Dans un enregistrement audio diffusé le 28 juillet, Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda, a fait savoir que le Front al-Nosra pouvait reprendre son autonomie à l’égard de son organisation si cela lui était nécessaire pour préserver son unité et continuer son combat en Syrie.
« Vous pouvez sacrifier sans hésitation les liens organisationnels s’ils sont un obstacle à votre unité, et travailler de façon autonome », a en effet déclaré le successeur d’Oussama ben Laden.
En mai, al-Zawahiri avait appelé à « l’unité des moudjahidines du Cham », nécessaire pour « libérer » la Syrie des « Russes et des croisés occidentaux ». Et Hamza ben Laden, l’un des fils du fondateur d’al-Qaïda, avait aussi estimé, à la même époque, que la Syrie était un objectif « prioritaire ». « La voie pour libérer la Palestine est aujourd’hui plus courte grâce à la révolution en Syrie », avait-il dit.
Plus tard, au cours d’une apparition inédite dans un enregistrement diffusé par la chaîne al-Jazeera, Abou Mohammad al-Jolani [photo], le chef du Front al-Nosra, a confirmé la prise de distance de son mouvement à l’égard d’al-Qaïda.
« Nous avons décidé d’arrêter d’opérer sous le nom de Front al-Nosra et de recréer un nouveau groupe (…) portant le nom de Fateh al-Cham (Conquête de la Syrie) », a annoncé al-Jolani.
Selon ses explications, il s’agit ainsi de « faire taire les prétextes avancés par la communauté internationale et à sa tête les Etats-Unis et la Russie pour bombarder (…) les musulmans en Syrie tout en prétendant viser » le Front al-Nosra et de « protéger la révolution syrienne ». En outre, al-Jolani a également promis « d’unir les efforts avec les combattants menant le jihad afin de libérer la Syrie. »
Cette « rupture » apparente avec al-Qaïda s’explique probablement – et en partie – par des dissensions entre les chefs du Front al-Nosra. En effet, certains veulent instaurer, sans attendre, un émirat islamique dans les zones conquises en Syrie alors que d’autres pensent que cela ne sera possible qu’après la chute du régime de Bachar el-Assad. À cela, s’ajoute la rivalité avec l’État islamique (EI ou Daesh).
En outre, en adoptant le nom de « Front Fateh al-Cham », l’ex-branche syrienne d’al-Qaïda compte rallier à elle d’autres groupes rebelles islamistes et salafistes.
Pour autant, ce changement de posture ne trompe pas le général Votel, le chef de l’US Centcom, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen Orient. « Ces organisations sont extraordinairement rusées, extraordinairement flexibles. Il faut s’attendre à ce qu’elles entreprennent des choses », a-t-il commenté, lors du forum sur la sécurité d’Aspen (Colorado).
Et d’ajouter : « Elles peuvent peut-être ajouter une branche à l’arbre, la rendre un peu différente, mais cette branche trouve son origine dans une idéologie et une approche fondamentale. Au centre de tout ça, c’est toujours al-Qaïda. » « Nous devrons continuer de nous préoccuper d’eux à long terme, nous ne pourrons pas nous fier juste à ce qu’ils font aujourd’hui », a conclu le général Votel.