... Alors que, cet été, tout semblait prêt, l'un des Strasbourgeois attendait son RSA pour pouvoir s'acheter le billet de train Strasbourg-Paris qui lui permettrait d'aller récupérer les armes. Finalement, il ne viendra jamais dans la capitale.
Un seul djihadiste fiché
Cette enquête, menée par la DGSI depuis huit mois, révèle de nouvelles pratiques des djihadistes, de plus en plus difficiles à repérer. Les individus interpellés à Strasbourg et à Marseille, identifiés seulement quatre jours avant leur arrestation, ne communiquaient pas entre eux. C'est le « Syrien » qui faisait le lien via des messageries cryptées. Lui encore qui a organisé le projet d'attentat. Les Français, eux, devaient désigner leur cible.
Les Strasbourgeois Hicham M et Yassine B, 37 ans, étaient jusque-là inconnus des services de police. Leurs complices présumés, Zakaria M et Sami Ben Z, 36 ans, sont, eux, connus défavorablement pour des délits sans rapport avec le djihadisme et n'avaient jusque-là aucune implication politico-religieuse. Seul le nom du Marocain résidant au Portugal, Hicham el-H, était consigné dans le fichier des personnes recherchées (FPR).
« Ils sont très, très motivés. Ils veulent vraiment nous taper la gueule et, avec les combats là-bas, ils ont envie de se remonter le moral, donc l'alerte est maximale », s'inquiète une source proche de l'enquête.
AZIZ ZEMOURI