Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 13 juin 2016

SRC : Parmelin l’assure: «La nouvelle loi sur le renseignement respecte les libertés individuelles»



Le ministre de la Défense prépare son premier combat référendaire. Il promet que les atteintes à la sphère privée se limiteront au strict nécessaire, et cite comme argument la récente attaque dont Ruag a été victime.

Le 25 septembre, Guy Parmelin aura son premier rendez-vous avec l’électorat suisse, qui devra se prononcer ce jour-là sur la nouvelle loi sur le renseignement. Il part en «campagne pédagogique» – c’est son expression – tôt. Il a présenté ses arguments lundi, plus de trois mois et demi avant le scrutin. «Lorsqu’un sujet est sensible, on ne commence jamais trop tôt à en expliquer l’importance pour la sécurité des citoyens», justifie-t-il.

Selon le ministre de la Défense, la loi présentée au peuple «respecte le nécessaire équilibre entre les libertés individuelles et la sécurité individuelle». Elle donne au Service de renseignement de la Confédération (SRC) de nouveaux moyens d’investigation préventive, mais ceux-ci, assure Guy Parmelin, sont juridiquement et démocratiquement contrôlés.

Aujourd’hui, le SRC est pénalisé parce qu’il ne peut agir que dans l’espace public. Qu’il s’agisse d’une personne soupçonnée d’espionnage, d’un jeune Suisse revenant d’une zone de conflit djihadiste ou d’un parti politique interdit dans un Etat étranger mais comptant des adhérents en Suisse, il ne peut s’appuyer que sur des données «publiquement accessibles», des informations fournies par des services secrets étrangers, des indices communiqués par des autorités ou des indicateurs. Or, les technologies utilisées par les terroristes et les espions ont une longueur d’avance sur les moyens dont dispose le SRC.

Pas de chevaux de Troie

Celui-ci ne peut pas enregistrer préventivement les déplacements d’un suspect, surveiller son logement, ses communications téléphoniques, ses courriers électroniques ou installer un cheval de Troie dans son ordinateur. La nouvelle loi permettra au SRC d’utiliser ces moyens d’enquête, mais seulement sur la base d’une autorisation politique et judiciaire. Avant de procéder à des écoutes téléphoniques ciblées ou s’infiltrer dans un ordinateur, il devra obtenir le feu vert du Tribunal administratif fédéral (TAF), du chef du Département fédéral de la défense (DDPS) et de la Délégation de sécurité du Conseil fédéral.

Ces possibilités seront par ailleurs réservées aux soupçons d’actes terroristes, d’espionnage, de prolifération d’armes de destruction massive ou de cyberattaques, mais pas aux cas d’extrémisme violent sans lien avec une activité terroriste. «Les organisateurs et participants à des manifestations relevant de l’extrémisme violent ne pourront pas être préventivement mis sur écoute ni leurs ordinateurs infiltrés», insiste Guy Parmelin.

La loi prévoit de surveiller les réseaux de télécommunications câblés, qui remplacent de plus en plus souvent les réseaux satellitaires. L’exploration du réseau câblé est l’un des points les plus sensibles de la réforme. Cette possibilité «augmente les chances d’identifier les actes d’espionnage électronique d’Etats étrangers dirigés contre la Suisse», relève le DDPS. Les exploitants suisses de réseaux câblés offrant des prestations publiques en trafic transfrontalier seront tenus de collaborer, mais cela se fera sous contrôle judiciaire.

Prévenir une nouvelle affaire Ruag

Par ailleurs, la nouvelle loi permettra au SRC de s’introduire dans des ordinateurs situés à l’étranger d’où auraient été lancées des cyberattaques contre des infrastructures suisses. Cela concerne par exemple l’attaque dont a été victime Ruag.

Guy Parmelin estime à une dizaine par année le nombre de cas qui feront l’objet de telles investigations. Il assure que les atteintes à la sphère privée se limiteront au strict nécessaire, justifié par des soupçons répondant aux critères prédéfinis (terrorisme, espionnage, cyberattaques, armes de destruction massive). Les informations seront recueillies à l’aide de mots-clés ciblés (nom de la personne, d’un réseau, d’un lieu, d’un parti interdit, par exemple) et celles qui n’auront aucun lien avec la recherche ne seront pas conservées, promet-il.

Cela ne suffit pas à calmer le comité référendaire. Celui-ci réunit les Jeunes socialistes, les Verts, une partie du Parti socialiste ainsi que les organisations droitsfondamentaux.ch et Digitale Gesellschaft. Il juge la loi trop intrusive et même «infâme». Selon le comité, elle donne «le droit d’espionner les e-mails, SMS et messages WhatsApp» et «l’échange de données avec d’autres services de renseignement dans le cadre de la coopération avec l’OTAN deviendront la normalité», critique-t-il dans un communiqué. Le Conseil central islamique suisse (CCIS) combat également les nouveaux moyens donnés au SRC. «C’est peut-être la meilleure publicité cette loi», commente ironiquement Guy Parmelin.

Bernard Wuthrich