Défini comme «pro-russe» par une partie de la classe politico-médiatique, le vainqueur de la primaire de la droite et du centre aurait bénéficié de l’appui du Kremlin. Ou plutôt de son armée de «trolls» dont l’existence n’a jamais été prouvée.
A chaque élection dans un pays occidental son lot de polémiques autour des «trolls russes» ? A peine élu candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle que déjà François Fillon est la cible de certains observateurs médiatiques et politiques. En cause ? Sa soi-disant «russophilie» que laisserait deviner son programme en matière de politique étrangère.
Pour rappel, l’ancien Premier ministre plaide pour un rééquilibrage des relations avec Moscou et n’envisage pas forcément une sortie de crise en Syrie qui passerait par un départ de Bachar el-Assad. Il n’en fallait pas plus pour que certains accusent François Fillon d’avoir bénéficié de l’appui sur les réseaux sociaux d’une armée de trolls à la solde du Kremlin. Les mêmes attaques ont frappé Donald Trump ou le camp des pro-Brexit.
Pour une partie des médias, l’existence des «trolls de Poutine» est acquise
Le journaliste de L’Obs Jean-Baptiste Naudet ne s’embarrasse pas de conditionnel au moment d’écrire sur cette polémique : «Et de deux ? Après avoir donné un coup de main au très russophile Donald Trump pour s'installer à la Maison Blanche, le Kremlin va-t-il réussir un coup double en aidant un autre pro-russe, François Fillon, à conquérir l'Elysée ?», peut-on lire en attaque de son papier.
Dans ce même article, on peut lire l’analyse de l’enseignante et historienne Marie Peltier, auteur de l'Ere du complotisme (Editions Les Petits Matins).
Et elle est affirmative : «Les réseaux d'extrême droite française, liés et financés par la Russie, ont lancé, quelques jours avant le premier tour de la primaire de droite, une violente campagne sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter, pour soutenir Fillon et casser Juppé, en l'attaquant particulièrement sur le thème de l'islam.»
S’il y en a un que l’on ne peut pas taxer de russophilie, c’est bien Nicolas Hénin. Le journaliste et auteur des Réseaux russes en France insiste, lui aussi dans L’Obs, sur l’«amitié» qu’entretiendrait François Fillon et le président russe. «Il a noué une authentique amitié avec Poutine. Il n'est pas russophile mais poutinophile», affirme-t-il.
Très bien. Cela suffit-il à François Fillon pour bénéficier de la terrible force de frappe numérique du Kremlin ? Pour répondre à cette question faudrait-il encore qu’elle existe.
Le précédent américain
Lors de la campagne pour la présidence des Etats-Unis, un des angles d’attaque préférées d’Hillary Clinton contre Donald Trump était sa soi-disant proximité avec le Kremlin et son locataire. De quoi faire dire aux représentants politico-médiatiques en faveur de l’ex-candidate démocrate que le milliardaire a bénéficié du travail des «trolls» de Poutine et autres hackers russes tout au long de la campagne.
Si Trump n’a jamais caché son respect pour son (bientôt) homologue, aucune preuve de quelconques liens plus profonds n’a été mise à jour. Comme le rappelait le pourtant très pro-Clinton New-York Times le 31 octobre 2016, l’enquête menée par le FBI durant l’été précédant n’a montré aucun lien entre Donald Trump et les hautes sphères russes.
De même que Julian Assange a toujours formellement démenti travailler pour la Russie. Le lanceur d’alerte et fondateur du site Wikileaks a joué un rôle majeur dans la campagne américaine en rendant public plusieurs milliers de courriels interne à l’équipe d’Hillary Clinton. Celui qui pourrait bien se voir nommé «Personnalité de l’année» par le Time Magazine a toujours rejeté les accusations qui voulaient qu’il avantage délibérément Donald Trump pour le compte de Moscou.
Le 4 octobre, alors qu’il tenait une vidéo-conférence pour les 10 ans de Wikileaks, il avait déclaré ceci : «Toutes les déclarations sur les liens qui auraient existé entre WikiLeaks et la Russie sont absurdes.»
Quand des farceurs russes se paient la tête de journalistes américains
Parfois cette chasse aux sorcières, ou plutôt aux «trolls», célèbres ou pas, prend une tournure drolatique. L’humoriste Samantha Bee, qui n’a jamais caché son soutien à Hillary Clinton, voulait tellement trouver les fameux «trolls russes» qu’elle s’est rendue à Moscou afin d’en rencontrer pour le compte de son émission Full Frontal.
Le jeune homme et la jeune femme qu’elle a pu interviewer affirmaient avoir été engagés pour «faire changer d’avis des gens simples sur le vote et la Russie». Le troll présumé soulignait même avoir «environ une centaine de comptes sur Twitter et 15 ou 20 sur Facebook» pour prêcher la bonne parole de Vladimir Poutine et Donald Trump.
Problème : les deux protagonistes participaient en fait à un canular visant à «se payer la tête» des journalistes américains. Nos confrères de RT à l’international n’ont eu aucun mal à retrouver les farceurs. Selon ces derniers, ils ont touché 10 000 dollars pour participer au show de Samantha Bee.