Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 8 février 2016

Les printemps arabes, chevaux de Troie du terrorisme




Mars-avril 2011, le printemps arabe fleurissait en Syrie. Des manifestations d’opposants avaient lieu dans de nombreuses villes. Le gouvernement alternait la carotte des baisses de taxes, des augmentations de postes et de salaires avec le bâton d’une répression sévère. Dans une mise en scène bien réglée, les médias dénonçaient la barbarie du régime, des défections se produisaient dans ses rangs, un organisme de transition voyait le jour tandis que la protestation se muait en rébellion et la révolte en guerre civile. Le scénario étonnamment semblable à celui d’autres tournages se produisait avec des variantes locales. Le dictateur ne partait pas comme en Tunisie. L’armée ne basculait pas comme en Égypte. Faute d’intervention militaire directe d’une puissance occidentale, le régime ne s’effondrait pas comme en Libye. Il tenait avec le soutien de milices loyalistes, celui de l’Iran et de la Russie et l’arrivée des supplétifs chiites libanais ou irakiens. Il contrôle aujourd’hui plus de 70 % de la population, notamment les personnes déplacées qui se sont mises sous sa protection, dont on parle peu. Pendant ce temps, l’opposition connaissait, sans avoir gagné, le sort de celle de Libye apparemment victorieuse. Sa façade démocratique se craquelait, son unité se fissurait. Deux conseils dominés par les Frères musulmans, l’un appuyé par la Turquie (le CNS, Conseil national syrien), l’autre par le Qatar (la CNFOR, Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution) revendiquaient la légitimité. Le décor démocratique et son Armée syrienne libre étaient débordés par des groupes islamistes rivaux et de plus en plus violents : le Front islamique, le Front al-Nosra, l’Etat islamique multipliaient les conflits fratricides. Les Kurdes accédaient de fait à l’autonomie le long de la frontière turque.

Depuis l’intervention russe en octobre 2015, l’armée syrienne appuyée par ses alliés reconquiert le terrain. La carte montre aisément que les rebelles sont, comme par hasard, en force aux abords des frontières jordanienne et turque, là où ils peuvent recevoir l’aide de l’OTAN et des pays du Golfe. Il faut être aveugle pour ne pas comprendre que la France et ses alliés fournissent un soutien qui peut, en raison de la confusion de la situation, aller à des djihadistes qui sont nos ennemis, comme ceux d’Al-Nosra (Al-Qaïda) dont Fabius s’était laissé aller à dire qu’ils faisaient du « bon boulot ». Les troupes d’Assad ont libéré récemment deux villes encerclées au nord d’Alep et vont, à leur tour, refermer l’étau sur les islamistes qui occupent une partie de la grande cité. Le risque est donc très grand de voir se dévoiler le vrai visage de l’opposition syrienne avec une intervention directe des Turcs et des Saoudiens. Les seconds en parlent. Les Russes ont observé des mouvements inquiétants des premiers. La guerre est désormais possible, et notre pays s’y trouverait engagé dans le mauvais camp, celui des pays (la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar) qui, avec l’aval du président américain et néanmoins « prix Nobel de la paix », ont déstabilisé l’ensemble du monde arabe pour promouvoir une apparence de démocratie qui s’est révélée être le cheval de Troie de l’islamisme. Cette tentative a échoué partout. Soit il y a eu un quasi-retour à la situation d’origine dans des pays lourdement menacés par le terrorisme et appauvris par la désertion des touristes comme la Tunisie et l’Égypte. Soit la guerre civile s’est installée comme en Syrie, au Yémen et en Libye. Dans ce pays, l’État islamique s’est emparé de Syrte au centre de la côte méditerranéenne, menaçant directement l’Europe. De part et d’autre, deux gouvernements rivaux se partagent un pays plus que jamais retourné à l’anarchie tribale. C’est évidemment à ce type de situation que pourrait aboutir l’accord de paix voulu par les Occidentaux en Syrie.

Christian Vanneste