Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 1 mai 2016

Le groupe bélier et l'affaire Flukiger


Des morts gênants pour la cause jurassienne 




« Il est certain que la mort de Rudolf  Flukiger a été et demeure très gênante pour la cause jurassienne». Ce n'est pas nous qui l'affirmons. Mais un témoin au-dessus, sur ce point, de tout soupçon puisqu'il s'agit de l'un des responsables des groupes pro jurassiens Bélier» de la région de Porrentruy. Les déclarations que nous a faites ce chef  "Bélier" prénommé Michel, jointes à celles de la famille Flukiger et aux différents indices que nous avons pu recueillir. nous ont permis de dresser un tableau des différentes coïncidences ayant entouré non seulement la disparition de l'aspirant Rudolf Flukiger. mais aussi celles du caporal Rodolphe Heusler et Alfred Amez.

Une thèse semble prévaloir. Elle reprend, dans première partie, les grandes lignes de la lettre anonyme qui avait été adressée le 15 septembre 1977, à L'impartial de La Chaux-de-Fonds.

Force est de reconnaître que l'hypothèse avancée peut être entièrement réduite à néant si le témoin que nous avons rencontré, et qu aurait vu Rudolf Flukiger le matin du 17 septembre 1977, circulant à pied entre Fèche-l'Église et Delle ne se trompe pas. On voit mal les autonomistes jurassiens s'emparer de l'aspirant en Territoire français!

Ajoutons que la Justice semble accorder un certain crédit à ce témoignage, puisque le parquet de Belfort a fait procéder à de nouvelle investigations.

Mais s'il se rompe, la thèse avancée (et que nous versons au dossier) se tient parfaitement ».

Le procès-verbal de la séance de Grandfontaine mentionne les membres présents: tous sont là, sauf un, «le choucas multicolore». Cet oiseau apportera plus tard une importante somme d'argent, pas suffisante pour faire basculer le plébiscite, mais il a rempli son contrat. Cet argent provient d'une transaction qui s'est passée dans la nuit du 16 au 17 septembre 1977. Armes et munitions contre de l’argent. Ce que le procès-verbal ne dit pas, ce sont les circonstances de la transaction. Les autres l'apprendront quelques jours plus tard. L'hypothèse de travail peut être la suivante. Flukiger fait sa course aux points. Il tombe par inadvertance sur la transaction et il est éliminé par une arme qui n'est pas la sienne (tir au thorax). La transaction se termine dans la hâte et le corps est embarqué pour ne pas attirer l'attention sur la réunion de Grandfontaine. Pour éliminer toute preuve de l’intervention d'une tierce personne, le crime est camouflé en suicide, avec une grenade prélevée sur le stock des munitions échangées. Le pistolet est gardé en compensation. N'oublions pas qu'il s'agit d'une arme inconnue des services de police.

Qui était à Grandfontaine? Qui n'y était pas? Quel était le sujet à l'ordre du jour? Quelle somme d'argent est apparue et dans quelle circonstance? Si cette hypothèse est proche de la réalité, de nombreux acteurs sont encore bien vivants, alors attention où nous mènent nos pas.

Rudolf FLUKIGER disparu le 16 septembre 1977 à Bure le jour où, à quelques kilomètres de là, les militants jurassiens étaient réunis à Grand-fontaine : retrouvé mort le 13 octobre 1977 à Grandvillars.


Trois meurtres, ceux de trois hommes ayant trouvé la mort de façon violente. Pour Rudolf Flukiger, nous pensons avoir démontré que la thèse du suicide ne tenait plus guère.



L’aspirant Flukiger s'est suicidé

Ceci est une affirmation de la justice. Est-ce la réalité? Tout d'abord, le profil psychologique de l'élève officier ne laissait rien paraître d'une telle possibilité, mais admettons cette éventualité.

La partie inférieure de son corps est retrouvée avec des éclats de grenade et la moitié de la plaque d'identité. Dans une poche? Si oui, laquelle: gauche ou droite, devant ou derrière? Casser la plaque d'identité est un geste de militaire, pour montrer la fin, soit. Mais dans le cas présent, il ne peut s'agir que d'un geste programmé qui est à rapprocher du détournement d'une grenade, de son transport camouflé et de la mise à exécution du projet. Briser sa plaque peut faire partie du tout, à condition qu'elle ait été trouvée sur le corps du côté de la main dominante. Flukiger était-il gaucher ou droitier?
Lors d'une course de patrouille en tenue bleue, ce qui était le cas, chaque officier a sur lui son arme, dans le holster. Etait-ce un P-210 ou un P-220? Le holster n'est pas le même, mais les deux se portent à la ceinture. Le 210 peut être porté en bandoulière latérale. Pour se suicider à la grenade, au niveau du thorax, il est particulièrement encombrant de prendre son arme contre soi au niveau du thorax dans le seul but de la faire disparaître avec le holster. N'oublions pas qu'il s'agissait d'une course d'orientation dans le terrain, à la recherche de points-carte. Cela ne se fait pas une arme à la main, donc le holster est indispensable.

Admettons quand même l'idée de faire disparaître l'arme dans le temps du suicide. Des éclats de grenade ont été retrouvés dans la partie inférieure du corps, mais pas de trace de métal provenant, soit du pistolet ou du magasin de l'arme, qui contenait tout de même de la munition. Encore moins de débris de cuir du holster. Si l'arme n'a pas été détruite lors de l'explosion, où a-t-elle disparu? Personne ne l’a revue. Enterrée? Un suicidaire se fiche de tout lorsqu'il est prêt de mourir, alors enterrer son arme! Volée? Cela voudrait dire que le chasseur qui a retrouvé le corps se serait approprié un objet faisant partie de l'enquête, dans le but d'augmenter le mystère. Hypothèse difficile à soutenir. Ou que quelqu'un d'autre aurait passé en premier, aurait pris l'arme et laissé le cadavre en l'état? Hypothèse aussi difficile à soutenir.

L'arme a bel et bien disparu, sans qu'elle fasse l'objet d'une recherche très poussée lors de l'enquête. Du moins cela n'apparaît pas dans les rapports à disposition du grand public. Cette arme a un numéro de série, noté dans le Livret de service de l'aspirant. Ce numéro n'a jamais fait l'objet d'une quelconque publicité, bien que l'arme ait disparu. Si elle a été détruite dans l'explosion, il ne (p.76) sert à rien. Si elle a été volée, il aurait pu servir à retrouver un témoin confirmant le suicide, ou ouvrir une autre piste, celle d'un crime.

Alfred Amez

En ce qui concerne Alfred Amez,  l'enquête diligentée par le parquet de Dijon a retenu le suicide, une version que son fils conteste. Alfred Amez (22 mars 1978, Pouilly-en-Auxois, France) est un restaurateur suisse (patron du café l'Aigle à Grandfontaine, Suisse). On le trouve mort le 22 mars 1978, une balle de 6,35 mm dans la tête, sous un pont de l'autroute A1 près de Pouilly-en-Auxois.

Rodolphe Heusler, quant à lui, a été assassiné par son collègue André Rychen. À la suite des deux procès qui ont eu lieu à Porrentruy, Rychen a été condamné à la réclusion à vie. Dans l'affaire Heusler, les choses paraissent donc claires. A priori seulement, car le mobile de Rychen qui a donné 22 versions différentes du drame qui s'est déroulé le 2 mars 1978 à l'Oiselier, n'a jamais été établi.

Les tragiques destins des trois hommes ne seraient-ils pas liés ?

« 16 septembre 1977 : dans la salle du "café de l'Aigle" à Grand Fontaine. Les militants pro-jurassien de l'Ajoie fêtent joyeusement l'opération qu'ils viennent de mener pour bloquer le chantier de résidences secondaires destinées à des Bâlois. Les policiers et les gendarmes, parmi lesquels Rolphe Heusler, on noté les numéros de leurs voitures.

La bière coule, Alfred Amez fait le service. L'euphorie aidant, quelques militants décident de faire une bonne blague. Oui, mais comment trouver un "Fritz"? Facile : il est de notoriété publique qu'un exercice, une course aux points, va avoir lieu le soir- même, à l'école militaire de Bure. Les aspirants vont être lâchés seuls dans la nature et parmi eux, il y a de nombreux suisses allemands.

Suivis du regard par Alfred Amez, les militants sortent et prennent leurs voitures. Un premier groupe se rend au lieu-dit les Hauts du Mont, qu'il atteint vers 21 h 30. Les militants voient arriver Rudolf Flukger auquel ils s'adressent en allemand . Pour son malheur, le jeune aspirant leur répond dans sa langue maternelle. Il est maîtrisé, ligoté, baillonné, et jeté dans le coffre de la voiture.

De la farce à la tragédie 

Le premier groupe du militant rejoint le second qui doit transporter à Berne Rudolf  Flukiger. On ouvre le coffre. Terrible constatation: axphyxié Flukiger a rendu l'âme. La farce a tourné au drame.

Le cou est terrible pour les auteurs de l'enlèvement, mais aussi pour la cause jurassienne. Que faire ? Il est clair qu'il ne faut pas que la cause précise du décès de l'aspirant puisse être déterminée. Il faut si possible, que l‘on croie à un suicide. Immédiatement ou quelques jours plus tard (?). On transporte le cadavre de Flukiger à Grandvillars. Dans le bois de la Voivre, on fait exploser le haut de son corps sur une grenade 43. Pour qu'il puisse tout de même être identifié. On laisse la médaille militaire portant son nom près de lui. Accessoirement on conserve le pistolet SIG de Flukiger. Il pourra toujours être utile dans l'hypothèse ou les "Béliers" seraient obligés de passer à l'action violente dans le cas peu probable où le référendum prévu sur la constitution du canton du Jura serait négatif.

Le 13 octobre 1977. M. Fernand Loriol découvre le corps de Rudolf Flukiger. La thèse du suicide est retenue. Tout semble aller bien. C'est compter sans l'obstination du caporal Rodolphe Heusler qui ne croyant pas que l'aspirant se soit donné la mort, enquête.

Il possède le numéro des voitures de Grandfontaine et découvre "le pot aux roses". En même temps. il s'aperçoit que son collègue André Rychen dont le compte en banque est bien garni, a touché de l'argent des "Béliers" pour leur donner des renseignements. Heusler menace de tout révéler. Rychen prend peur et l'assassine, le 2 mars l978.


Version de Rychen



Question 

Peu après, Alfred Amez participe à une fête à Courchavon. Probablement traumatisé par tous ces événements et l'alcool aidant, il se laisse aller à des confidences. Les auteurs de l'enlèvement estiment qu'Amez parle trop. Ils le rencontrent et lui demandent de quitter la Suisse : Pour faire pression sur lui, ils possèdent une arme : les renseignements qu'ils ont sur les trafics plus ou moins importants auxquels Amez se livrerait entre son pays et la France. Amez qui, semble-t-il ne jouit pas d'un très grand équilibre mental, panique. Il choisit une solution radicale.

Le mardi 22 mars 1978, il quitte sa femme en lui disant : "Je vais faire des courses à Porrentruy". En réalité. C'est en France qu'il se rend, près de Pouilly-en-Auxois, à proximité du domicile de ses beaux parents qui demeurent à Bourberain. Amez stoppe sa voiture sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute. Il descend sous le pont qui, à cet endroit, enjambe l'armançon et se loge une balle de 6.35 dans la tète.

L'affaire Fluckiger vient de faire son troisième mort et certains, peut-être, respirent un peu mieux en Ajoie... ? Les faits sont de toute façon troublants.

Et au montent de refermer le dossier Flukiger nous ne pouvons nous empêcher de laisser la parole au père de Rudolf , qui en notre présence, c'est interrogé : "Les investigations portant sur les militants pro jurassiens ont-elles été poussées à fond ?"

J-P. Pastissié