Selon François Hollande, un attentat a été « déjoué » et « un groupe annihilé » après la découverte d'une voiture chargée de bonbonnes de gaz à Paris le week-end dernier et l'arrestation, jeudi 8 sepembre, de trois jeunes femmes radicalisées. « Un groupe a été annihilé, mais il y en a d'autres », a déclaré le président français en marge d'un déplacement à Athènes pour un sommet des pays méditerranéens de l'Union européenne.
Avant la conférence de presse du procureur de la République, François Molins, prévue à 17 h 30, des détails ont commencé à filtrer sur le coup de filet antiterroriste qui a eu lieu la veille dans l'Essonne. Trois femmes ont été arrêtées et un policier a été blessé lors de l'intervention. Cette opération des forces de l'ordre, quelques jours après la découverte à proximité de Notre-Dame de Paris d'un véhicule rempli de bonbonnes de gaz, dimanche 4 septembre au matin, a débuté vers 19 heures.
« Ces jeunes femmes, âgées de 39, 23 et 19 ans, radicalisées, fanatisées, préparaient vraisemblablement de nouvelles actions violentes, et de surcroît imminentes », a affirmé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d'une courte allocution Place Beauvau, jeudi en fin de soirée.
De fait, l'une des jeunes femmes, présente à Boussy-Saint-Antoine, a aussitôt bondi sur l'un des policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), un couteau de boucher à la main. Blessé, ce dernier a été évacué, mais ses jours ne sont pas en danger. L'assaillante a été légèrement blessée lors de l'intervention et interpellée avec deux autres femmes.
Un lien avec la « veuve » de Coulibaly
Parmi les trois interpellées figure Inès Madani, dont Le Point.fr publie l'avis de recherche. La jeune femme était classée « individu dangereux ». Née le 15 mars 1997 à Tremblay-en-France au sein d'un couple mixte, elle était fichée S pour avoir exprimé le souhait de rejoindre la Syrie et manifesté l'intention de conduire une opération djihadiste.
Elle aurait laissé une lettre d'adieu à sa mère confirmant sa volonté de vouloir conduire une opération-suicide. Selon RTL, elle portait sur elle une deuxième lettre dans laquelle elle prêtait allégeance à l'État islamique. Après avoir abandonné précipitamment la voiture de son père, chargée de bonbonnes de gaz, auxquelles elle souhaitait mettre le feu pour les faire exploser, elle se serait disputée avec ses complices, avant de s'enfuir.
Les enquêteurs cherchent désormais à établir avec certitude les liens qu'entretenait cette jeune femme avec Hayat Boumeddiene, la compagne du tueur de l'Hyper Cacher, Amedy Coulibaly. Hayat Boumeddiene a quitté la France pour le territoire du « califat » de l'État islamique (EI), le 2 janvier 2015, en compagnie d'un autre djihadiste français, Mehdi Sabry Belhoucine.
Troublantes connexions
D'après la chaîne de télévision LCI, le profil de Sarah H., une Française âgée de 23 ans, intéresserait également les policiers. Cette jeune femme, arrêtée en même temps qu'Inès Madani, aurait en effet eu le projet d'épouser Larossi Abballa, juste avant que celui-ci n'assassine le policier Jean-Baptiste Salvaing et son épouse Jessica Schneider à leur domicile de Magnanville (Yvelines) en juin dernier.
Après la mort d'Abballa dans l'assaut du Raid, la jeune femme radicalisée avait promis à Adel Kermiche, 19 ans, l'un des tueurs du père Jacques Hamel le 26 juillet dernier, qu'elle entendait se marier avec lui. Quelques jours plus tard, Kermiche était, à son tour, abattu par les policiers après avoir commis son attaque à Saint-Étienne-du-Rouvray.
Son compagnon Mohamed Lamine A. a été interpellé, jeudi soir, en région parisienne dans le cadre de cette enquête. Ce dernier se trouve être le frère de Charaf Eddine A., actuellement incarcéré pour ses liens étroits avec Larossi Abballa. Fichée S, Sarah H. avait tenté de partir, comme Inès Madani, dans la zone irako-syrienne. Elle avait été refoulée par la Turquie en mars 2015 et était depuis sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire émise par le ministère de l'Intérieur.
Un attentat pour venger Al Adnani ?
Les trois femmes auraient confirmé qu'elles préparaient une « opération imminente » et exprimé, dans leurs premiers interrogatoires, leur intention de vouloir venger la mort d'Abou Mohamed Al Adnani, le « ministre des attentats » de Daech. Ce dernier a été tué en Syrie par une frappe de la coalition fin août. Son décès a été confirmé la semaine dernière. Ce qui laisse entendre que les bonbonnes de gaz retrouvées dans la capitale pouvaient servir à la préparation d'un attentat. Aucun dispositif de mise à feu n'a pourtant été retrouvé dans le véhicule, garé rue de la Bûcherie, feux de détresse allumés. Seuls trois récipients contenant du gasoil, une matière moins inflammable que l'essence, se trouvaient à bord de cette Peugeot 607.
Selon le Monde, les enquêteurs auraient découvert que les trois femmes étaient en relation avec un donneur d'ordres situé en zone irako-syrienne. Il pourrait s'agir de Rachid Kassim, un djihadiste né à Roanne, très actif sur les réseaux sociaux. Les services français le soupçonnent d'être l'instigateur du meurtre du père Jacques Hamel, assassiné dans l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet dernier.
Les investigations se poursuivent
Quatre autres personnes fichées S, deux couples, avaient déjà été arrêtées avant jeudi. Ces individus étaient connus des services spécialisés pour leur implication dans la mouvance islamiste radicale. Pour autant, ce ne sont pas les deux hommes (deux frères : Abderrahmane et Ibrahim D.), originaires de Châlette-sur-Loing (Loiret), mais leurs femmes qui semblent, à ce stade, impliquées dans ce projet d'attentat avorté.
Cette commune de 12 000 habitants, située en périphérie de Montargis, intéresse depuis longtemps les services de renseignements et les policiers antiterroristes. Le 12 janvier 2015, des perquisitions y avaient eu lieu pour vérifier qu'Amedy Coulibaly n'y disposait pas d'un appartement.